La Dernière maison sur la gauche
Le 15/04/2009 à 23:10Par Arnaud Mangin
Voilà probablement la surprise que nous n'attendions pas ! S'imposant sans conteste comme le dessus du panier des remakes actuels, La Dernière maison sur la gauche risque d'entretenir une réputation aussi sulfureuse que le film original de Wes Craven. Une relecture qui semble en tout cas avoir tout compris à la notion de remake, à la fois fidèle aux propos et à l'univers d'origine tout en le dopant à la modernisation des angoisses. Et angoissant, le film peut sans mal se targuer de l'être à chaque instant, chaque seconde qui confinent ce bout de péloche hautement recommandable à l'un des incontournables de cette année. Avoir à nouveau la frousse au cinoche, c'est possible...
Non seulement craindre la mise en chantier d'un remake est devenue une habitude étant donné la tournure alarmante que prend cette mode (le dernier exemple Vendredi 13 en est la triste confirmation), mais La Dernière maison sur la gauche, considéré à juste titre comme le plus potable film de Wes Craven depuis 30 ans, avait tout du projet casse-gueule. Totalement incompatible avec l'industrie mainstream actuelle, qui sombre dans le lissage pur et simple (encore Vendredi 13), le genre horrifique étant devenu désormais un produit grand public essayant encore d'amadouer les "fans mais pas trop", on se demandait juste comment cette incarnation incontournable du "dérangeant" aurait pu s'accommoder à la mécanique des grands studios... Et franchement on se demande encore comment ils y sont parvenus puisque, contre toute attente, la relecture de 2009 s'impose comme un méchant coup de boule qui envoie radicalement valser toutes les conventions qui horripilent les fans d'horreur purs et durs ! La Dernière maison sur la gauche dernier crû, c'est du vrai, du bon, du gros, du lourd, du très percutant cinéma de genre qui secoue gentiment l'auditoire avec une efficacité inattendue !
Surprise, donc, surtout de la part d'un duo Wes Craven et Sean S. Cunningham qu'on aime bien fondamentalement, mais dont le recyclage dans l'industrie du remake intempestif, pour rentabiliser quelques décennies plus tard des capitaux tournés avec trois bouts de carton, laissait franchement à désirer. Certes, La Colline a des yeux assurait sans problème le spectacle (difficile de faire pire que l'original), mais croulait un peu sous la mise en scène d'un Alexandre Aja tellement méthodique que sa forme démonstrative nous empêchait un peu de rentrer dedans. Quant à Vendredi 13 (encore, et oui), c'était un simple magouillage artistique d'un courage particulièrement médiocre, vainement caché sous l'appellation ''remake'' pour attirer les curieux. Autant dire qu'avec La Dernière maison sur la gauche, nous nous rendions dans la salle à tâtons, la frilosité légendaire et communicative des studios pour qui la moindre sortie de route à de quoi énerver. En tout cas, on ne pourra que tirer notre chapeau à Universal de sortir, aujourd'hui, un film tel que celui que nous avons découvert. Couillu, nihiliste, malin et construit avec un parfait sens du thriller viscéral, La Dernière maison sur la gauche semble avoir définitivement tout compris de ce que l'on est droit d'attendre d'un remake digne de ce nom : rester fidèle et reproduire les étonnantes sensations du film original (malsain au possible) tout en y insufflant un intérêt supplémentaire dans la modernisation du propos. La sauvagerie dans les années 70, ce n'est pas celle d'aujourd'hui et c'est ce que semblent avoir parfaitement pigé les responsables du projet.
D'une manière globale, les thèmes restent à peu près identiques au film original, tout comme l'intrigue et la plupart des rebondissements (les scènes ''choc'' dans les bois sont toujours là, pratiquement telles quelles), et conjuguent parfaitement une construction formelle rentre-dedans, appuyée par une hyper violence réaliste assez flippante (on oublie donc Saw, Hostel et consort qui jouent dans le registre de la fantaisie pure) au service d'un survival/vigilante qui entretient son atmosphère angoissante tout du long. Ou comment l'horreur la plus éprouvante peut être celle qui vous attend au coin d'une rue, non loin de chez vous, jusqu'à votre salon, pour ne répondre qu'au besoin primitif de tuer, massacrer et assoir une sensation de pouvoir... mais aussi jusqu'à quel degré de violence ultime peut-on s'engager pour retourner la situation contre ses propres agresseurs. Même histoire, mêmes personnages, certes, mais également même shaker sensoriel qui parvient à entretenir le sentiment d'insécurité comme le faisait déjà le film original. En tout cas, de mémoire, cela faisait vraiment bien longtemps, en tant que spectateur passif, que l'on ne s'était pas autant pris au jeu à vouloir coute que coute voir les bons s'en sortir et la crapule périr dans d'atroces souffrances.
L'art de véhiculer le sentiment haineux jusqu'à l'inconscient du spectateur, c'est ce qu'a parfaitement réussi le réalisateur Dennis Iliadis, arraché à sa Grèce natale après avoir réalisé un drame sur le quotidien de quatre prostituées et qui semble confirmer que pour marquer les esprits, de simples faiseurs ne suffisent pas. Colère, peur et sentiment de vengeance sont en tout cas l'espèce de melting-pot à sensations que propose une relecture, on peut désormais le dire, probablement supérieure à l'œuvre d'origine, appuyée par une mise en scène et une direction d'acteurs sans fausse note, respectant la sauvagerie et la naïveté du film de Craven... le côté cheap en moins ! On pourra éventuellement lui reprocher quelques longueurs dans la dernière partie et surtout ses 30 dernières secondes aussi gratuites qu'inutiles, mais rien qui ne gâche le souvenir d'avoir assisté à quelque chose qui va au-delà de la bonne surprise. Juste un vrai film d'horreur premier degré qui fout les foies. Pour ceux qui n'avaient même pas vu le film original, cette découverte est tout bénef... Foncez !
Première publication de la critique : 27/03/2009