The Garden of Sinners : Thanatos
Le 12/01/2009 à 07:54Par Frédéric Frot
Ce premier opus de la série de longs métrages d'animation The Garden of Sinners est une véritable surprise, un délice visuel. En dépit de quelques longueurs, le film s'avère passionnant à suivre grâce à son scénario réussi s'inscrivant dans le registre du fantastique, allié à une photographie superbe et une bande son efficace. C'est avec un grand plaisir que l'on suit cette enquête paranormale dont certains passages ne sont pas sans évoquer des classiques de l'animation comme Ghost in the Shell. Malgré son apparente froideur, une carapace dont on ne connaît pas encore l'origine, Shiki se révèle vite attachante, de même que Tôko qui s'avère quant à elle intrigante par ses aptitudes et sa motivation. Seul Mikiya reste pour l'instant quelque peu en retrait. On ne peut qu'espérer une sortie hexagonale de The Garden of Sinners : Thanatos ainsi que des opus suivants, en DVD ou avec un peu de chance sur grand écran.
The Garden of Sinners : Thanatos est le premier volet d'une série de sept films actuellement en cours de diffusion au Japon. Dans le paysage de l'animation japonaise, certains titres qui auraient du mal à trouver un public occidental méritent cependant notre attention. Ce film en est un exemple des plus récents de par son scénario mais aussi ses qualités graphiques. On retrouve à l'origine de ces animations une nouvelle littéraire amateur de Kinoko Nasu, illustrée par Takashi Takeuchi. Ces deux artistes ont fondé Type-Moon, cercle doujin qui a également donné naissance à des séries comme Fate/Stay Night ou Tsukihime. Si le studio Ufotable s'occupe de cette superbe mise en images, chaque film dispose en revanche d'un réalisateur différent. Le premier opus est dirigé par Ei Aoki. Peu connu en dehors de l'archipel nippon, il est le réalisateur de la série Girls Bravo et tout dernièrement Ga-Rei Zero, série fantastique diffusée actuellement à la télévision.
D'une durée de 50 minutes, The Garden of Sinners : Thanatos (ou Kara no Kyoukai : Fukan Fûkei, en japonais) nous plonge dans une intrigue fantastique rejoignant les histoires de fantômes et de malédictions japonaises. Des suicides inexpliqués de jeunes filles se produisent depuis des tours d'habitation destinées à la destruction. Shiki, qui est en quelque sorte l'agent de terrain d'une agence bien particulière, va alors enquêter sur ces événements.
La galerie de personnages de la série de films est limitée mais véritablement intéressante. Le premier volet, dont il est question ici, est centré sur Shiki, personnage féminin étonnant. Habillée d'un kimono en toute circonstance, elle présente une particularité physique inattendue que nous ne dévoilerons pas ici afin de ne pas gâcher l'effet de surprise au spectateur. Froide et distante, elle semble cependant attachée à Mikiya. Ce dernier, seul garçon de l'histoire, se trouve dans une sorte de coma léthargique dès la seconde scène. Le comportement de Shiki à l'égard de Mikiya, toujours présent tel une plante, accorde au garçon une mise en valeur étonnante. Les rares apparitions de Mikiya, au début et à la fin du film, permettent de découvrir un jeune homme attentionné à l'égard de Shiki et qui semble très lié à elle, presque amoureux. Le troisième personnage principal de cette histoire est Tôko. Elle dirige une agence de détectives qui n'intervient que dans les cas liés au surnaturel. Un autre de ses talents est la réalisation de marionnettes et de prothèses ultra réalistes. Fumeuse invétérée, elle semble être la clé qui relie ses deux employés Shiki et Mikiya. Ses longs monologues guident le spectateur et permettent de lever le voile sur certains éléments scénaristiques. On regrettera toutefois un peu ces passages qui tout en étant nécessaires à la compréhension de l'histoire ont tendance à créer certaines longueurs dans le film.
Les deux personnages féminins principaux de cette histoire possèdent des caractères antagonistes que mettent en exergue les décors de leurs habitations et bureaux. L'appartement de Shiki est dépouillé, pratiquement vide à l'exception de quelques éléments de vie courante comme le frigo, un lit et un téléphone répondeur. Cela donne un aspect très zen en harmonie avec son personnage. A l'opposé, le bureau de Tôko semble être brouillon, sorte de capharnaüm où l'on peut voir plusieurs horloges murales, un empilement de télés en fonctionnement mais aussi une multitude de bibelots. Seul l'atelier où elle réalise ses poupées et autres prothèses présente un semblant d'ordre. Son bureau paraît véritablement réaliste, et pour cause puisque, comme l'ont révélé des photos parues dans le magazine Animêshon Noto, les dessinateurs ont recréé ce lieu dans leurs locaux en intégrant des marquages au scotch pour ajouter certains éléments supplémentaires comme un petit escalier. De nombreuses scènes sont ici travaillées à partir de prises de vue réelles. La 3D est également présente dans The Garden of Sinners : Thanatos et son intégration réussie la rend totalement transparente, laissant la part belle aux images et leurs photographies. Petit élément amusant, la publicité est présente de manière non dissimulée. En effet, Shiki possède des glaces à la fraise Häagen Dazs dans son frigo et, chose plus exotique pour le Japon, elle boit de la Volvic en petite bouteille. Ces deux produits ont d'ailleurs été utilisés par différents magasins en tant que bonus aux premiers acheteurs des DVD.
Graphiquement, The Garden of Sinners : Thanatos est une véritable réussite. Le trait simple mais jamais simpliste des personnages, qui respecte les illustrations originales de Takashi Takeuchi, s'intègre dans de superbes décors. Derrière ce travail de qualité, on retrouve au poste de directeur artistique un certain Nobutaka Ike. Habitué des films de Satoshi Kon comme Millennium Actress, Tokyo Godfathers ou la série Paranoia Agent, il a su ici insuffler la vie à des décors urbains. Les nombreuses scènes situées dans un quartier de barres d'immeubles destinés à la destruction, expriment une certaine tristesse de par leurs couleurs passées s'inscrivant dans des tonalités très froides. Lorsque l'on observe attentivement, on peut se rendre compte du travail minutieux accompli et de la finesse du dessin. Les décors détaillés qui s'allient à une lumière bien gérée servent agissent comme un écrin au personnage de Shiki. Comme dans un film en prises de vue réelles, la photographie est un élément clé de The Garden of Sinners. Les jeux de lumières sont particulièrement bien maîtrisés par les animateurs du studio Ufotable, conférant une certaine féerie à ce drame fantastique.
Véritable personnage du film, la bande-son du film contribue elle aussi à soutenir l'intrigue. Souvent mélancolique, elle sait se faire discrète mais reste bien présente pour se rappeler à notre souvenir lors des scènes d'action. C'est à Yuki Kajiura que l'on doit cette composition remarquable. Cette dernière est entre autre l'auteure des bandes originales de My-Hime, Le Portrait de la petite Cosette ou encore des différents opus de Tsubasa : Reservoir Chronicle.
The Garden of Sinners : Thanatos se clôture sur des images du long métrage suivant, qui laissent entrevoir des événements terribles arrivés plusieurs années auparavant et qui nous révèleront très certainement ce qui relie profondément Shiki et Mikiya.