Dallas Buyers Club : la renaissance de Matthew McConaughey [Critique]
Le 29/01/2014 à 12:08Par Romain Duvic
Dallas Buyers Club : la critique du film
Propos : 1986, Dallas, Texas, une histoire vraie. Ron Woodroof a 35 ans, des bottes, un Stetson, c’est un cow-boy, un vrai. Sa vie : sexe, drogue et rodéo. Tout bascule quand, diagnostiqué séropositif, il lui reste 30 jours à vivre. Révolté par l’impuissance du corps médical, il recourt à des traitements alternatifs non officiels. Au fil du temps, il rassemble d’autres malades en quête de guérison : le Dallas Buyers Club est né. Mais son succès gêne, Ron doit s’engager dans une bataille contre les laboratoires et les autorités fédérales. C’est son combat pour une nouvelle cause… et pour sa propre vie.
"Dallas Buyers Club a l’idée novatrice de relater le malheur d’un personnage franchement antipathique"
L’individu esseulé face au système inébranlable est devenu au fil des années l’une des oppositions les plus usitées à Hollywood. Cette construction à la David contre Goliath, qui émouvait il y a vingt ans dans Philadelphia, on la retrouve aujourd’hui dans Dallas Buyers Club. Mais si le parallèle entre les deux métrages peut paraître évident de prime abord, du fait qu’ils reviennent tous deux sur le vécu d’un sidéen, ils n’ont pourtant rien de plus en commun. Le premier film américain de Jean-Marc Vallée est en effet tout sauf académique tant il délaisse tous les aspects souvent perçus comme inhérents à ce type de sujet. À l'inverse du plaidoyer - néanmoins utile – contre l'intolérance que fut le film porté par Tom Hanks, Dallas Buyers Club a l’idée novatrice de relater le malheur d’un personnage franchement antipathique. Fêtard aussi bien homophobe que sexiste, cocaïnomane et arnaqueur, Ron Woodroof n’a rien de ces victimes lambda tire-larmes dont raffole Hollywood. Si la prise de conscience de sa séropositivité force progressivement le protagoniste à s’ouvrir aux autres, il reste pourtant, même dos au mur, un homme souvent irrespectueux et profondément individualiste.
"le droit de chaque individu de contrôler ce qui est introduit dans son corps"
Autant par nécessité que par opportunisme, Ron se lance ainsi au milieu des années 80 dans le semi-caritatif en ouvrant le Dallas Buyers Club, lieu devenant rapidement le seul espoir de centaines de séropositifs dépourvus de médication. "Semi" seulement puisque les membres du club, ou plutôt ses clients, doivent se délester mensuellement de 400 dollars afin d’avoir accès à des traitements que le cowboy importe, à la limite de la légalité, des quatre coins du globe. Farouchement opposé aux laboratoires pharmaceutiques et à la Food and Drug Administration – les antagonistes du film – qu’il accuse sans détour d’intoxiquer les patients en proposant pour seul remède de l’AZT encore expérimental, Ron va se battre sans relâche pendant 7 ans pour souligner "le droit de chaque individu de contrôler ce qui est introduit dans son corps" et rester en vie. À la fois dealer et premier défenseur de sa nouvelle communauté, Ron préserve, par son ambivalence, Dallas Buyers Club de tout manichéisme, qui au contraire, livre une vision amère de la maladie et du combat qui lui est lié.
"Le duo McConaughey / Leto se transcende et fait preuve d'une complicité étonnante"
Véritable pain béni pour le cinéma, le destin extraordinaire de ce simple électricien texan est, de plus, tombé entre de bonnes mains, les scénaristes Craig Borten et Melisa Wallack ayant eu la clairvoyance de ne pas romancer à outrance un matériau de base se suffisant déjà amplement à lui-même. Dallas Buyers Club s’épargne ainsi un récit versant dans le misérabilisme ou la fatalité et laisse le soin à son casting de provoquer l’empathie avec ses personnages. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le choix de Jean-Marc Vallée s’avère gagnant tant Matthew McConaughey (Ron Woodroof) et Jared Leto (son associé Rayon) crèvent l’écran autant par leurs interprétations que par leurs prestations physiques (leurs pertes de poids sont réellement destabilisantes). Le charisme et l’espièglerie du premier apportent à Dallas Buyers Club une touche de légèreté en autorisant le rire sans ne jamais perdre de vue la gravité du propos tandis que le second contrebalance la rudesse du récit par sa sensibilité à fleur de peau. Porté par une mise en scène humble et entièrement à son service, le duo se transcende et fait preuve d’une complicité étonnante au point de devenir le véritable moteur du film.
Il n’est dès lors plus question de SIDA ou d’homophobie mais d’un combat mené par de simples hommes face à l’adversité et en ce sens, McConaughey et Leto rendent justice de la plus belle des manières à l’histoire de Ron : un homme à qui il restait 30 jours à vivre et qui s’est offert une renaissance.