L'Auberge Rouge
Le 30/10/2007 à 11:38Par Arnaud Mangin
L'Auberge Rouge pullule à ras bord de points outranciers auxquels on aura néanmoins largement le temps de s'habituer tant le programme parvient à traîner en longueur jusqu'à épuisement. C'est long, mais long... tellement long et ennuyant qu'on trouve le temps de lui chercher des qualités : d'une part, l'entreprise transpire moins l'escroquerie que Les Bronzés 3 (pour le trio d'acteurs) mais est surtout moins honteuse que la franchise Taxi (pour le réalisateur). Si vous lui trouvez un meilleur plaidoyer, nous sommes preneurs...
Christian Clavier aimerait bien être en avance sur son époque et aimerait bien bousculer gentiment la comédie française vers quelques chose de plus prestigieux, plus surdimensionné, plus anglo-saxon. C'est par ailleurs pour ce genre de motif que le comédien aura été longuement rattaché à des blockbusters dont il aura été de nombreuses fois l'un des instigateurs. Il y a encore quelque chose de très hollywoodiens dans sa volonté de redonner vie au classique L'Auberge Rouge resté dans les mémoires pour l'interprétation de Fernandel. Autrement dit : faire un remake, c'est tendance. Adopter l'univers formel de Tim Burton, c'est osé, mais c'est aussi un pas en avant vers ce cinéma que notre patrimoine rétrograde a toujours un peu boudé... En tout cas si cet improbable projet accuse d'une direction artistique assez soignée pour essayer de flirter avec l'atmosphère d'un certain Sleepy Hollow, on se demande pourquoi le comédien/scénariste/producteur a éprouvé le besoin de se retourner vers Gérard Krawczyk qu'on retiendra tristement pour avoir donné vie à Taxi 2 et ses suites. Krawczyk/Burton c'est l'anti-cocktail par excellence qui fera autant d'ombre à la concurrence qu'un Wisky/Lidl-Cola à une quelconque sensation qui s'appelle Coke.
Pour ceux qui ne se sont pas intéressés au cinéma avant Matrix, L'Auberge Rouge est un film de Claude Autant-Lara, vieux de plus de 55 ans, qui s'inspirait lui-même d'un fait divers particulièrement sordide où les propriétaires d'une auberge ardéchoise massacraient les clients de passage pour les détrousser. La fiction librement inspirée laissait ainsi court à un Fernandel en proie avec ses propres démons, où la foi absolue justifiait parfois les moyens. Un joli pied de nez à un certain fanatisme religieux préférant taire les meurtres les plus infâmes au nom du secret de la confession. Une approche franchement plus light ici puisque toute cette fanfreluche animée ne demeure qu'un prétexte pour nous offrir une pièce de théâtre filmée, arrangée avec plein de costumes rigolos et parfois poisseux pour animer la galerie, parce que "Beurk, ils étaient sales les gens à l'époque". Un peu comme Les Visiteurs, en somme...
Un humour infantilisé qui pioche, de toute façon, dans les recettes les plus faciles : les gens qui picolent c'est drôle, les gens qui puent c'est drôle, les sourds-muets c'est drôle, les cochons c'est drôle, les gros mots c'est drôle et le jargon alarmiste religieux c'est drôle aussi. Ne cherchez pas plus loin, ni dans le comique de situation, ni dans les dialogues et encore moins dans l'interprétation des acteurs, puisque l'unique moyen de décrocher un sourire repose sur des running gags visuels ruinés par des effets spéciaux de fortune. Une mauvaise pièce donc, où Jugnot, comme souvent, est convaincant et Clavier, comme toujours, braille à la moindre ligne de dialogue. Du boulevard à peine inspiré où seule Sylvie Joly tient peut-être encore ses promesses en nous livrant sa soixante-quatorzième interprétation de mégère exaspérée. Dans une atmosphère se revendiquant comme Burtonnienne - avec une bande son outrageusement pompée sur l'œuvre de Elfman - il faut reconnaître que la présence de la comédienne étonne...