World War Z : Open Bar sur les Zombies ! [Critique]
Le 02/07/2013 à 09:49Par Jonathan Butin
Imparfait, inégal et par certains aspects, inachevé, World War Z sait aussi se montrer grandiose et sidérant grâce à un budget titanesque, généreusement redistribué à l'écran. On regrettera simplement la politique "zéro risques" des producteurs qui avaient entre les mains matière à quelque chose de bien plus audacieux et abouti que la sempiternelle quête du héros solitaire face à l'apocalypse zombie. Découvrez ci-dessous notre critique complète de World War Z.
Six ans de galères et 200 millions de dollars, c'est ce qu'il aura fallu à Brad Pitt et à sa boite de production Plan B pour enfin sortir leur adaptation de World War Z, le livre de Max Brooks dont les droits ont été obtenus à l'issue d'une âpre bataille d'enchères avec la compagnie de Leonardo Dicaprio, Appian Way. Réalisé par Mark Foster d'après un scénario signé par une bonne partie d'Hollywood (Matthew Carnahan puis Michael Straczinsky et enfin Drew Goddard et Damon Lindelof), ce premier "blockbuster zombie tout public" de l'histoire se révèle très inégal mais offre son lot de sensations fortes.
L'une des rares apparitions de Karen Lane (Mireille Enos)
Du zombie, on en a bouffé. Pour quelle raison dès lors tout se battage autour d'un simple film avec des mort-vivants ? D'abord, World War Z n'est pas la fidèle série B qu'on regarde entre initiés en fin de soirée, ni une énième ré-actualisation d'un film de George Romero. World War Z est l'adaptation d'un best-seller de l'écrivain Max Brooks, fils de Mel et maître ès zombies puisqu'il est également l'auteur du Guide de Survie en Territoire Zombie, autre incontournable des amateurs de morts vivants.
Ceux d'entre-vous qui ont lu World War Z ont donc su très tôt (dès la première bande annonce en fait) que le film, si ce n'est son titre, ne partagerait que très peu de chose avec le livre. Des éléments assez mineurs ont été modifiés comme l'allure des zombies (bien que Max Brooks insiste sur le fait que, dans sa conception, les zombies sont lents) ou le départ de l'épidémie (la Chine dans le livre, quelque part en Corée du Nord dans le film). Qu'ils soient pour des raisons d'"entertainment value" ou d'exploitation à l'étranger, ces changements trouvent leur justification. Ce qui est plus dommage en revanche, c'est d'avoir abandonné la structure du livre faîte de différents points de vue individuels sur la catastrophe, racontés a posteriori. Dans le livre, de nombreux personnages de nationalités multiples étaient ainsi interrogés par un représentant de l'ONU qui note scrupuleusement les petites et les grandes histoires de la "guerre contre les zombies". La précision, la technicité comme la variété des intervenants rendant tout à fait crédible une idée aussi saugrenue qu'une guerre contre les zombies. Nous, lecteurs, tenions donc le recueil de ces témoignages.
Un découpage évidemment idéal pour le format série mais qui proposait également de nombreuses pistes pour un film qui sortirait des sentiers battus en apportant un peu de fraîcheur sur ce genre essentiel du cinéma d'horreur. (Pourquoi pas quelque chose comme Contagion de Soderbergh ?) Les producteurs ont malheureusement opté pour une approche on ne peut plus classique avec un personnage principal, Gerry Lane, héros omnipotent doté des facultés physiques et cognitives d'un demi-Dieu (Brad Pitt, crédible malgré tout), et une narration implacablement linéaire. En résulte un produit hyper calibré, sans surprises ni tension puisqu'on ne s'inquiète à aucun moment pour l'avenir du courageux Gerry. Les personnages secondaires, eux, sont simplement anecdotiques (les spectateurs les plus attentifs remarqueront tout de même Matthew Fox qui, depuis Lost, semble toujours chercher sa voie). Pour l'adaptation fidèle c'est loupé, mais laissons de côté le potentiel inexploité car il faut bien admettre que WWZ a quelques atouts en réserve.
La technique de la fourmillière, un classique.
On a vu des zombies danseurs, des zombies amoureux, des zombies nazis ou joueurs de base-ball. On en a vu dans un avion, dans une rave-party, sur Alcatraz ou même dans l'espace. Mais jamais jusqu'à présent on en avait vu autant. Tellement de morts vivants au centimètre carré que World War Z est passé directement dans la catégorie "film catastrophe" au même titre que la moitié de la filmo de Roland Emmerich. On parle ici de hordes sanguinaires de milliers d'individus qui bondissent sur leurs proies avec l'agilité de grands fauves. De véritables raz de marée de morts vivants en CGI déferlant devant la caméra de Marc Forster (Neverland, Quantum of Solace) qui montre un certain talent lorsqu'il s'agit de filmer le chaos à grande échelle. La panique dans les rues de Philadelphie ou les myriades d'infectés prenant d'assaut les fortifications de Jérusalem font partie de ces scènes épiques qui méritent d'être vues, tellement exubérantes qu'il est parfois difficile de garder la bouche fermée. World War Z ne ménage pas ses efforts pour scotcher le spectateur au fond de son fauteuil. Les dix premières minutes du film donnent déjà une idée précise de l'ampleur de la catastrophe et le rythme ne faiblit jamais...
Jusqu'à ce terrible dernier acte. La séquelle la plus visible du cauchemar qu'aura été la pré-production de World War Z. Les multiples scénaristes qui se sont succédés sur le projet ont accouché d'un épilogue (reshooté en urgence sur la demande expresse des producteurs) extrêmement cheap, téléphoné, qui fleure bon le raccommodage et qui dénote totalement avec l'image de blockbuster bien huilé du film de Marc Forster.
Tiens, Gerry Lane partage l'écran...
Mais lorsque l'on sait ce qu'il aura fallu traverser pour que World War Z voit enfin le jour, le film ne s'en sort pas trop mal et évite la catastrophe. Les deux suites annoncées devraient se voir épargner le tumulte du premier épisode et, qui sait, peut être renouer avec la trame du livre. Si ce n'est pas le cas, les lecteurs déçus pourront toujours se consoler en se disant que le simple fait d'investir des millions de dollars dans un film de zombies, genre autrefois limité à une mise en œuvre plus "artisanale", est en soi un hommage mérité à un auteur amoureux fou du genre.