Kraven : aussi nul que Morbius et Madame Web ? Notre avis - critique
Le 17/12/2024 à 14:49Par Maxime CHAO
Notre avis
Si Marvel Studios a décidé de mettre le hola sur le nombre de ses films à sortir chaque année, 2024 aura été celle du Sony Spider-Man Universe. Madame Web en février dernier, Venom The Last Dance en octobre et Kraven le Chasseur en décembre, on peut le dire, on a été gâté, ou plutôt devrait-on dire malmené. Parce que depuis le début de cet univers qui met en scène les méchants de Spider-Man, sans la moindre apparition de l'Homme-Araignée il faut le rappeler, la qualité n'a jamais été au rendez-vous.
Venom 1, 2, 3, Morbius, Madame Web, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre. Et puis, on a eu une lueur d'espoir avec la première bande annonce de Kraven : plus adulte, plus mature, plus violente aussi, au point de devenir un film R-Rated, c'est-à-dire interdit aux moins de 17 ans aux Etats-Unis, mais tout cela n'était que de la poudre de perlimpinpin. Violence édulcorée, passages censurés, et personnage pas respecté, autant vous dire qu'on va avoir du mal à cautionner. Et revanche, contrairement à ce que les critiques américaines ont avancé, non, ce n'est pas le pire film de tout le Sony Spider-Man Universe, il fait même partie des meilleurs. Mais quand le niveau de qualité est aussi faible, on ne peut que rester dans une certaine forme de médiocrité...
Dans l'imaginaire de la critique américaine, Kraven est un film inférieur aux 3 épisodes de Venom. En effet, sur Rotten Tomatoes, il s'en sort avec la note de 16%, ce qui en fait un film mieux noté que Morbius et Madame Web certes, mais il n'atteint pas le score obtenu par n'importe quel Venom.
Je sais que le cinéma est un art très subjectif, bien plus que le jeu vidéo, mais quand on voit que la presse américaine classe Venom 2 en tête du Sony Spider-Man Universe avec une note moyenne de 58%, on sait déjà que ça ne tourne pas rond.
Donc croyez-moi, Kraven n'est clairement pas le plus mauvais des film de villains du Sony Spider-Man Universe, c'est même celui qui s'en sort le mieux. Attention toutefois, on reste sur une oeuvre ratée, assez laide à regarder dans son ensemble, avec des effets spéciaux de mauvaise qualité, mais le résultat est bien moins désolant que tout le reste. Et c'est sans doute grâce à cette joyeuse brochettes de déceptions à la chaîne que ce Kraven the Hunter nous apparaît presque comme un film moins catastrophique que prévu.
R-RATÉ
Et ce n'était pas forcément gagné quand on sait que le film a été repoussé de deux ans, il devait sortir en janvier 2023 au départ, que JC Chandor le réalisateur a commencé à supplier les spectateurs de donner une chance à son film avant de le condamner et que dans un élan de désespoir, Sony Pictures a balancé les 8 premières minutes du film, comme ça sur YouTube. Preuve qu'en interne, c'est un peu la panique à bord et quand on voit que le film est en train de se vautrer au box office pour son premier week-end au box office, il y a de quoi se dire que la messe est dite et que c'est déjà cuit pour Kraven.
Pourtant, le film partait sur des intentions plus louables que les autres films du Sony Spider-Man Universe, avec cette volonté d'en faire un film pour un public adulte, en y plaçant la violence qu'il faut pour qu'il obtienne la mention R-Rated, soit interdit aux moins de 17 ans non accompagnés. Ne pas forcément plaire au grand public et encore moins aux enfants comme l'a fait Venom par exemple, voilà une stratégie qui pouvait rassurer les fans et le vrai public qu'il est possible de fidéliser. Mais même sur sa supposée violence, Kraven le Chasseur déçoit, et je peux vous le dire aujourd'hui, il a même été édulcoré.
Il y a de nombreux passages aperçus dans les bandes annonces qui ne sont pas dans le cut final, comme ce soldat qui se fait arracher les membres par une horde de loups dans une tempête de neige. Cette scène n'est pas dans le film. Et puis, vous vous rappelez de ce moment où Kraven attaque un convoi de braconniers, qu'il arrache le nez de l'un d'entre eux avec sa bouche, pour ensuite le recracher en direction de la caméra avec éclaboussures de sang sur la caméra ? Là aussi, cette scène a été raccourcie pour ne durer même pas 2 secondes à l'écran, avec un angle de caméra qui a été complètement changé pour qu'on voit moins la violence de l'acte en gros plan, comme c'est le cas dans le premier trailer.
