Mary et Max
Le 25/09/2009 à 19:01Par Kevin Prin
Névroses, dépression, solitude, mort, suicide, larmes, sexe et chocolat sont au programme de MARY ET MAX, grand prix du film d'animation à Annecy ex-aequo avec Coraline. Un menu chargé, inhabituel, et qui par la maîtrise de sa mise en scène et de son univers aboutit à un film unique, presque inconscient et osant à chaque instant ne laisser aucun compromis à son histoire d'amitié proche de nous. Une véritable surprise sortie de nulle part et donc indispensable !
Cela fait maintenant des années que Pixar montre la voie en réalisant des films d'animation pour enfants s'adressant de plus en plus aux adultes. Une recette idéale, issue de ce constat tout bête : les films d'animation qui nous ont marqué étant enfants comportaient des sujets que nous ne pouvions pas entièrement comprendre à l'époque, entraînant de ce fait une fascination encore plus profonde. Walt Disney l'avait compris puisque tous ses longs métrages ou cartoons suivaient cette règle, tandis que beaucoup d'autres ont suivi cette voie en appliquant cela intelligemment. Malheureusement cette pratique s'était un peu perdu sous le règne d'Eisner chez Disney et seule l'équipe de John Lasseter avait réussit à la remettre au goût du jour. Mais Mary et Max, le film qui nous intéresse aujourd'hui et qui n'a rien à voir avec Pixar, ne rentre pas dans cette catégorie. Mary et Max s'adresse aux adultes, uniquement aux adultes et seulement aux adultes. De là à le déconseiller aux enfants, il ne faut pas exagérer : nous ne sommes pas face à Fritz The Cat ou Metal Hurlant. Mais de là à affirmer qu'il s'agit de l'anti-Age de Glace par excellence, il n'y a qu'un pas que nous franchissons sans regarder derrière nous. Après, il en va de la responsabilité des parents : sont-ils prêts à risquer de décevoir leurs chérubins sur le moment tout en misant plus sur le long terme, sur les images et idées du film qui les marqueront à coup sûr, sur cette grande interrogation fascinante qui les marquera ? Souvent nos plus forts souvenirs de cinéphiles sont ceux-là.
Production australienne made in Icon (la boîte de Mel Gibson), ce premier film a de commun avec le récent Coraline qu'il représente tout ce que Tim Burton n'est plus aujourd'hui capable de nous proposer : mêler bizarreries et poésie avec intelligence et brio. Mais ici il s'agirait plus d'un autre Tim Burton que celui que nous avons connu, un Tim Burton qui aurait pris une direction beaucoup plus sombre juste après avoir réalisé son court-métrage culte Vincent (qui lança sa carrière). L'univers de Mary et Max est cru, sombre, réaliste, monochromatique. Tout part de l'histoire de deux personnages seuls. Mary est une petite fille australienne de 8 ans rejetée des enfants de son âge, dont le père est trop absent et dont la mère se soigne quotidiennement au Brandy. Max est un homme de 44 ans, anxieux, solitaire, vivant à New York et atteint de la maladie d'Asperger (forme d'autisme) lui provoquant diverses névroses et le rendant incapable de toute vie sociale. Les deux souffrent d'une solitude profonde et rêvent d'avoir au moins un ami. Nous sommes dans les années 70, le monde de Mary est brun et celui de Max est gris. Le hasard des évènements va faire que la petite fille, curieuse, va choisir le nom de Max au hasard dans un annuaire et va commencer à correspondre avec lui. Posant des questions d'enfants, autant sur le chocolat que sur le sexe, les lettres de Mary vont perturber Max, qui ne va pas se priver de lui répondre avec son regard très premier degré sur le monde qui l'entoure, le positionnant naturellement à hauteur d'enfant.
Et voici le miracle de Mary et Max : créer un véritable univers à partir de deux personnages pratiquement enfermés chez eux et qui vont juste s'écrire pendant 1h30 de film, les dialogues se résumant presque exclusivement à des voix-off. Un procédé maîtrisé avec brio, se partageant entre les lettres écrites et la description de la vie de tous les jours de ces personnages, le tout illustré par la vision graphique d'Adam Elliott, à la fois réalisateur mais aussi scénariste et designer. Le résultat surprend par ses nombreuses trouvailles graphiques, ses gags et son humour très noir, et séduit par cette absence totale de compromis. Jusqu'au boutiste de A à Z, Mary et Max recèle qui plus est un final en apothéose, d'une beauté noire qui confirme son statut d'œuvre sans concession et marquante.