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Splice

Le 28/06/2010 à 11:11
Par
Notre avis
8 10

Sans nul doute l'un des rares films fantastiques de l'année à ne surtout pas rater, Splice trouve le parfait équilibre entre la fable horrifique de divertissement et un vrai enlisement introspectif dérangeant... Comme l'avait fait David Cronenberg il y a quelques années avec La Mouche, Vincenzo Natali n'utilise ses monstres que comme un reflet des mauvaises ondes ambiantes et pose de façon cash des questions auxquelles on n'oserait pas répondre. Peut-être trop de questions, semant le trouble plus que nécessaire dans la morale du spectateur, mais au service d'un spectacle qui n'en demeure pas moins fascinant. Sans le vouloir et du fond de son laboratoire, le cinéaste vient de créer le premier bébé éprouvant...

Découvrez ci-dessous la critique de Splice


Critique Splice

Critique Splice

 

Annoncé, relancé et fantasmé... C'est après une gestation longue de dix ans que Splice de Vincenzo Natali voit enfin le jour. En réalité un projet repoussé aux calendes grecques moult fois et qui ne doit son feu vert qu'au ventre mou hollywoodien suscité par la grève des scénaristes pendant l'hiver 2007/2008. Une entreprise qui s'est finalement montée parce qu'il fallait bien que quelque chose se fasse à ce moment là... En l'occurrence, on appelle ça un miracle. D'abord parce que lorsque l'industrie mainstream se montre boitillante, les auteurs sont soudainement libres de faire ce qu'ils ont envie (préparez-vous à un film sans retenue !) mais surtout parce que cette petite production ''bouche-trou'' étale par K.O. sans le moindre mal une grosse partie du cinéma fantastique américain actuel. D'ailleurs, renvoyer le film à quelque chose d'américain est une grave erreur puisque les seuls pesos qui ont été misés dans l'affaire sont canadiens et français. Et oui, il s'agit d'une production Gaumont qui, après avoir été en charge du film d'animation Mary et Max, confirme une certaine réussite à s'imposer sur le marché international via des projets bourrés d'originalité. En tout cas, comme évoqué plus haut, le résultat est une réussite quasi-complète, due à une véritable liberté de ton analytique, nous renvoyant à certains fondements oubliés de ce type de cinéma : incarner l'horreur visuelle à l'écran de façon organique pour transcender un véritable malaise introspectif.

 

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''Oh là... Mais on dirait du David Cronenberg, raconté comme ça !'' Et bien oui ! Sans revendiquer de façon trop affichée un hommage à ce cinéma efficacement déviant, on ne pourra décemment pas ne pas penser aux œuvres du vrai Master Of Horror. Peut-être parce qu'il avait lui-même compris que l'utilisation de l'épouvante devait être un moyen - et non pas une fin - et que Vincenzo Natali aborde son sujet sur les mêmes pas de danse sans pour autant oublier de faire un film qui lui ressemble. On peut même aller jusqu'à dire que Splice est aux difficultés de la parentalité  ce que La Mouche était à l'évolution d'une maladie destructrice. On pourrait évidemment lier les deux films par quelques traits communs faciles comme la manipulation génétique et le sacrifice social de l'être au profit de sa notoriété, mais les exemples seraient tout aussi légion. Frankenstein et surtout L'île du Dr Moreau (à qui Splice emprunte énormément) étaient déjà passés par là. Les vrais traits communs reposeraient plus sur la démarche frontale de l'œuvre. Sans le moindre détour, le film semble arracher quelques veines glauques normalement décelables en filigrane pour mieux les exposer. Avec la chair et les milliards de globules qui vont avec... Une histoire toute bête d'expérimentation scientifique (qui va forcément trop loin) où un jeune couple de petits génies donne vie à une étrange déclinaison de l'être humain (sorte de croisement entre un bébé, un chihuahua et Yoshi) à laquelle ils finiront par s'attacher puis l'élever comme l'enfant qu'il n'ont jamais eu... Ou qu'ils n'ont jamais fait, par peur d'y voir une carrière freinée ou une totale perte de contrôle. Une création de synthèse est plus malléable. Un enfant ''autre'', une créature difforme qu'ils vont d'abord craindre, puis détester et enfin aimer à l'abri des regards, de la raison ou de n'importe quelle notion morale.

 

Critique Critique Splice

 

Si Splice est une œuvre encourageante sur le plan artistique, les nouvelles du monde qu'elle donne ne sont pas des plus réjouissantes. Parce que la simple position de tout à chacun baigne dans la plus grande des incertitudes : professionnelles, sentimentales, sexuelles, éthiques, légales... Qu'est ce qui doit être caché ? Qu'est ce qui doit être exposé ? De quoi doit-on avoir honte, de quoi devons-nous être fiers ? En étant grandiloquent dans le fossé qui sépare les deux univers propres du film (l'industrie commerciale exposée et le cocon familial caché), Natali se targue d'une espèce de folie parfois névrotique (pour les scènes intimistes) ou carrément grandguignolesque lorsque le bestiaire doit être l'objet de toutes les attentions et les enjeux. Pour en revenir à La Mouche, le jeune cinéaste rejoint donc son pair dans l'incarnation visuelle de la douleur physique pour appuyer l'empathie. Des cicatrices plus larges, plus béantes, des malformations plus sujettes au voyeurisme ainsi qu'un travail sonore plaintif qui offre une texture bien singulière à la curieuse créature. Même l'improbable accouchement, par cuves et tuyauteries, nécessitera une césarienne de fortune.  On se souvient d'ailleurs à quel point certains pièges de Cube étaient aussi douloureux à regarder qu'à subir. Une fois encore, toutes les émotions y passent, y compris par le spectateur à qui le réalisateur fera la plus tendancieuse des propositions.  L'une des grandes forces du film est certainement là : nous interroger sur les différentes attentions possibles que l'on acceptera d'apporter à quelque chose que l'on aurait d'abord chassé du pied.

 

Critique Critique Splice

 

On a d'abord connu Vincenzo Natali très malin (Cube), puis très inspiré (Cypher) et très audacieux (Nothing). Avec son quatrième film, le réalisateur démontre qu'il a surtout atteint un stade de maturité impressionnant en se focalisant sur un sujet pas toujours évident (élever un enfant lourdement handicapé, au péril de sa propre carrière) en le faisant sinueusement glisser vers une quête des réalités morales. Si Splice pèche un peu dans une dernière partie moins réussie que tout ce qui précède (et qui est génial), où les enjeux se bousculent avec trop d'empressement au portillon, son existence est d'une importance extrême pour l'intérêt même du genre. D'une part parce qu'il demeure extrêmement réussi au simple titre de divertissement, mais aussi parce que son utilisation le renvoie aux côtés de gros classiques de la même catégorie, alors que nous sommes en 2010, ère souvent marquée par le creux et l'aseptisé. Le cinéma fantastique peut être fier de son petit dernier !

 

Première publication : 25/01/2010 à 12h20





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