Le Drôle de Noël de Scrooge
Le 24/11/2009 à 10:55Par Kevin Prin
On peut croire que c'est du cinéma classique et pourtant non. C'est là tout le génie de Robert Zemeckis : transcender le langage cinématographique grâce à une technologie. Le conte de Dickens n'en ressort que magnifié. Certes l'histoire est déjà vue et revue, mais l'écriture du personnage principal de Scrooge est si fine, qu'elle reste une référence. C'est ce qu'on appelle un classique en littérature et ce Drôle de Noël de Scrooge restera certainement comme son adaptation la plus fidèle ces prochaines années.
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Nous l'attendions de pied ferme mais sans trop savoir quoi en penser, il est vrai. Produit par Disney, Le Drôle de Noël de Scrooge tranche radicalement sur le papier avec le précédent film de Robert Zemeckis, Beowulf, qui nous avait marqué par sa maturité, sa beauté et sa violence. Mais résumer Disney à « pour les enfants » était une erreur : c'est la première impression que l'on tire à la sortie de la projection de ce film, moins sombre que ce que les plus optimistes espéraient mais quand même sacrément dark par rapport au Noël de Picsou (adaptation infantile mais sympathique du Drôle de Noël de Scrooge par Disney). Les enfants seront-ils récalcitrants ? Au contraire, c'est là une partie du génie du film : Le Drôle de Noël de Scrooge est sombre mais plait aux plus jeunes, les effets les plus inquiétants du film n'étant pas là pour les effrayer mais pour les fasciner. Et ça marche !
Robert Zemeckis emploie donc pour la troisième fois consécutive la technique de la Performance Capture, déjà utilisée sur Le Pôle Express et Beowulf. Un rapide rappel s'impose : avec la Performance Capture, le film est certes entièrement réalisé sur ordinateur comme un film d'animation standard mais se base néanmoins sur le jeu de véritables acteurs, recouverts de capteurs et filmés devant des fonds verts pour capturer la moindre de leurs expressions. Une technique qui permet une totale liberté dans la maîtrise du film (les décors sont crées ultérieurement, les mouvements de caméra définis après), et surtout de placer la caméra où l'on veut. Et ça, Zemeckis adore. Devenu spécialiste des « plans impossibles » ces dernières années (la caméra qui suit une plume qui vole dans Forrest Gump, une vue de sous le plancher dans Apparences, etc !), Robert Zemeckis n'est pourtant pas un simple faiseur adepte du démonstratif : chacun de ses plans signifie quelque chose dans la narration et se fond dedans à tel point qu'il n'est pas étonnant qu'une grande partie des spectateurs ne les remarque même pas. Une fois encore il use de ces plans démentiels sans en abuser dans Scrooge, démarrant le film par un plan séquence impressionnant dans les rues et au-dessus des toits de Londres, plaçant sa caméra derrière une poignée de porte au détour d'une scène, ou bougeant une ou deux fois la caméra au milieu de dialogues apparemment anodins d'une telle manière que cela n'était possible que sur ordinateur.
Mais pourquoi utiliser une telle technique pour adapter un conte de Dickens ? Pour la même raison que pour Beowulf : retranscrire toute l'ampleur du film à l'image en maîtrisant le moindre détail et sans dépendre des contraintes techniques associées à un véritable plateau. Ainsi, et c'est là l'une des grandes réussites du film, Zemeckis est parvenu à reconstituer un Londres fidèle à celui décrit dans les livres de Dickens, avec son ambiance si particulière. Il faut se pincer pendant le film pour croire que tout ce film n'est pratiquement que virtuel... Néanmoins s'il y a un élément qui ne l'est pas, ce sont bien les acteurs. Même s'ils ont été reconstitués en 3D, leur performance est bien réelle et la plus incroyable est sans conteste celle de Jim Carrey. L'homme élastique se fond ici dans pas moins de 7 rôles, à commencer par celui de Scrooge vieux mais aussi Scrooge jeune adulte et enfant, ainsi que dans ceux des fameux trois fantômes de l'histoire. Et c'est là le plus incroyable : chaque personnage semble unique. On savait Jim Carrey capable d'une grande précision de jeu et de mimiques, certes souvent utilisée pour la comédie, mais présente en filigrane à travers ses nombreux films. Ici, nous assistons à un véritable tour de force, puisqu'il est aussi crédible en vieux radin qu'en enfant, en fantôme festif (le fantôme des Noëls présents) qu'en fantôme simple (le fantôme des Noëls passés), ou encore en figure macabre silencieuse (le fantôme des Noëls futurs). Les ordinateurs ont beau passer derrière pour remplacer les acteurs à l'écran, le jeu d'acteur est bel et bien là, propre à l'identité de celui qui y prête ses traits (ce qui est aussi valable pour Colin Firth ou Bob Hoskins). A ce titre, l'un des défauts qui subsistait dans Beowulf, à savoir le côté « zombie » des personnages, manquant un peu d'âme dans le regard, est ici pratiquement absent (seul celui de Colin Firth en est encore un peu victime), prouvant que la technologie employée arrive enfin à maturité pour arriver au résultat escompté.
Date de première publication : 04/11/2009 à 00h01