Green Lantern
Le 08/08/2011 à 14:20Par Camille Solal
Aussi artificiel qu'éphémère, Green Lantern pourra toutefois séduire ceux qui ont gardé leur âme d'enfant, laissant le reste de son audience tapoter nerveusement du pied en scrutant l'heure, affligé par des blagues qui tombent à plat et une structure dramatique minimaliste. Qu'on se le dise, Green Lantern est bien plus proche du Speed Racer des frères Wachowski que du The Dark Knight de Nolan. Pourtant, à défaut d'être le meilleur blockbuster de l'année, le film de Martin Campbell peut néanmoins légitimement concourir pour le titre du meilleur roller coaster numérique de l'été. C'est déjà ça de pris.
Critique Green Lantern
"Bonjour, alors pour Green Lantern ce sera la première salle à gauche, voici vos lunettes 3D et votre âme d’enfant", telle pourrait être la phrase d’accueil de votre séance de cinéma. Car le film de Martin Campbell vous fera voyager au cœur d’un gloubi-boulga d’effets visuels colorés aussi pimpants qu’un camion de pompier tout-beau-tout-neuf. Mais pour que le grand enfant qui sommeille en vous sautille d’excitation il faudra d’abord vous délester de toutes traces de cynisme, sans quoi l’amas de pixels filant aux quatre coins de l’écran se transformera en une sorte de truelle servant à combler les failles d’un scénario aussi troué qu’une râpe à fromage.
Car on a beau être dans la mode des films de super-héros introspectifs et violents, il est pourtant bon de rappeler que le personnage de Green Lantern n’est pas aussi sombre que le célèbre chevalier noir ou le fameux diurnambule. De ce fait, le Green Lantern de Martin Campbell est avant tout un film familial (labellisé sans hémoglobine) qui s’adresse autant aux petits qu’aux grands enfants. C’est d’ailleurs sûrement pour cette raison que le scénario est aussi manichéen et stéréotypé que le plus naïf des contes…
Il était une fois Hal Jordan, un beau gosse tombeur de ces dames -accessoirement pilote de chasse- à qui tout réussit et qui devient, par le plus grand des hasards, un Green Lantern : un super héros ayant pour mission de protéger l’univers. Face à lui, le docteur Hector Hammond, chétif, réservé et moustachu, se transforme, par le plus grand des hasards encore, en une sorte d’Elephant Man moderne ayant pour mission de tuer notre vaillant héros vert. Entre les deux hommes, histoire de pimenter un chouïa la confrontation, il y a Carol Ferris (Blake Lively, belle comme un cœur, inutile comme un pangolin), l’amour d’enfance d’Hal et, bien entendu, l’amour fantasmé du Vilain Hector… Si le faux triangle amoureux du preux chevalier, de la jolie princesse et du monstre atteint de calvitie et d’excroissances crâniennes n’est pas le point d’orgue du film, il met toutefois en lumière l’absence d’alchimie du couple vedette.
Certes, Ryan Reynolds et Blake Lively sont d’une beauté fascinante (à frapper, dirait Tyler Durden), mais l’étincelle ne scintille jamais vraiment. Pour preuve lorsque Carol se retrouve en danger après avoir été kidnappée par Hammond, on voudrait bien avoir peur pour elle mais rien n'y fait : on ne se sent pas du tout impliqué dans le drame qui tente vainement de se nouer. Alors pourquoi le film accuse-t-il une carence aussi importante malgré l’évidente volonté des deux acteurs ? Peut-être est-ce parce que Ryan Reynolds conserve, contre vents et marées, un brushing aussi impeccable qu’un Playmobil et que Blake Lively défile plus qu’elle n’interprète. Ou peut-être est-ce parce que les pouvoirs du Green Lantern sont totalement disproportionnés face à un méchant qui fait plus de peine qu’il n’effraie.
