Jojo Rabbit : le meilleur film de Taika Waititi à ce jour ? Notre critique
Le 02/03/2021 à 12:39Par Pierre Champleboux
Jojo Rabbit, ce n’est pas une invention de Taika Waititi. Il s’agit en fait de l’adaptation du roman Le Ciel en Cage de Christine Leunens. Mais le réalisateur d’À la Poursuite de Ricky Baker s’est totalement réapproprié l’histoire pour en faire une fable à la Wes Anderson. Pour ça, il a notamment rajeuni Johannes, le personnage principal, qui dans le roman est agé de 17 ans, et lui a ajouté un ami imaginaire, pour faire de ce conte tragique une histoire à hauteur d’enfant.
On découvre donc Jojo (Roman Griffin Davis), un gamin d’une dizaine d’années, qui peine à se méler à ses petits camarades et a tendance à se réfugier dans un monde imaginaire. Il faut dire que la Seconde Guerre Mondiale fait rage, et qu’on prépare déjà ce gosse à y participer en l'entrainant dans une version scout des jeunesse hitlériennes dirigée en toute inconscience par le désabusé capitaine Klenzendorf, incarné par un Sam Rockwell impeccable et touchant.
Le petit garçon solitaire s’invente alors un ami imaginaire inspiré par son idole du moment : Adolf Hitler. Cette incarnation fantasmée du fürher se rapproche davantage d’un personnage de cartoon que du dictateur qui met le monde à feu et à sang. Cet Hitler là est bondissant, jovial, et prête souvent son oreille et ses conseils au petit garçon qui, il faut le dire, est un brin paumé.
Jojo est totalement perméable à la propagande nazie et ne voit le monde qu’à travers le prisme de cette dernière, jusqu’à ce qu’un jour il découvre que sa mère (Scarlett Johansson), qu’il croit elle aussi conquise par les idées du 3ème Reich, cache en fait une ado juive dans les murs de leur maison.
L’ami imaginaire de Jojo n’apprécie guère, mais tiraillé entre ses idées et son amour pour sa mère, le jeune garçon va bientôt remettre en cause ses certitudes…
En utilisant la farce et le conte, Taika Waititi dépeint un monde ou rien n’est tout blanc ou tout noir. Surfant sans cesse entre la comédie et le drame historique, en introduisant à un contexte des plus sombres de la poésie, de l’absurde et de l’onirisme, le réalisateur accouche d’un film aussi beau que puissant.
Une œuvre à part, servie par un casting impeccable, une réalisation qui ose l’anachronisme sans mépriser son sujet, une histoire intemporelle en forme de doigt d’honneur géant à la haine, au racisme et à la bêtise. Pour nous, ce n’est pas juste un bon moment : c’est un grand film.
Critique publiée pour la sortie au cinéma le 29 janvier 2020.