Redacted
Le 28/01/2008 à 08:29Par Michèle Bori
Redacted est un film qui, sur le papier, avait tout pour devenir une véritable œuvre contestataire, mais qui au final, en raison d'un manque d'idées formelles et d'un discours un peu facile, s'avère être un joli pétard mouillé. De Palma se rattrape un peu après Le Dahlia Noir, mais on ne retrouve toujours pas le génie qu'on a aimé.
Bien malin celui qui arriverait à se faire un avis ferme sur le nouveau film de Brian de Palma à la sortie de la salle. Oscillant entre brûlot gauchiste et gauchisant, Redacted est un film complexe, tant dans son contenu que dans sa forme, dont on n'a du mal à savoir si elle est audacieuse ou opportuniste.
Prenant le parti de construire tout son film autour d'une poignée de vidéos, dont le réalisateur nous laisse entendre qu'elles auraient pu être trouvées sur le net, Redacted nous raconte le cheminement moral d'une troupe de GI perdue en Irak et amenée par la force des choses à commettre l'irréparable, à savoir un viol sur une mineure de 15 ans. Le commando se retrouvera donc disloqué, entre ceux qui assument totalement leur acte (en gros, les rednecks sudistes qui votent Bush et parlent avec un accent Texan) et ceux qui le renient (l'intello qui lit des livres, le bon soldat qui a une conscience), le tout sous le regard « objectif » de la caméra d'un latino désireux de rentrer en école de cinéma.
Dans un cas comme celui-là, où la prise de position est évidemment orientée, le choix de De Palma de montrer un même événement selon plusieurs points de vue, tous plus ou moins mis sur un pied d'égalité, est assez dérangeant. L'exercice de style a beau avoir déjà été approché par d'autres, il renvoie ici à une imagerie hautement moderne, puisque nous confrontant nous spectateurs à notre quotidien de voyeur. Qui n'a jamais surfé sur Youtube ou Daily Motion à la recherche de vidéos horribles en espérant un spectacle qu'on peut imaginer véritable, pour pouvoir se nourrir des malheurs des autres ? La question est posée par De Palma, tout comme celle de la responsabilité de ceux qui filment en se dédouanant de toute implication dans les événements auxquels ils assistent. Un sous texte pertinent certes, mais là où le réalisateur de Scarface loupe le coche, c'est qu'il se garde bien d'y donner une réponse, se contentant de critiquer tout le monde en s'attaquant frontalement au gouvernement américain, à l'armée, aux terroristes, aux punk qui gueulent devant leur webcam, aux braves soldats qui n'auraient jamais dû s'enrôler, à tous ceux qui votent républicain et font des conneries et à ceux qui votent démocrates et ne font rien. Une non prise de position qui fait que, sous des airs de brûlot anarchique utilisant une thématique proche de celle d'Outrages, Redacted n'est finalement qu'un film de plus nous expliquant que la guerre c'est moche.
Cela prendra peut-être une importance particulière aux yeux du public américain de base ou des critiques avides de métaphore facile. Mais pour les spectateurs européens que nous sommes, cela ne s'apparente qu'à de l'enfonçage de portes ouvertes puisque rien de ce qui est montré dans ce film ne nous a déjà été épargné dans un JT ou ailleurs. Sans vouloir faire de mauvais jeu de mot (mais un peu quand même), on a comme l'impression que De Palma est arrivé après la guerre.
De plus, si le choix de la mise en image de Redacted peut paraître osé sur le papier, on se rend vite compte que celle-ci se révèle plus limitée qu'autre chose. En effet, la soi-disant diversité des vidéos (censée figurer les différents points de vue du film) finit par tourner en rond au bout de 30 minutes. On retrouve donc à fréquence régulière la même source principale (le journal de bord du militaire), entrecoupée des mêmes sources auxiliaires (un documentaire français pompeux utilisant la musique de Barry Lindon, un reportage vite expédié de CNN, un autre de Al Jazeera, histoire de se montrer équitable, une caméra de surveillance...) pour un résultat plus monotone tu meurs. Qui plus est, concernant la première source mentionnée, après la gifle Cloverfield, force est d'admettre que l'utilisation que fait De Palma de la caméra subjective DV est loin, mais alors très loin, d'égaler celle de Matt Reeves, voire celle des réalisateurs du Projet Blair Witch. Jamais immersive, jamais vraiment innovante, la mise en scène du film ne dépasse jamais le stade de la bonne idée. Too bad...