Dans tous les cas et même sans panache, Ryan Reynolds remplit son contrat en tant que Green Lantern. Certes l’acteur ne compose pas comme le fait Johnny Depp pour Jack Sparrow ou Christian Bale pour Bruce Wayne/Batman mais il se dote d’une telle assurance et d’un tel bagou qu’il n’est jamais ridicule dans le fameux costume vert en images de synthèse. Au casting, c’est néanmoins Peter Sarsgaard qui épate. L’acteur assure dans le rôle de l’humain sensible et renfermé qui devient un monstre autant par une contamination extraterrestre que par une projection de perfection professionnelle que lui renvoie son père et de perfection physique que lui renvoie Hal Jordan. Rabaissé et humilié plus que de raison, le personnage en viendrait même à remporter l’empathie du spectateur s’il ne devenait pas si rapidement aussi bête que déformé. Fort heureusement, le docteur Hector Hammond n’est pas le grand méchant de l’intrigue puisqu’il laisse ce siège à un monstre géant entièrement réalisé en images de synthèses capable d’engloutir des planètes entières et répondant au doux nom chatoyant de : Parallax !
Alors que la bobine déroule, alternant scènes étonnamment soporifiques (la séquence d’avions de chasse qui fait penser à Top Gun et son flashback mélodramatique qui fait penser à Hot Shots!) et scènes particulièrement prenantes (la trop courte séquence d’entrainement de Kilowog avec la voix puissante de l’acteur Michael Clarke Duncan), arrive soudain la scène du conseil. En voyant à l’écran ces milliers de 'Green Lanterns', on s’enfonce dans son siège, on pense au budget du film ("Ah si moi aussi j’avais 200 millions de dollars…") et on attend fébrilement le moment de la grande bataille finale où tous partiront combattre Parallax, le monstre géant. Et comme on est encore dans notre cocon de naïveté, c’est à peu près à l’apparition des remerciements lors du générique de fin, lorsque le préposé au nettoyage posté au bout de notre rangée tape fébrilement avec son balais pour qu’on déguerpisse de la salle de cinéma qu’on se rend compte que la scène en question n’arrivera jamais, le scénario lui préférant finalement un très, trop court duel final.
Une énorme déception donc, surtout lorsqu’on remarque que le film n’est jamais aussi bon que lorsqu’il fonce tête baissée dans le grand n’importe quoi, notamment lorsque Green Lantern transforme un hélicoptère en Hot Wheels avant de lui créer une piste d’atterrissage digne d’un circuit de Formule 1. Car c’est bien ce qui manque cruellement au film, un jusqu’au-boutisme qui aurait dû nous emporter. Pourtant, avec un costume qui a la faculté de tout créer et dont la seule limite est l’imagination de son porteur, on aurait pu s’attendre à une multiplication de folies visuelles ou au moins s'attendre à de quoi rendre le spectateur moins regardant sur la qualité des effets spéciaux.
Parce que si Green Lantern plonge le spectateur dans un océan visuel, ce dernier n’atteint pourtant jamais la qualité escomptée. Ce n’est certes pas laid, loin de là, mais tout transpire le faux, les fonds verts et autres méthodes d’incrustation. De ce fait on ne ressent jamais le poids des armes, des corps, la puissance des pouvoirs ni l’intensité de l’univers. Et ce n’est pas la 3D, aussi gadget qu’à l’accoutumée, qui sauvera la donne. Finalement, même s’il faut reconnaître en Green Lantern un film plutôt honnête dans sa globalité, on ne peut s’empêcher de penser au travail de Martin Campbell qu’on a déjà vu plus inspiré ailleurs et au budget du film à peu près aussi élevé que le PIB de la Lituanie qui, ensemble, n’arrivent jamais à imprégner durablement la rétine du spectateur. Ainsi, même si le score du compositeur James Newton-Howard (Incassable, The Dark Knight) offre une impulsion bienvenue au personnage du Green Lantern lors de ses voyages vers l’infini et au-delà, il n’en reste pas moins que lorsque les portes de la salle de cinéma claquent dans notre dos on en vient à réaliser, assez benoîtement, que ce gros blockbuster estival est en fait une énorme sucrerie dont on aurait aimé se goinfrer à l’époque des sacs banane, des Pogs et des francs.
Critique de Green Lantern publiée le 21 juillet 2011.