Une Affaire d'Etat
Le 20/11/2009 à 10:06Par Michèle Bori
De par son sujet, son casting et surtout son talentueux réalisateur, Une affaire d'Etat laissait augurer sur le papier d'un thriller politique du meilleur cru. Hélas, son manque de rythme, d'émotions et ses personnages peu attachants le rendront un peu froid et donc, peu emballant. Carré, mais pas franchement efficace.
Découvrez ci-dessous la critique du film Une affaire d'Etat
Plus ou moins disparu de la circulation depuis son très surprenant Maléfique (il a pourtant tourné deux films aux Etats-Unis, inédits sur l'hexagone), Eric Valette revient en France avec Une affaire d'Etat. Inspiré d'un roman de Dominique Manotti, Nos fantastiques années fric, le film raconte comment un petit meurtre, en apparence sans importance, va pousser une jeune flic à s'intéresser aux affaires d'un éminent homme d'Etat réalisant quelques magouilles dans les coulisses d'un pouvoir corrompu par l'argent. Un polar/thriller politique totalement dans l'air du temps, puisque croyez-le ou non, le genre semble avoir la cote en ce moment. L'Affaire Farewell de Christian Carion, Espion(s) de Nicolas Saada, Sans Etat d'âme de Vincenzo Marano ou Secret Défense de Philippe Haïm en sont des exemples récents et ces films, aux moyens et aux ambitions différentes, avaient tous plus ou moins le même but : raconter une petite histoire perdue dans une grande histoire. Dans le film de Valette, la quête de cette policière sera bien sûr un prétexte pour parler de la face obscure des hautes sphères, où l'argent, le sexe et la mort se côtoient dans la plus grande impunité. Une intention plus que louable sur papier, qui rappelle quelque part le très réussi Jeux de pouvoir de Kevin MacDonald et qui aurait pu se montrer payante si Valette, en bon amateur du genre, avait réussi à tirer vers le haut un scénario casse-gueule car classique. Hélas malgré quelques bonnes idées, Une affaire d'état porte le sceau du thriller milieu de gamme qui, comme L'affaire Farewell il y a quelques mois, oublie un peu de divertir et d'émouvoir.
Que se passe-t-il dans Une affaire d'Etat ? Rien, ou plutôt presque rien. Sur 1h39 de film, comptez facilement une heure où l'on verra des gens discuter dans une voiture, dans un parc, devant la bibliothèque François Mitterrand, passer des coups de fils depuis un hôtel de luxe avec vue sur l'Opéra Garnier ou encore boire du champagne dans une soirée privée pleine de prostituées de luxe. Le syndrome Agents Secrets de Frédéric Schoendoerffer en quelques sortes ... Avec son scénario choral cherchant à parler de tout en un temps record sans chercher à donner un point de vue subjectif sur la situation, le film de Valette ne connait pas (ou peu) de montée en intensité, ne propose que très peu de suspense et au final, ne s'envole jamais vraiment. Un peu comme ces parties d'échecs où les joueurs passent 90% de la partie à mettre en place leur stratégie avant de mater en trois coups... La réalité est peut-être ainsi, mais rien n'empêchait les scénaristes de la "dramatiser" un peu. Une carence en rythme et en émotions qui porte préjudice au film, ce dernier ne parvenant jamais à nous attacher à ces personnages semblant constamment avoir un coup d'avance sur le spectateur.
Dès lors, si toute l'intrigue politicienne se montre intéressante (forcément, le spectateur est toujours passionné par les rouages du pouvoir), les enjeux relatifs aux destins des protagonistes centraux sont de leur côté beaucoup moins palpitants. Qu'ils rient, qu'ils pleurent ou qu'ils meurent n'a donc que peu d'impact sur le spectacle, puisque jamais le film ne nous laisse l'occasion de nous attacher à eux. Quelques intrigues secondaires ou une caractérisation sortant un peu des lieux communs auraient sans doute été les bienvenus. Car en l'état, les rares tentatives de Valette d'offrir autre chose que d'interminables séquences dialoguées (une très sympathique poursuite dans Montmartre à la fin du film par exemple) ou la multiplication de quelques "gueules" monolithiques (sensées faire écho à un certain cinéma des années 70) ne parviendront pas à elles-seules à animer l'encéphalogramme bien plat de cette affaire d'Etat un peu molle du genou.