Rogue

Le 12/02/2008 à 16:14
Par Arnaud Mangin

Notre avis

6 10

Parce qu'il est codifié à mort et sans la moindre surprise, Rogue est le type même de film qui aurait très bien pu ne jamais exister sans que ce soit grave. Mais bon, il existe et prenons-le comme tel. D'autant plus qu'il a la très mauvaise idée de base d'être un sempiternel chapitre de plus dans l'histoire des trois millions de films qui confrontent de gentils nababs (à savoir des américains en balade dans un autre pays) à une grosse saloperie aquatique qui gobe les nageurs comme un tapir au dessus d'une fourmilière. La dernière connerie en date dans le genre, c'était Anaconda, Z immédiat nous renvoyant à quelques téléfilms du câble et affreusement mal foutu qui plus est. Rogue, c'est justement tout le contraire. Si le résultat ne brille pas par son inventivité, il a au moins l'intelligence d'utiliser son crocodile géant, non pas pour bâtir un film de monstre ringard (oubliez l'affiche et son racolage débile) mais pour en faire une épée de Damoclès montant en épingle un thriller premier degré. En plus ça marche plutôt bien !

Donc non, il ne dépoussière effectivement pas grand-chose, le film de Greg McClean. Comme son précédent Wolf Creek, d'ailleurs. Mais toujours à l'image de son premier film, il essaie au moins d'adopter avec respect une page parmi tant d'autre dans l'histoire du cinéma de genre et d'offrir un résultat correct. D'une part, il se débarrasse de tout ce qui est généralement lourdingue dans ce genre d'entreprise : pas d'autochtones manchots sauvés par le héros étoilé, pas de chasseur casse-cou qui a déjà flingué vingt-cinq yétis par le passé et surtout pas la moindre tentative de faire du Spielberg avec les moyens de Mocky. Juste l'histoire d'un petit groupe de touristes (aidés par une direction d'acteurs au top, c'est rare) coincés sur un îlot australien qu'encercle le maudit animal. La marée monte, la nuit tombe et le bestiau est mort de faim : il faut trouver une solution, et vite !

Rogue joue donc à fond la fameuse carte de l'unité de lieu et de temps d'une manière efficace. Et ce, sans jamais concrètement dévoiler la grosse bébête avant une bonne heure puisque l'intérêt n'est même pas là. Une queue, une patte, un grognement, et même l'aspiration hors champ d'un personnage font l'essentiel du travail en matière d'atmosphère, sans même avoir besoin d'être choquant, gore ou spectaculaire. On lui préférera donc ce chouette combo entre le thriller naturaliste/animalier en huis clos dans sa première grande partie et le survival soudain à l'ancienne dans la seconde, plutôt bien emballée et soignée par d'excellents effets spéciaux numériques (encore un truc rare). Un peu ce qu'aurait pu être Peur Bleue, en bien...

Au final, Rogue restera le film anodin qui a probablement toujours été fantasmé comme tel (il serait temps que McClean ait enfin de vraies ambitions) mais qui transpose assez intelligemment le mythe du film de monstre Z dans quelque de chose de plus concret, plus palpable et suffisamment réaliste pour inquiéter les amateurs d'endroits exotiques. On arrive même à gober cette stupide histoire voulant que Radha Mitchell (toujours aussi charmante, au demeurant) n'a que 28 ans... De toute façon, une bobine qui préfère chercher ses inspirations du côté de Moby Dick que d'un quelconque Croc Attack est forcément digne d'intérêt...

NB : Présenté à Gerardmer le mois dernier, le film n'a pas encore de date de sortie française.