Hellboy 2
Le 28/10/2008 à 18:20Par Kevin Prin
Notre avis
« Magnifique », « Superbe », « Splendide ». Quand un film franchit l'atlantique avec autant de retard, on porte forcément une attention toute particulière à ce qui se dit aux Etats-Unis. Pourtant Hellboy 2 s'est planté au box-office local dès sa seconde semaine. Pourquoi ? La sortie de The Dark Knight dix jours après explique-t-elle tout ? Pas sûr. Car si Hellboy 2 possède un paquet de qualités le rendant meilleur que le premier film sur certains aspects, il trimbale aussi son lot de défauts qui le rendent moins bon sur d'autres. Un curieux grand écart !
La comparaison avec "le" film de super-héros du moment est obligatoire : Hellboy 2 s'inscrit comme une anti-thèse complète de The Dark Knight, du moins en ce qui concerne son approche de l'adaptation d'un comics. Le film de Christopher Nolan adapte de son côté très librement l'univers du chevalier noir, en essayant non seulement de le plonger dans notre réalité, mais en y rajoutant une réflexion sur le bien et le mal et plus précisément sur la définition du concept de (super)héros. Une idée certes déjà vue dans la trilogie Spider-Man, mais qui se veut ici plus noire et impose un nombre conséquent de scènes de discussions sur ces sujets, éloignant le film d'une ambiance primaire de comics. The Dark Knight n'est donc pas une adaptation de comics au sens littéral du terme, mais plus un film qui commente le genre: on peut y voir de la prétention ou de la réflexion, un défaut impardonnable ou une immense preuve de maturité. Camarade, choisis ton camp !
On retrouve donc dans Hellboy 2 les qualités du premier film : Guillermo Del Toro accouche avec le second d'un véritable comics live, accepté primairement par ses personnages qui ne se posent pas ou peu de questions sur l'univers qui les entoure. Un parti pris qui peut effectivement donner l'impression d'assister à l'adaptation d'une histoire de seulement vingt pages (comme dans le premier film) mais ce petit défaut trouve dans cette suite son remède ultime : si Del Toro s'était retenu dans Hellboy 1 pour rester le plus fidèle possible à l'œuvre originale, il s'est cette fois-ci, de ses propres mots, complètement lâché ! L'univers de Hellboy 2 est d'une richesse graphique tout simplement inouïe, explosant celui de son prédécesseur, affichant une cohérence esthétique époustouflante qui nous renvoie au plaisir de découverte éprouvé il y a 30 ans face à Star Wars, sa mythologie, son Cantina Band, ses combats au sabre laser ou n'importe lequel de ses ingrédients. Comme si la créativité absente des épisodes suivants des films de George Lucas s'était rematérialisée comme par magie dans Hellboy 2.
Hellboy 2 est donc beau à voir et remplis haut la main sa part de contrat sur ce domaine là. Guillermo Del Toro empile les références, les thèmes qui lui sont chers, avec une intelligence qui enrichit ce grand divertissement et creuse encore l'écart avec le manque d'inspiration de certaines adaptations de comics (Les 4 Fantastiques par exemple). Si ces raisons sont parfaitement suffisantes pour se déplacer dans les salles et assister au spectacle, le bât blesse en revanche sur d'autres points. Les décors urbains du premier film conféraient à son ambiance une certaine noirceur, loin de celle du comics certes, mais tout de même présente. Ici, que nenni. Hellboy 2 ouvre ses portes à la ménagère de moins de 50 ans et c'est sur point précis que résident ses plus grands défauts et que notre colère va gronder. Passé une séquence atterrante sur son adolescence (partant pourtant d'un bon sentiment : la lecture d'une légende à l'heure d'aller dormir), le film va enchaîner des saynètes "humanisant" ses héros/monstres pour les rendre plus proches de nous. Qu'importe leur dignité, elle est sacrifiée sur l'autel d'un hollywoodianisme très décevant de la part d'un Del Toro. Derrière des soi-disant séquences intimes, le réalisateur enchaîne des poncifs fatigants, comme une reprise de All by myself entonnée par Hellboy et Abe Sapien, venant illustrer des amourettes caricaturales à souhait. Le charisme de Hellboy (démon envoyé sur terre pour détruire l'humanité quand même à la base !) en prend un sacré coup.
Pire encore : si le scénario se montre brillant à bien des égards (le méchant de service est une réussite à lui seul, bien plus convaincant que dans la bande-annonce), certaines de ses ficelles dont notamment celles des séquences finales, sont usées jusqu'à la mœlle et viennent desservir le résultat et l'ambiance même du film. Punch-lines usagées (contrairement à celles du premier film), ressors dramatiques déjà vus mille fois... Hellboy 2 méritait mieux, c'est certain. Et pourtant il est difficile de ne pas aimer le film : ses milles qualités suffisent à en ressortir tout de même enthousiaste, juste un peu déçu que les 25% du film ne suivent pas les 75% restant. C'est déjà énorme 75% d'un film au delà de la réussite. Mais c'est encore plus dommage de ne pas être allé jusqu'au bout, surtout pour se compromettre à ce point.