Lascars : Pas de vacances pour les vrais gars
Le 18/05/2009 à 01:56Par Arnaud Mangin
L'avenir de la comédie française surgit de là où on ne l'attendait pas : le cinéma d'animation ! Aussi génialement écrit qu'interprété, regorgeant d'idées à foison, et proposant son lot de scènes d'ores et déjà cultes, Lascars est le grand éclat de rire surprise qu'on n'aurait pu soupçonner. Le croisement fou entre La Haine et Les Simpson est une réussite quasi-totale. Pas de vacances pour les keums... ni pour les zygomatiques !
On n'attendait rien de spécialement renversant de Lascars si ce n'est une franche curiosité. D'abord parce que la série chroniquant le quotidien de mômes de banlieues qui refont le monde avec le peu de chose que les blocs de béton les laissent entrevoir fonctionnait particulièrement bien, mais surtout parce que le procédé de déclinaison d'un format si court sur grand écran est quasi inexistant en France. Un truc bien américain dans le propos, mais bien loin des méthodes d'écriture anti-cinématographique au possible dont regorge notre triste PAF. Surtout lorsqu'il s'agit de faire rire, en général avec un coussin péteur Dubosquien pour les uns, et un coussin péteur + une cuillère en argent dans la main Thomsonienne pour les autres. En gros, la comédie française va mal, artistiquement parlant, et c'est justement vers ses petits cousins des Etats-Unis que Lascars semble avoir adopté quelques mécaniques poil à gratter qui tombent avec justesse. Comme si quelqu'un avait enfin compris pourquoi South Park, Beavis et Butt-Head ou Les Griffin sont des œuvres aussi géniales qu'inspirées dont la farce n'est là que pour masquer la grande intelligence du propos.
Et ben franchement, c'est sans honte qu'on peut déclarer que Lascars, c'est un peu notre South Park à nous. Enumérer ses nombreuses qualités serait presque inutile, mais on ne peut qu'apprécier l'effort créatif qui transpire du film. A tous les niveaux : un univers, un vrai, imposant ses propres codes graphiques (un petit côté Bill Plympton, par moments), rythmiques, musicaux et de langage. Ca fonctionne ! L'écriture, imposant son postulat général (laisser son égo de côté pour entrer de plein pied dans l'âge adulte) à travers un prétexte de glandeurs qui passeront leurs vacances d'été chez eux, avec les dérives qu'impose le temps libre. Ça fonctionne aussi ! Les dialogues, n'en parlons pas ! Tout comme ses personnages, plus barrés les uns que les autres (avec une mention spéciale pour ceux de Frédérique Bel et Gilles Lellouche) et coexistant entre électrons-libres dont la motivation commune consiste à s'accoupler avec une gravure de mode, à se faire du pognon rapide et sans effort où à imposer sa fierté comme on lâche une enclume, parce que merde, on est des beaux gosses, pas des bolosses ! En un mot comme en cent, la recette fonctionne du feu de dieu.
Une vraie surprise adoptant les meilleurs partis pris possibles (on n'est pas dans une satire sociale, juste une caricature cartoonesque), qui a l'intelligence de ne tirer à charge sur personne et impose l'univers banlieue et ses petites frictions comme un petit monde parallèle avec tous les clichés que l'on connaît. L'art de ne pas mettre inutilement le feu aux poudres, et mieux, de nourrir une empathie générale. Par ailleurs, on ne pourra qu'évoquer les nombreux scènes cultes... mais d'un culte (la danse des poulets, la chanson du bonhomme vert ou encore une séance de webcam virulente) dont on n'a certainement pas encore fini d'entendre parler. Si ça se trouve, on est même devant une œuvre générationnelle, c'est dire...