Délire Express
Le 01/12/2008 à 18:01Par Arnaud Mangin
Seth Rogen - valeur ultra-sure de la comédie américaine contemporaine - en héros de film d'action du type Le Dernier Samaritain, vous en avez rêvé ? Délire Express l'a fait ! Chaperonné par le producteur Judd Appatow, spécialisé dans les récits humains aux dialogues orduriers et pourtant jamais fondamentalement vulgaires (une recette mystère), cet opus décide de faire parler la poudre ! Avec son pitch de Buddy Movies comme on n'en voyait que dans les années 80, cette étonnante reconversion de David Gordon Green, qu'on a connu ouvertement moins commercial, résonne comme un rêve de gosse. Celui d'une bande d'adulescents dont la filmographie gentiment grivoise parle pour eux et qui ont décidés de se faire plaisir, comme lorsqu'ils jouaient à Zorro quand ils étaient petits. Généreux, spectaculaire et très souvent drôle, Délire Express souffre néanmoins du métissage de son concept et se retrouve parfois déséquilibré entre la boutade pure et l'action, elle aussi 100% pure. Pas mémorable mais sympa quand même, le film se paye un inconvénient de poids : ne pas être aussi vivifiant que le génial Supergrave, pour ceux qui cherchent une échelle de valeur.
Un certain Hot Fuzz ne ferait-il pas des émules ? Sans aller jusqu'à évoquer une mouvance en marche, on ne peut constater un certain hommage au cinéma d'action par des gens à priori loin de cet univers. Entre le film d'Edgar Wright qui singe Michael Bay avec le budget de la cantine de Transformers, l'encore tout frais Tonnerre sous les tropiques et le Pinneapple Express qui nous intéresse aujourd'hui (parce que le ''Délire'' du titre français, on trouve ça un peu bidon), les rois de la déconne se sentent un peu investis d'une mission : revigorer un genre avec lequel ils ont grandis, avec lequel ils ont probablement appris à aimer le cinéma et qui semble définitivement tombé dans une industrie sans âme dans laquelle ils ne se reconnaissent plus. Que les élèves dépassent parfois leur maîtres, on s'y est habitués, mais on s'attendait néanmoins pas à une telle incursion dans ce type de production de la part de la joyeuse équipe de 40 ans toujours puceau, En Cloque, mode d'emploi et le Supergrave évoqué plus haut. C'est vrai que dans les intentions, la note ne fonctionne pas trop mal.
C'est l'histoire de deux loosers, chacun coupé du reste du monde, dont le seul leitmotiv est leur fascination commune pour les herbes exotiques qui font voir la vie en rose fluo. L'un (James Franco, aux antipodes de son rôle dans Spider-Man) est un petit dealer de quartier pas très futé, l'autre (Seth Rogen) est un consommateur compulsif qui essaie de cacher son vice derrière le portrait cliché d'un employé modèle.... Si ce n'est que sa fiancée n'a que 17 ans et vit encore chez ses parents et que son boulot consiste à remettre sournoisement leurs notifications aux mauvais payeurs. Jusque là, rien d'anormal dans ce film aspirant efficacement au post-teen movie traditionnel, mais lorsque ces derniers gouteront ensemble au fameux Pineapple express, la beu ultime qui fait tourner le métabolisme à l'envers (aux origines militaires mystérieuses), leurs vies vont changer. Et pas en bien puisque l'un de nos héros sera témoin d'un meurtre violent pendant qu'il se décontractait peinard dans sa caisse. Préférant légitimement prendre la fuite, dans un état second, il encastrera les voitures à côté desquels il était garé, attirant l'attention sur lui avant d'aller bêtement se réfugier chez l'autre. Pris en chasse par des flics ripoux et des portes-flingues de la mafia locale, ils tenteront alors se battre pour leur propre survie, mais en étant complètement défoncés !
Sur le papier, cette idée de 48 heures qui rencontre Doc Gyneco sonne sympathiquement et la recette donne très régulièrement lieu à quelques séquences pas piquées des vers. On pense notamment à une poursuite en voiture dont le conducteur a le pied coincé dans le pare-brise, une scène de baston bien bourrine mais totalement désordonnée puisque aucun de ses protagonistes n'a de notion de combat, ou bien encore une tentative désespérée de Rogen de sauver la vie de ses beaux-parents, avec la discrétion d'un putois planqué chez Séphora ! Les idées sont effectivement bonnes et nombreuses, mais le film souffre d'un renforcement bancal qui ne consolide pas l'ensemble très adroitement. Pour faire plus simple : on alterne souvent les passages très poilants et énergiques avec d'autres qui retombent comme un soufflet. Un déséquilibre sur un plan rythmique probablement dû à une pure écriture de comédie (dans laquelle on aurait casé des scènes d'action) empêchant de prendre le spectateur dans son sillage. Rien d'alarmant en soi, parce que le divertissement répond bel et bien présent, parfois riche en surprises, notamment un duo d'acteurs qui fonctionne du feu de dieu. Mais tout en restant loin du roller-coster tant espéré. Pas grave. Pas super grave...