L’Emmerdeur
Le 09/12/2008 à 09:51Par Arnaud Mangin
Francis Veber nous avait avoué, lors d'une interview passée, qu'il avait quelques craintes d'être mal reçu s'il s'attaquait de nouveau à L'Emmerdeur. ''Ils diront que je fais du neuf avec du vieux''. Le moins que l'on puisse constater, c'est que le papa de François Pignon est doté d'une perspicacité à toute épreuve. Ses détracteurs (et l'image qu'il en a) ont de nouveau une sérieuse longueur d'avance sur lui. L'Emmerdeur version 2008, c'est effectivement du neuf fait avec du vieux, le fruit d'un capital mis en place depuis 35 ans, une recette commerciale implacable conçue pour plaire massivement. Du vrai cinéma de Veber, dans le sens péjoratif du terme (aujourd'hui il ne peut malheureusement en être autrement), populiste jusqu'au bout des ongles, boursouflé par un humour éculé n'ayant d'égal que la satisfaction d'un homme passant son temps à regarder ses acteurs réciter son texte à la virgule près comme des écoliers. C'est son bébé, il le reprend. Point barre ! Pour 6 milliards d'autres personnes, ce n'est qu'un remake sans la moindre utilité, un recopiage vain. En beaucoup moins bien en plus.
L'Emmerdeur, c'est un peu la revanche contre un système. Comme si son auteur n'acceptait pas l'idée qu'un autre puisse donner vie à des personnages fétiches, avec une incroyable mécanique du rire mais surtout une mise en scène bien ficelée et une vraie direction d'acteurs. Parce qu'à ce jour, la meilleure aventure de François Pignon sur grand écran, c'est indubitablement à Edouard Molinaro qu'on la doit. Bien sur, L'Emmerdeur version 2008 c'est comme le précédent : l'histoire d'un homme dont le travail consiste à tuer des gens et qui va devoir faire tout son possible pour sauver la vie d'un autre... un suicidaire en plus, qui va involontairement lui pourrir l'existence. Dans le principe, c'est drôle, c'est très drôle même, et ça marchait déjà du feu de dieu sans qu'on ait besoin d'y retoucher. Mais, L'Emmerdeur 2008 c'est surtout l'histoire d'un autre homme, un peu sur déclin, reçu de moins en moins bien par le public ou la critique, s'évertuant à raconter les mêmes histoires, confinées dans un univers aux frontières de l'assommage. Un homme qui a bien pigé le potentiel financier d'une franchise et d'une histoire comme L'Emmerdeur, un homme qui déballe sans finesse toute l'étendue d'un égo mal placé avec la prétention de corriger ce qu'il ne lui a plu dans le film de 1973... Pour finalement ne rien y apporter du tout.
Si le film n'est pas foncièrement mauvais, c'est parce qu'il conserve dans son escarcelle les restes d'un scénario habile. On ne peut pas lui retirer ça. En revanche, si l'on veut y aller à charge, cette nouvelle mouture regorge à ras-bord des tics les plus pénibles du metteur en scène. Enormément de choses ne fonctionnent pas là dedans, mais rien de nouveau : du vrai théâtre filmé sans la moindre idée de mise en scène, des acteurs qui surjouent jusqu'à plus soif, victimes de la maniaquerie d'un dialoguiste ne laissant aucune alternative (pas étonnant que tous ses personnages jouent faux depuis des années si personne ne le corrige), et l'art d'étirer maladroitement au cinéma ce qui a normalement été écrit pour la scène en plombant le film d'intrigues secondaires qui ne servent à rien. Finalement si, le bonhomme peut se targuer de nouveaux défauts. Le premier étant de ne plus du tout gérer son rapport de temps et de lieu (90 minutes dans deux chambres qui semblent interminables) alors que l'original comme Le Dîner de cons ne s'aventuraient jamais au-delà de l'heure et quart. Pire que tout : un casting pas du tout à sa place ! Passons sur une Virginie Ledoyen aussi vitreuse que dans La Doublure, mais Richard Berry n'est pas Lino Ventura et Patrick Timsit n'est pas Jacques Brel (à qui il rend un hommage abominable en chantonnant Ne me quitte pas). Certes, certaines personnes sont irremplaçables, mais quand on a carnet d'adresse où figurent des gens comme Depardieu ou Auteuil, on imagine sans mal tout le potentiel à côté duquel le film passe.
Beaucoup de mauvaises idées empêchent non seulement L'Emmerdeur de sortir de l'ombre de son aîné, mais également de s'élever au rang de simple bon film. La malhonnêteté du projet l'empêche d'adhérer à une quelconque sympathie et son humour d'une facilité parfois aberrante (le vomi c'est rigolo ! Les quiproquos homophobes répétitifs, c'est rigolo aussi !) ne fait rien pour arranger l'affaire. Juste un remake inutile, à peine digne d'un Au théâtre ce soir avec ses portes qui claquent et ses fenêtres ouvertes. Pour le novice curieux, le DVD du film de 1973 devrait être trouvable à un prix n'excédant pas celui d'un billet de cinéma... Choisis ton camp camarade cinéphile !