L'Homme Qui Voulait Vivre Sa Vie
Le 29/10/2010 à 08:05Par Elodie Leroy
Adapté du roman du même nom, L'Homme qui voulait vivre sa vie est l'histoire d'une mort et d'une renaissance, celle d'un homme qui a réussi mais dont la vie n'est qu'un vaste mensonge, jusqu'à ce qu'un coup de folie l'amène à repartir à zéro. La mise en scène précise d'Eric Lartigau, l'ambiance soignée et l'interprétation impressionnante de Romain Duris font des étincelles dans cette relecture à la française du thriller de Douglas Kennedy. Un film troublant qui questionne les fondements même de l'identité pour nous renvoyer à nos propres choix de vie.
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Critique L'Homme Qui Voulait Vivre Sa Vie
On ne présente plus l'écrivain américain Douglas Kennedy, auteur de Cul-de-Sac, La Poursuite du Bonheur ou encore La Femme du Ve. Thriller psychologique écrit en 1997 alors qu'il était encore peu connu, L'Homme qui voulait vivre sa vie est le roman qui lui a fait connaître le succès à l'international, au point de bénéficier d'une traduction dans seize langues différentes. Son tout premier roman, Cul-de-sac, plantait son décor en Australie et avait été porté à l'écran par Stephan Elliott. A présent, c'est un cinéaste français qui s'attaque à l'œuvre de l'écrivain : Eric Lartigau, à qui l'on doit Qui a tué Pamela Rose ? et Prête-moi ta main, délaisse le genre de la comédie pour se plonger dans celui du thriller psychologique, s'appropriant le scénario en lui apportant quelques modifications et surtout en transposant l'intrigue dans la France d'aujourd'hui.
Le Ben Bradford du roman devient ainsi Paul Exben (Romain Duris), un modèle de réussite sociale qui partage son quotidien entre sa famille et son travail d'avocat. Pourtant, sa vie n'est qu'un vaste mensonge : Paul a toujours rêvé d'être photographe et encaisse quotidiennement la froideur de son épouse (Marina Foïs). Un jour, il s'aperçoit que celle-ci le trompe... avec un photographe. Peut-être parce que ce dernier le renvoie à ses propres échecs, Paul va commettre la folie de l'assassiner, un acte non prémédité qui va faire basculer son existence. Structuré en deux parties distinctes, L'homme qui voulait vivre sa vie dissèque avec acuité l'univers étriqué de cet homme sans histoires, avant de le plonger brutalement dans l'état de hors-la-loi, une condition à la fois terrible et sujette aux fantasmes les plus fous. Qui n'a pas rêvé un jour de tout plaquer pour changer sa vie ? Eric Lartigau a parfaitement saisi le propos du roman et utilise les ingrédients du thriller pour nous entraîner dans une étrange quête existentielle qui questionne les fondements même de l'identité, à commencer par le décalage entre l'être profond, symbolisé par les rêves d'enfant, et la réalité terne de la vie d'adulte. Outre son rival, c'est aussi lui-même que Paul a assassiné, ou plutôt son être social, pour renaître ensuite et refaçonner de fond en comble son existence, quitte à plonger dans autre forme de mensonge.
Imprégnée d'une atmosphère sonore tendue, la réalisation précise d'Eric Lartigau ne laisse rien au hasard et exploite habilement ses décors, des intérieurs déprimants du début du film aux extérieurs vastes et naturels de la seconde partie. La mise en scène fait notamment des étincelles dans la séquence pivot du meurtre, d'une violence sèche et anti-spectaculaire dont la banalité inattendue a quelque chose de tétanisant. Une séquence transcendée par la performance impressionnante de Romain Duris, plus intense et investi que jamais. Secondé par un casting excellent (Marina Foïs, Niels Arestrup, Catherine Deneuve), l'acteur compose d'ailleurs tout au long du film un personnage troublé et troublant, auquel le spectateur ne pourra s'empêcher de s'identifier dans son cheminement à la fois fatal et libérateur. Fascinant et dérangeant, L'Homme qui voulait vivre sa vie est le film français à ne pas manquer en cette fin d'année, et si cela ne tenait qu'à nous, nous lui verrions bien quelques mentions aux prochains César.