Téhéran

CRITIQUE TEHERAN

Ebrahim quitte sa famille pour tenter sa chance à Téhéran dans l'espoir de gagner plus d'argent, mais voit ses illusions s'effriter très vite lorsqu'il sombre dans la mendicité. Sous la coupe d'un mafieux, il quémande quotidiennement, un bébé dans les bras, quelques pièces de monnaie aux passants. Mais quand le bébé dont il tire ses revenus est kidnappé par une mystérieuse jeune femme, il se retrouve dans une situation critique. C'est le début d'une recherche effrénée. Premier long métrage de fiction de Nader T. Homayoun, cinéaste franco-iranien déjà auteur du documentaire L'Iran : une révolution cinématographique, Téhéran prend le pouls de la société iranienne en nous plongeant directement au cœur de la ville à travers les errances d'Ebrahim. Sur le plan scénaristique comme esthétique, nous sommes bien loin du visage lisse de l'Iran habituellement dévoilé dans les productions locales visibles par le biais des festivals. Ici, les protagonistes sont des mendiants et des prostituées, des trafiquants et des mafieux. Porté par des personnages plus vrais que nature, Téhéran brise des tabous sans jamais que le réalisme ne cède la place à la provocation gratuite.

Pour son mélange de polar et de chronique sociale à caractère quasi documentaire, Téhéran renvoie parfois au Pusher du Danois Nicolas Winding Refn, les deux films ayant en commun une dresser un tableau sans concession de la vie urbaine d'en bas et d'imposer la ville comme personnage du film à part entière. Téhéran n'en possède pas moins sa propre identité, tant artistique que culturelle. Ne serait-ce que par l'audace du pari dont il résulte : filmer dans les rues de la ville et dans la foule avec de vrais passants, sans autorisation de tournage et en équipe très réduite, dans l'angoisse de l'éventuelle saisie des bobines par la police. Compte tenu de ces conditions de tournage pour le moins acrobatiques, on ne peut qu'être admiratifs devant l'unité et les qualités formelles du métrage qui s'avère au final plus inspiré que bon nombre de productions franco-françaises actuelles. Maîtrisant aussi bien l'emploi de la caméra à l'épaule que l'ajout de quelques touches de lyrisme, notamment dans le final très réussi, Nader T. Homayoun signe un film courageux, toujours réaliste mais jamais prétentieux, marqué par un regard critique mais porté par un véritable amour de Téhéran et de ses habitants. Reste à savoir si la Censure locale lui permettra de trouver son public en Iran...