Dans la bande annonce, la caméra est placée à l'intérieur du camion, alors que dans le cut final, la caméra est positionnée dans le véhicule qui roule à côté du camion et on voit la scène depuis l'extérieur donc. L'impact est évidemment moins percutant. C'est la preuve que jusqu'au bout, Sony Pictures manquait de confiance sur son produit, jusqu'à ce demander si la violence graphique du film était un argument valable. Et c'est d'autant plus triste car c'était sur cet aspect qu'il ne fallait pas se rater. Il y a bien quelques passages où Kraven défouraille des soldats en mode John Rambo dans la forêt, mais c'est malheureusement trop peu exploité et surtout trop expéditif pour qu'on puisse s'en réjouir. Kraven est un chasseur, un prédateur, c'est même répété lourdement dans le film, et il aurait fallu jouer sur cet aspect chasse qui n'est pas respecté dans le film.
YES MAN
Pourtant Sony Pictures n'est pas allé chercher n'importe qui pour réaliser le film, puisque c'est JC Chandor qui est derrière la caméra, lui qui nous a offert Triple Frontier en 2019 et surtout A Most Violent Year, un western urbain qui évoque les liens vicieux entre capitalisme et criminalité, tout en faisant tromber les fondations du rêve américain. En gros, JC Chandor est tout sauf un newbie, mais comme vous le savez, quand on fait un film de super-héros, ce sont les producteurs qui ont le cut final, et en l'occurence ici, c'est Avi Arad qui est à la tête de Sony Spider-Man Universe, mais aussi d'Uncharted et de Borderlands.
Si, à notre humble niveau, on peut donner un conseil à donner à Avi Arad, lui qui semble avoir jeté son dévolu sur les adaptations de jeux vidéo au cinéma, c'est d'aller voir ce que les studios de développement font avec leurs jeux, notamment Insomniac Games, qui ont tout compris de l'esprit Spider-Man, ce qu'il faut faire pour adapter ces histoires avec une approche originale, tout en restant fidèle au matériau d'origine. Il suffit de se rappeler le traitement de Venom et de Kraven dans le jeu Spider-Man 2 pour comprendre que c'est eux qui détiennent la clef du succès. Il faut arrêter de prendre le public pour de simples spectateurs-consommateurs et leur donner ce qu'ils ont toujours souhaité, à savoir des histoires bien racontées et surtout des personnages respectés.
TROP JEUNE, TROP BEAU
Car quand bien même Aaron Taylor-Johnson donne le maximum pour nous proposer une version solide de Kraven le Chasseur, le choix de l'acteur est déjà une erreur. Sur les centaines d'acteurs bankables de Hollywood, Sony Pictures est quand même allé chercher un comédien ayant déjà incarné Quicksilver dans le MCU. Et cette volonté absolue de vouloir rajeunir le personnage, il va falloir arrêter cette lubbie aussi. Non, on ne veut pas d'un Kraven qui a 28 ans, qui a la carrure d'un mannequin de podium avec les six pack abdos bien visibles à chacune de ses apparitions, on veut un personnage qui a de la bouteille, qui soit massif dans sa carrure, qu'il nous donne l'impression d'être un ours à chacune de ses apparitions.
Et pourtant, je le répète, Aaron Taylor-Johnson donne tout pour tenter de nous convaincre, mais le pauvre, il est obligé de composer avec un personnage écrit de façon maladroite, qui a pris une mauvaise direction, qui coure comme un animal à quatre pattes, qui est devenu l'ami des animaux, limite éco-friendly, soit absolumentrien de ce que représente le personnage du comic-book. Je n'ai rien contre les libertés scénaristiques quand on adapte une bande dessinée, mais il faut au moins garder un minimum d'authenticité. Kraven qui pète les plombs parce que son père a abattu le lion qui a tenté de le dévorer, alors que dans le comic-book, c'est lui qui va massacrer les animaux les plus redoutables de la planète pour en faire son costume de chasseur, on est un peu dans la contradiction totale du personnage.
CAST AWAY
Bref, vous l’aurez compris, ici on ne parle pas de super-vilain en devenir, mais juste d'un anti-héros qui tente de faire le bien, et c'est ça le problème du film. On ne veut pas d'un Kraven avec un sens de la morale, qu'il soit ami avec la nature, c'est antinomique as fuck, on ne veut pas non plus d'une origin story qui se perd en plus avec un flashback de près de 20 min sur l'adolescence de Kraven et de son frère Dimitri. On s'en fiche un peu, ou du moins, on n'était pas obligé d'y accorder 20 longues minutes. Quand je vois ce que DC a réussi à faire avec le personnage du Penguin, je me dis qu'il faut cesser la mièvrerie des super-villains qu'on veut transformer en good guy avec des sentiments.
