Sherlock Holmes
Le 18/01/2010 à 23:50Par Arnaud Mangin
Sherlock Holmes version 2010, c'est un peu l'histoire du verre à moitié vide. D'une part, une volonté de rehausser le héros d'Arthur Conan Doyle au rang de blockbuster à grand spectacle sans se faire étouffer par Guy Ritchie (considéré comme un faiseur comme un autre). Mais d'autre part, malheureusement, le film s'égare dans une intrigue un peu mollassonne et perdue dans ce qu'elle aimerait raconter et qui fait une trop lourde abstraction de l'univers énigmatique du personnage, vulgarisant ses caractéristiques à l'extrème. Ce n'est pas la grosse catastrophe redoutée, mais nous voilà néanmoins devant un film à l'utilité très réduite.
Découvrez ci-dessous la critique du film Sherlock Holmes avec Robert Downey Jr
Sherlock Holmes suscitait les plus grosse craintes : un réalisateur à la réputation tour à tour surfaite et désastreuse, un concept anachronique qui n'aurait amusé que son metteur en scène et surtout une bande annonce qui semblait ne rien faire pour retenir une roue trop libre. Bref, on craignait un blockbuster calibré utilisant le nom de "Sherlock Holmes" gratuitement et basé uniquement sur la sympathie que dégage Robert Downey Jr. Au final, ce n'est pas tout à fait ça... mais ça l'est quand même !
La bonne nouvelle est finalement l'effacement quasi-complet de Guy Ritchie à l'avantage d'un film de producteurs, le réalisateur étant surtout utilisé comme faiseur de service (probablement choisi parce qu'il était anglais...), proposant un portrait de Holmes nettement plus proche des romans de Doyle qu'on n'aurait pu l'imaginer. En effet, on se surprend à reconnaître ça et là beaucoup de traces de l'univers de Conan Doyle, dans les premières minutes du film : l'ambiance chez Holmes avec Watson et sa bonne et le look mysantrope et passionné du personnage par exemple.
La mauvaise, c'est que le résultat pèche par un travail d'écriture d'une faiblesse inouie, ne menant nulle part... Nous voilà face à une tentative de s'immiscer dans le genre, comme quelque chose de balbutiant, à des années lumières des intrigues malignes à travers lesquelles héros à déjà été adapté. Curieusement, l'un des films que rappelle le plus ce Holmes version 2010 est Le Secret de la Pyramide, véritable ancêtre de Harry Potter tourné en 1985 par Barry Levinson (produit par Steven Spielberg), où déjà les jeunes Sherlock et Watson enquêtaient sur des phénomènes de magie noire. Sans cesse, la comparaison est évidente quant à l'histoire et l'ambiance qu'essaye d'instaurer le film, à la différence que le scénario faisait mouche il y a 25 ans (déjà !) et ne fonctionne pas ici.
Le scénario se montre tellement faible, qu'arrivé à la fin du film on ne comprend même pas quelles étaient les véritables intentions du grand méchant de l'histoire, pourtant joué par l'excellent Mark Strong. Sherlock Holmes version 2010 tendrait en fait plutôt vers nos franchouillards Arsène Lupin ou Les Brigades du Tigre adaptés récemment sur grand écran.
Néanmoins on pourra apprécier que les créateurs du film reviennent à quelque chose de bien plus victorien, parfois crasseux et énergique, lorgnant vers le film d'aventures pur (une séquence de sauvetage nous rappelle même celle de Basile Détective privé, c'est dire) mais ils finissent par laisser de côté et n'utiliser que comme simple fil rouge tout ce qui rendait les récits sur Sherlock Holmes passionnants, à commencer par son don inné pour résoudre les énigmes les plus insolubles. Non pas que cette caractéristique ne soit pas là, bien au contraire, mais elle est ici réduite à un simple gimmick, pire encore, une facilité scénaristique. Si on se fascinait à suivre les raisonnements de Holmes dans les films, téléfilms et livres, si les conclusions logiques qu'il tirait à partir de faits scientifiques nous happaient directement, elles nous sont ici jetées à la figure en ce qui concerne l'intrigue principale.
A force de vouloir être trop fun, le film zappe purement et simplement tout l'aspect policier, résumé à quelques tics faciles. Holmes ne résout pas réellement de crimes... Il devine juste le passé des gens à partir d'un détail. Un gag qui marche bien une première fois, mais qui, suffisamment répété, perd tout de son effet. Et entre un humour se voulant désinvolte (la fameuse scène du lit, entraperçue dans la bande annonce et qui arrive comme un cheveu sur la soupe) et une histoire de méga complot mélangeant sorcellerie et politique, l'intrigue se perd dans un trop plein d'éléments narratifs pas très utiles et qui flinguent bien l'ambiance pendant une bonne heure de film (celle du milieu en plus).
Reste néanmoins la première et la dernière demi-heure, qui annoncent clairement que tout ce joli monde savait bien comment démarrer et conclure l'affaire. Le final renouant déjà avec bien plus d'habilité l'univers de Holmes sans tomber dans le cliché du héros guindé. Sans oubier une BO d'Hanz Zimmer assez réussie, une nouvelle fois loin des tambours et trompettes auxquelles il est souvent réduit. Mais voilà... le résultat a beau se conclure positivement, on ne peut s'empêcher de voir on concept majoritairement raté, multipliant les sorties de route (on écope d'un sous-sous Moriarty en guise de méchant) et une vraie absence de mystères et d'énigmes dignes de ce nom laissant décidemment l'opus de Ritchie bien loin du plus conceptuel et inventif Secret de la Pyramide. Comme quoi, l'affaire n'était pas si élémentaire que ça.