Push

Même s'il n'est pas énoncé littéralement, le principe dans Push de prendre en compte qu'un super héros, même s'il n'est pas invincible, ne connaît que très peu de limites dans ses capacités par rapport à un humain normal, est bien là. Le simple fait que le héros (Chris Evans) puisse déplacer des objets, qu'il soit accompagné par un second qui peut voir l'avenir (Dakota Fanning), un troisième qui peut hypnotiser et modifier les souvenirs à loisir (Camilla Belle), un quatrième qui peut transformer l'apparence des objets et un cinquième qui peut les camoufler (ouf !), restreint évidemment les possibilités scénaristiques classiques. La plupart des films ne se préoccupent pas de ce genre de détail et même un très bon X-Men 2 nous laisse la sensation que ses héros ont des limites très humaines. Sur le papier, la prise en compte de ces éléments force le scénariste à trouver de nouvelles astuces pour tisser l'intrigue et les rebondissements. De cette excellente idée en découle une histoire assez imprévisible, très casse-gueule et qui évite beaucoup de pièges. Par exemple, si chaque camp possède son propre héros doué de télékinésie et capable de voir le futur, sa capacité est limitée, le futur ne cessant de changer en fonction des actions des personnages, et en même temps déjà bien dangereuse puisque chacun sait ce que fait l'autre au moment présent. La solution en plein milieu du film sera ainsi casse-gueule autant pour le scénario que pour les héros, puisque ces derniers décideront de faire « n'importe quoi » pour rester imprévisibles tout en suivant un plan ! Impossible sur le papier ? Oui, mais le défi est correctement relevé, à quelques bémols près sur lesquels nous reviendrons plus bas.

Push prend donc la forme d'une course-poursuite un peu particulière, où les différents camps se croisent mais ne peuvent pas ou ne veulent pas s'affronter, avec d'un côté les « gentils » voulant changer leur avenir (et donc éviter leur mort annoncée) et de l'autre les « méchants » cherchant à justement ne pas trop le changer pour parvenir à leur fin. En résulte un film assez nerveux et imprévisible, s'afférant à compenser les éventuelles baisses de rythmes qu'une narration hachée peut entraîner avec son style réaliste et pourtant très stylisé. Déconcertant ? Un peu, mais néanmoins agréable même si certaines longueurs ne sont pas totalement évitées. Plus concrètement, nous voilà face à des super héros qui dans chaque scènes prennent le dessus instantanément ou se lancent dans des joutes impossibles dès qu'ils utilisent leurs pouvoirs, un vrai petit plaisir renvoyant aux séries animées telles Dragon Ball Z ou les Chevaliers du Zodiaque mais dans un univers réaliste.

Malheureusement et malgré l'adresse certaine du scénariste, Push finit par se prendre les pieds dans ses ambitions. Tout d'abord sur l'univers réaliste et stylisée dans un hong-kong moderne où toute l'action se déroule : le film est laid, ressemblant à un Hyper Tension verdâtre, et changeant exagérément d'approche esthétique pour illustrer les visions (plans larges déformés, plans granuleux, etc). Si Chris Evans confirme encore être très doué, les autres acteurs versent un peu plus dans la caricature, de la « trop perdue » Camilla Belle qui finit par trop ressortir de ses scènes, jusqu'aux « méchants chinois crieurs » qui provoquent de jolis fous rires bien coupables à chacune de leurs apparitions les yeux exorbités. Mais, et c'est là le souci majeur, le scénario finit par se perdre et devenir encore plus incompréhensible lorsqu'il doit se conclure qu'une première vision d'un 2001, l'Odyssée de l'espace. Vraisemblablement un choix a été fait entre une intrigue très complexe et une formule plus classique de film d'action, et ce au montage. Il manque des bouts de scénario, des liens entre les scènes pour que vraiment toute l'intrigue conserve la saveur de son originalité. A la place, on se perd, on ne comprend plus ce qui se passe, les personnages raisonnent sans logique apparente, et les vingt dernières minutes paraissent totalement bâclées, gratuites, faciles et incompréhensibles. Un point d'autant plus dommage pour un film qui se voulait intelligent et donne l'impression au final d'avoir trop fait son malin. Dommage. Mais ça vaut toujours mieux que l'infâme Jumper !