Django Unchained
Le 18/12/2012 à 17:13Par Jonathan Deladerriere
CRITIQUE DU FILM DJANGO UNCHAINED
Sud des Etats-Unis, 2 ans avant la guerre de Sécession. Dès le décor planté, les premières minutes, de la mise en place de l’intrigue à l’exposition des personnages, les spectateurs que nous sommes salivent. Conscients que le nouveau Tarantino, c’est pour maintenant, une seule envie : en selle !
The Black, The Murderer and the Bastard
Le Dr King Schultz (Christoph Waltz), chasseur de prime allemand ayant fait l’acquisition de Django (Jamie Foxx), esclave surdoué avec un flingue, se rend vite compte que ce dernier peut se révéler un précieux allié dans sa traque aux frères Brittle. Ces dangereux criminels, morts ou vifs, ne deviendront toutefois qu’une excuse parmi tant d’autres pour Django de retrouver Broomhilda, sa femme, elle aussi victime des négriers… S’en suivront ainsi jeux de dupes, sacrifices, exécutions en mode survie, ou joutes verbales inoubliables…
Vous l’aurez compris, le metteur en scène des formidables Kill Bill, Jackie Brown et autres Pulp fiction ne s’embarrasse pas, pour son dernier mètre étalon, d’une écriture tirée par les cheveux. Lorgnant sempiternellement vers tout un pan du cinéma bis (du western spaghetti à l’iconographie la plus « cool » déjà usitée), quid du nouvel opus d’un cinéaste aussi glorifié que critiqué pour ses partis pris formels, parfois inutilement révérencieux ?
La première pièce du puzzle se dévoile, une fois n’est pas coutume, dans le « style Tarantino ». Immédiatement identifiable, le réalisateur, comme une nique à la critique, assume ses (très) nombreux clins d’œil, de Leone à Castellari, de Corbucci au grand Clint. L’heure n’est plus aux fayots, elle est aux spag(Sic)… Forcément jumelé avec son inégal Inglorious Basterds, le cinéaste retient pourtant les leçons de certaines errances passées et parvient à surmonter ses propres démons. Bavardage exacerbé, iconographie forcée ou déferlement de violence sauvage, les plaisirs coupables sont toujours là mais, ici, on ne peut plus jouissifs. Au delà de certains plans à tomber par terre, on appréciera donc le certain classicisme formel et l’impression décalée d’être devant un bon vieux classique. Mais un Tarantino ne peut forcément pas se résumer à sa « gueule ».
Vite plongé dans le bain après un premier tiers incroyablement bien écrit, le cinéphile se doit de constater que Tarantino est en grande forme. Alternant des répliques plus désopilantes les unes que les autres, notamment entre le couple Foxx/Waltz, on se surprend à se demander quel élément déclencheur du récit nous attend devant cette somme toute banale histoire de quête vengeresse entre un quidam esclave et un tueur à gages au grand cœur.
Django unchained ou la bromance contrariée
Au delà donc d’une seconde bobine un peu molle du genou, on reste tout d’abord les yeux écarquillés par les différents jeux d’acteurs s’offrants à nous. De l’inénarrable Cristoph Waltz en passant par le magnifique Don Johnson et l’inattendue partition d’un Samuel L Jackson en pleine euphorie, l’heure est au cabotinage communicatif et au plaisir évident. Il serait toutefois réducteur de limiter ce dernier opus à un jeu de massacre en mode Actor’s studio, le talent et les trouvailles du metteur en scène ne faisant que commencer...
Souhaitant mettre l’Amérique face à ses souvenirs de manière la plus frontale possible (le choix de Jamie Foxx pour le rôle de Django est une sacrée bonne idée), Tarantino ne prend pas de gants et, prêt à encaisser le punition, défie les démons de sa patrie esclavagiste. Prétexte à un humour « noir » fort à propos, le verbe est agressif et la dualité héroïque oscillante de nos héros appréciable. D’Un justicier dans la ville à L’inspecteur Harry, de Open range à Revenge, l’Amérique assume sa violence, son affection historique pour la loi du Talion, et laisse exploser sa rage dans autant de plans iconiques. Tarantino connaît ses classiques, il joue tout autant avec ses livres d’histoires… Ambiguë et donc souvent insoutenable, cette nouvelle mise en lumière des errements passés d’une cicatrice toujours convalescente est heureusement contrebalancée par un second degré on ne peut plus salutaire.
Une histoire simple pour des hommes simples
Souhaitant autant divertir son public que susciter la controverse et la réminiscence avec cette simple histoire de sauvetage de l’être aimé, Quentin Tarantino soigne son office avec autant de préparation qu’il n’est possible. Usant de clins d’oeil on ne peut plus explicites (la femme s’appelant Von « Shaft », la figure mythique de la blaxploitation !) pour mettre au piloris cette Amérique aussi polémique que mère de tous les fantasmes (on le remercie pour l’hilarante scène du KKK encagoulé), le cinéaste livre un véritable chant d’amour au Far West, à Sergio Leone, aux simples histoires de bonhommes.
En cela, même si ce Django unchained se veut un hommage direct à franco Nero (joli mais trop court cameo) et au film de Corbucci en 66, c’est avant tout une vraie déclaration à tout un pan du cinéma, celui du western spaghett et sa maitrise formelle des grands espaces à Kevin Costner ou John Hillcoat.
DJANGO ! DJANGO !
Alors donc que cette première pellicule nous donnait à digérer une intrigue simple, enfonçait des portes ouvertes (l’esclavage, c’est pas bien) et fourmillait de bonnes idées bien aidées par un score titillant encore une fois les cimes du genre, la film peinera malgré tout à trouver son rythme dans sa seconde partie. Priant pour un retournement de situation qui n’arrivera jamais, le spectateur, circonspect, attend son heure (et demi), persuadé que dans son dernier tiers le père Tarantino laissera éclater sa fureur. Ce sera effectivement le cas, totalement décomplexé, il nous lancera alors tout ce qu’il a en pleine figure, comme une gerbe de sang que l’on crache.
Brûlot anti raciste plus que cinglant porté par un Christoph Waltz éclipsant tout son monde et un Leonardo Di Caprio efficace en crapule déguelasse et précieuse, Django unchained n’est sûrement pas exempt de défauts, que ce soit pour ses longueurs ou pour son nombre de mises en abîme du genre parfois un poil trop forcés. Impossible toutefois d’ignorer que le cinéphile a grandi et que sa réalisation force le respect. Maitrisant sa mise en scène comme jamais, le film est souvent d’une beauté à couper le souffle. Porté par une bande originale encore une fois délirante, un final inoubliable et des interprètes tous plus fendards les uns que les autres (bon sang, L Jackson en Uncle Ben’s !), Django se fait figure mythique (merci pour le cours de légende sur Siegfried) et fait oublier son manichéisme scénaristique… Une œuvre pas encore définitive mais un vrai chant d’amour au cinéma. Dieu que ça fait du bien !