Les deux mondes
Le 12/11/2007 à 12:53Par Michèle Bori
Dire que l’on attendait avec curiosité la nouvelle réalisation de Daniel Cohen relève de l’euphémisme. En effet, depuis l’annonce du projet, de son synopsis, de son casting ainsi que des premiers travaux de production design, Les Deux Mondes laissait présager une comédie d’aventure à grands moyens comme on en avait plus vu depuis bien longtemps. Hélas, il nous est obligé aujourd’hui admettre qu’on en attendait peut-être trop, car au final le film se révèle être une belle déception.
Commençons avec ce qui fâche. Autant le dire tout de suite, malgré un budget plus que confortable pour une production française (18M d’euros), le film semble souffrir d’un manque de moyens flagrant. Dans ce genre d’histoire, où le metteur en scène a quand même l’ambition de situer la moitié de son film dans un monde parallèle dominé par un géant tyrannique et sanguinaire, il nous semble logique que la première chose à faire est de se donner les moyens de nous faire croire à ce fameux univers. Malgré des intentions plus que louables, une recherche amusante sur le langage et sur le design et des effets spéciaux réussis, on n'arrive pas à croire une seconde que l’univers des Bégamanniens existe.
Qu’est ce qui cloche alors ? Voici peut-être un élément de réponse. Lorsqu’en lisant le dossier de presse du film on découvre que le producteur d’un des films les plus ambitieux de l’année se réjouit d’avoir dépensé 18 millions d’euros au lieu des 20 millions prévus, on comprend qu’il y a un problème quelque part. En effet les Américains, sur un projet équivalent, seraient fiers de crier haut et fort que le film aurait coûté plusieurs centaines de millions de dollars, en France, on est heureux d’avoir économisé 2 millions d’euros… Fausse modestie ou manque flagrant d’ambition ? Seul l’intéressé pourrait répondre, mais cela ne nous empêchera pas de penser que pour rendre les Deux mondes parfaitement crédible, il aurait fallu 2 ou 3 fois plus de brouzoufs à Daniel Cohen.
Alors bon, on sait très bien que personne en France n’aurait eu le courage de mettre 60 millions dans un film qui ne soit ni une suite, ni une co-production avec Hollywood tourné en Anglais. Dès lors, le choix de l’équipe de MNP et de Gaumont de faire quand même le film est plus que courageux, mais aussi à la limite du suicidaire, puisque avec cette comédie d’aventure, ils s’attaquent frontalement à une concurrence déloyale de la part des productions américaines. Car quand on veut jouer dans la cour des grands, il faut s’en donner les moyens. Et dans le cas des Deux mondes, ce sera au cinéma à Beowulf et Il était une fois (Enchanted) qu’il faudra faire face soit les deux gros films d’aventures aux budgets colossaux de cette fin d’année. Sur le papier, c’est donc un peu David contre Goliath, et sur l’écran, on peut quand même voir clairement qu’un de ces trois films sent l’économie de moyen à plein nez. Il n’y a qu’à voir la tentative de « bataille épique » tournée entre deux dunes avec 50 figurants pour s’en convaincre. Alors, fallait-il faire le film en sachant très bien qu’il n’aurait pas les moyens pour faire rêver les petits et les grands ? La question est éternelle : vaut-il mieux faire mal que ne pas faire du tout ?
C’est donc plutôt rageant, car en voyant le film, on sent qu’il y avait la place pour faire un beau film. Le scénario est bien construit, les comédiens sont convaincants et bien aidés par des dialogues parfois savoureux, et comme on l’a dit plus haut, la recherche sur le look de l’univers des Bégamanniens est assez originale. Reste au milieu de tout ça Benoît Poelvoorde, qui dispose d’un potentiel comique hors du commun, mais qui commence à devenir le Rob Schneider français (cf South Park) puisqu’on a l’impression que son jeu ne bouge pas d’un iota d’un film à l’autre (on cherche encore les différences entre le personnage de Rémy des Deux mondes et celui qu’il campait dans Du jour au lendemain !). Bref, on ne s'ennuie pas, mais on se dit qu'en plus on aurait pu prendre son pied.