La Première étoile
Le 16/12/2008 à 08:45Par Michèle Bori
Pour son premier film, Lucien Jean Baptiste a vraiment réussi son coup. Sorte de mix improbable entre le Rasta Rocket de Jon Turteltaub et le Little Miss Sunshine de Dayton et Faris (la superficialité en moins), La Première étoile est une comédie intelligente, rythmée et surtout très drôle, qui nous prouve que le cinéma français sait parfois lui aussi utiliser de vieilles recettes et y rajouter quelques ingrédients pour créer des plats originaux et goûtus. Une bien jolie surprise comme on aimerait en découvrir plus souvent.
Il y a quelques mois, plus précisément à l'occasion des sorties en salles des films Disco, 15 ans et demi et Ca$h, nous pointions du doigt l'incapacité de certains metteurs en scènes français à se rapproprier quelques codes de la comédie qui ont fait leurs preuves Outre-Atlantique. Sans prôner le plagiat, il nous semblait étrange que quelques concepts connus de tous - et la plupart du temps potentiellement efficaces - ne soient que trop rarement usités dans nos comédies. Ou alors très mal, chose d'autant plus étonnante que ces formules représentent souvent une forme de B.A.-BA dans l'humour cinématographique. Aussi incompréhensible qu'un cuistot qui loupe une quiche lorraine... Mais aujourd'hui, avec la sortie de La Première étoile, nous voilà un peu rassurés. Lucien Jean Baptiste, son réalisateur, a compris que c'était dans les vieux pots qu'on faisait les meilleures soupes et nous offre donc avec son premier film une comédie diablement efficace qui a le mérite de ne pas chercher à en faire des caisses.
Sur un postulat de départ proche de celui de Bienvenue chez les Ch'tis (un homme placé dans un élément qui lui est inconnu, voire hostile), La Première étoile raconte comment un père de famille antillais et RMIste de Créteil va être obligé de tenir la promesse improbable d'emmener ses trois enfants au ski pendant une semaine. Un black sur les pistes blanches. Un sans-le-sou au milieu des nantis. Rien que d'en parler, on a déjà des gags qui nous viennent à l'esprit. La Première étoile, un "simple" essai sur l'intégration ? Le film de Lucien Jean Baptiste est plus que ça, car là où il fait fort, c'est qu'en plus de nous offrir son lot de situations loufoques et décalées, il nous comble d'un message assez touchant sur les difficultés d'être père, d'être noir, d'être pauvre, et dans le cas présent, d'être les trois à la fois..."et pour [lui] ça sera très dur" aurait dit Coluche. Très dur en effet, le choc créé par les barrières sociale, économique et culturelle que le héros du film Jean Gabriel (Lucien Jean Baptiste, également acteur dans le film) va se prendre de plein fouet en arrivant sur les cimes enneigés. Très dur aussi pour lui d'arriver à satisfaire ses enfants (dont le très bon Jimmy Woha Woha, découvert dans Regarde-Moi), gérer le caractère de sa mère (Firmine Richard), faire illusion vis-à-vis des autochtones (Michel Jonasz, excellent, et Bernadette Lafont) et se rabibocher avec sa femme (Anne Consigny), le tout en moins de temps qu'il n'en faut à un novice des pistes pour se retrouver les quatre fers en l'air au milieu d'une descente. Un malicieux dosage d'archétypes donc, pour un road-movie social et familial qui donne la pêche et nous laisse avec un grand sourire au milieu du visage. Une vraie réussite qui on l'espère marquera le printemps 2009.