De toutes les façons, il n'y a pas que Aaron Taylor-Johnson qui ne semble pas à sa place non plus dans le film, Ariana DeBose s'est elle aussi perdue en cours de route pour se retrouver dans le rôle de Calypso, un rôle qui ne lui va absolument pas, d'autant que le personnage ne présente aucune évolution intéressante. Elle passe d'avocate new yorkaise à experte du tir à l'arc, parce qu'elle en a fait quand elle était scout. Je vous jure que vers la fin du film, scénariste, producteur et réaliste n'en ont plus rien à foutre de l'évolution de leurs personnages. C'est le cas pour Rhino qui possède la trajectoire très cliché du nerd qui s'est fait traumatiser dans sa jeunesse pour réclamer sa vengeance et devenir l'ennemi numéro 1 à abattre. C'est la même écriture et trajectoire que le Electro de Jamie Foxx dans The Amazing Spider-Man 2. C'est idem et c'est aussi consternant comme résultat, surtout que visuellement, c'est encore plus affreux comme rendu.
Et je ne vous parle même pas du personnage du Caméléon, joué par un Fred Hechinger assez détestable, non pas par son jeu, mais surtout par son écriture. Fred Hechinger qu'on a vu dans le rôle de l'Empereur Caracalla dans Gladiator 2 et qui jouait déjà le rôle d'un souverain insupportable. Espérons qu'il ne s'enferme pas dans ce rôle à l'avenir, car il a un vrai potentiel. Quant à Russell Crowe, il continue de miner sa carrière en enchaînant les projets foireux, les rôles inintéressants et ce n'est pas son rôle dans Kraven qui va le faire revenir à son prime. Il joue ici le père de Kraven, Nikolaï Kravinoff, un oligarque mafieux adepte de chasse et prônant la loi du plus fort, avec un accent russe à couper au couteau. Et maintenant qu'on y pense, vu sa carrure actuelle, c'est lui qui aurait dû hériter du rôle de Kraven le Chasseur justement, pas Aaron Taylor-Johnson.
LOW COST
Côté action et mise en scène, Kraven se tient bien mieux que tous les autres films du Sony Spider-Men Universe, grâce notamment au savoir-faire de JC Chandor qui essaie de s'imposer comme il peut dans son cachier des charges, mais on sent évidemment que la production a charcuté son travail. Tout est surdécoupé, et on ne laisse pas le temps à l'action de se mettre en place. Tout va trop vite et surtout, tout sonne faux dans la construction des scènes. Il y a certes des passages réalisé en dur, en pratical comme la scène de la course-poursuite à Londres, mais les effets numériques jurent tellement que ça nous sort du film. Que ce soit au niveau de la photo qui n'est vraiment pas belle, les effets numériques d'une qualité vraiment exécrable, notamment la scène finale entre Kraven et Rhino qui est absolument dégueulasse à regarder, on sent encore une fois que le budget a été mal utilisé. A tel point qu'on arrive à voir que la scène dans la savane africaine a été tournée sur fond vert, ou via le Volume tellement on aperçoit le côté synthétique de la lumière. Beaucoup de choses ont été tournés en studio et ça se sent énormément, alors qu'on aurait pu gagner à avoir des scènes plus naturelles.
Inutile d'en rajouter davantage, Kraven est malheureusement un ratage de plus dans le catalogue déjà peu fameux de Sony Pictures concernant son Spider-Man Universe sans Spider-Man. Même si le film sera considéré comme un autre crachat en pleine figure des fans de comics, il reste un blockbuster plus acceptable que tous les autres Venom, Morbius et Madame Web. Ça reste un film régressif et pas à la hauteur certes, mais parmi les bêtises que Sony Pictures nous a pondu, il reste le moins atroce, le plus acceptable.
A ce propos, des rumeurs en provenance du site The Wrap avait annoncé que Sony Pictures allait mettre fin à cet univers, et tout le monde s'en était déjà réjouit. Mais ce week-end, Variety est venu contredire tout cela, avançant que Sony Pictures ne va pas lâcher la licence aussi facilement. Cependant, l'enchaînement de flops vont obliger les pontes à mieux considérer ces films-là, et d'après certaines sources cités dans le papier, ce n'est pas interdit qu'ils décident d'utiliser un Spider-Man autre que Tom Holland... Ils peuvent parfaitement faire revenir Andrew Garfield ou même Tobey Maguire, chacun ayant leur univers et leur timeline, et étant donné que le public est désormais adepte des facilités de scénario avec le Multiverse, ils peuvent les faire revenir chacun de leur côté. Par contre, il faut cesser la piètre qualité, être sérieux, mieux considérer ces production, et être respecteux un peu, et vous verrez que le public saura vous le rendre au centuple...