Mongol
Le 09/04/2008 à 15:41Par Elodie Leroy
Véritable accumulation de clichés souffrant d'un traitement simpliste du contexte et des personnages, Mongol parvient certes à en mettre plein la vue grâce au travail de ses chefs opérateurs et de son directeur artistique, mais irrite par sa narration ronflante et son mysticisme prétentieux. En outre, si Mongol réserve quelques scènes de batailles mouvementées et esthétiquement maîtrisées, Sergei Bodrov ne se gêne pas pour repomper outrageusement sur Peter Jackson, révélant par là même son manque total d'inspiration. Pour couronner le tout, même Tadanobu Asano paraît étrangement éteint dans un rôle bien fade par rapport au reste de sa filmographie peu conventionnelle.
Superproduction ambitieuse bénéficiant d'un budget conséquent et d'une équipe internationale, Mongol fait forte impression dans ses premières séquences. A travers des images épiques, le film nous immerge dans l'immensité de décors mongols sublimement capturés par une photographie élégante et chiadée. Pourtant, quelque chose sonne faux dans cet étalage de moyens et Mongol révèle bien vite ses limites et surtout ses grosses ficelles. Outre une narration d'une platitude qui n'a d'égale que sa lourdeur, les trop nombreuses ellipses qui témoignent de trous béants dans le scénario finissent par entraver la compréhension de l'histoire. Mais là n'est pas le plus grave. Entre tonalité prétentieusement mystique et recherche de pseudo-réalisme, Sergei Bodrov semble constamment hésiter et ne parvient pas à insuffler un quelconque regard sur son histoire et ses personnages. Résultat, Mongol accumule les clichés à un rythme qu'il est rare de trouver de nos jours dans une production de cette envergure.
Porter un regard moderne sur le passé est en soi une qualité. Mais lorsque ce regard s'apparente à une projection sans subtilité aucune des valeurs modernes sur les comportements des hommes et femmes d'une autre époque, le parti pris devient nettement plus gênant car il entame durement la crédibilité des personnages. Le portrait de Temudjin constitue le premier point à incriminer. Là encore, ne pas résumer Gengis Khan à sa qualité de chef de guerre est soi une bonne idée. De là à le présenter comme un homme doux comme un agneau, bon père de famille, comme un guerrier pacifiste laissant volontiers partir ses prisonniers, il y a des limites à ne pas dépasser. En tant que chef de guerre, le Gengis Khan de Mongol ressemble davantage au Aragorn du Seigneur des Anneaux, le charisme en moins. Car, cela nous coûte de le dire, mais même Tadanobu Asano se révèle complètement éteint dans ce rôle qui ne lui sied pas le moins du monde (et ce malgré sa classe incontestable en armure), et auquel il échoue à apporter la moindre nuance. Seul le personnage de Sun Honglei se révèle crédible dans ses excès, l'acteur tirant facilement son épingle du jeu au sein d'un casting aseptisé. D'ailleurs, on passera sur les mains manucurées de Genghis Khan et de son épouse, dont la différence d'âge s'aggrandit d'ailleurs considérablement entre l'enfance et l'âge adulte.
Quant aux sources d'inspirations artistiques, si l'on trouvait les batailles des grosses productions post-Seigneur des Anneaux (Alexandre, Troie...) repompées sur celles de la trilogie de Peter Jackson, ce n'était rien par rapport à ce qui nous attendait avec Mongol. Accusant d'un manque total d'intégrité artistique, Bodrov calque son climax sur la fameuse bataille culte du Retour du Roi, non sans avoir tenté un peu plus tôt de reproduire la montée de tension précédant celle des Deux Tours. Des emprunts qui contaminent du même coup les effets de lyrisme, la poésie et l'intensité en moins. On appelle cela du plagiat, ni plus ni moins. Et si le film met plus d'une fois de la poudre aux yeux grâce au travail soigné des deux chefs opérateurs, on ne saurait que trop recommander le visionnage de Kekexili, La Patrouille Sauvage dont les partis pris visuels ont nettement influencé ceux de Mongol, à ceci-près que Bodrov ne parvient pas à exploiter son décor aussi magistralement. On est loin du vertige que l'on pouvait ressentir devant l'immensité et du pouvoir écrasants de la Nature dans le film de Lu Chuan. A ce casier judiciaire déjà bien rempli, on ajoutera une manière totalement puérile de transmettre les valeurs guerrières, sans aucun regard critique, ainsi qu'une touche de mysticisme d'une naïveté tellement risible qu'elle laisse pantois (les apparitions du loup sont ridicules), achevant de faire de Mongol la grosse production épique la plus irritante et la plus impersonnelle de ces dernières années. Après Nomad du même réalisateur, on aurait dû s'en douter.