Sleep Dealer
Le 05/12/2008 à 12:24Par Michèle Bori
Film de SF sérieusement fauché au scénario d'anticipation digne d'un comics de seconde zone des années 70, Sleep Dealer ne se serait jamais vu offrir les joies d'une distribution dans les salles françaises il y a encore deux ans. Malgré quelques qualités découlant essentiellement de la volonté de son metteur en scène à vouloir faire un film visuellement et thématiquement ambitieux, Sleep Dealer n'en demeure pas moins une œuvre un poil pompeuse et pas franchement emballante, à voir éventuellement par pure curiosité ...
Premier film d'un jeune mexicain ayant grandi avec Blade Runner, Soleil Vert et Star Wars comme modèles, Sleep Dealer se devait d'être chroniqué dans nos colonnes, de telles références ne pouvant qu'éveiller notre curiosité. Hélas, les bonnes intentions ne font pas forcément de bons films, et si curiosité Sleep Dealer était, curiosité il restera. Passées ses premières minutes intriguantes nous plongeant dans un étrange futur ou les Etats-Unis ont réglé leurs problèmes d'immigration en contraignant les Mexicains à travailler de chez eux à l'aide d'un étrange réseau énergétique, le film d'Alex Rivera s'enfonce au fur et à mesure de sa progression dans une histoire prévisible et pas très captivante. Les idées sont là, l'univers est original pour qui aurait découvert la SF avec Babylon AD, les acteurs du film (Luis Fernando Pena, le héros du film, en tête, et Leonor Varela, vue dans Blade 2) sont parfaitement dans le ton, l'ambition est prometteuse, mais hélas, le film ne parvient jamais à tenir le spectateur en haleine, la faute essentiellement à un manque cruel de tempo. Un défaut fortement préjudiciable au métrage et qui plonge malheureusement le film dans un faux rythme constant qui a pour effet d'empêcher l'histoire de décoller et de rendre chaque événement bancal dans le meilleur des cas, lourdingue dans le pire. Bref, un film très moyen qui ne vaut d'être vu que pour sa tentative maladroite de faire de la SF un peu audacieuse sans débourser des millions de dollars... chose qu'on ne sait même pas faire en France, ajouterons-nous.
En revanche, en y regardant de plus prêt, la sortie de Sleep Dealer sur nos écrans nous permet de soulever une interrogation qui nous taraude depuis quelques temps déjà : le cinéma sud-américain serait-il en train de devenir la nouvelle lubie de l'intelligentsia cinéphile française ? Après avoir récupérer le cinéma asiatique, entrainant une déferlante de sorties de films (des bons, des moins bons, des mauvais) et après un début similaire avec le cinéma Bollywood et les séries télé, il semblerait aujourd'hui qu'on se dirige vers la même ritournelle avec le cinéma sud américain (et un peu espagnol aussi, surtout en ce qui concerne le cinéma de genre). Avec les succès d'estime et critique des films de Guillermo Del Toro, de Walter Salles, d'Alejandro Gonzales Inarritu, d'Alfonso Cuaron et de Fernando Meirelles, il y a fort à parier que les années qui viennent voient nos écrans de cinéma envahis par un grand nombre de produits de qualité diverses en provenance du Mexique, du Brésil ou d'autres contrées latines, pour la seule et unique raison qu'ils ont été fait au Mexique, au Brésil ou dans d'autres contrées latines ! Les distributeurs, en Cortés des temps modernes, auraient-ils découvert là un nouvel Eldorado ? Suffit-il aujourd'hui d'une tagline disant "dans la lignée du Labyrinthe de Pan" pour faire venir les gens au cinema ou pour vendre des DVD ? Il est peut-être encore trop tôt pour donner une réponse claire et précise à cette question, et seul l'avenir nous dira si le cinéma latin deviendra la nouvelle attraction tendance des salles françaises. En attendant, Sleep Dealer pourra en quelques sortes faire office de cas d'école.