Critique : Lost, la critique complète de la saison 6
Le 01/06/2010 à 10:00Par Arnaud Cuirot
Cette critique se veut au maximum sans spoilers mais il y a forcément des indications sur ce qui vous attend si vous n'avez pas encore vue cette saison 6.
Et voilà, nous y sommes, après six années de mystères et de rebondissements, Lost s'est achevée et vient désormais le temps de faire le bilan. Alors, cette saison 6 est-elle géniale ou à l'inverse ne fait-elle qu'étaler à la face du monde le foutage de gueule du siècle ? Ni l'un ni l'autre serions nous tentés de répondre et par bien des aspects la saison 6 n'est "que" une saison comme les autres, à une différence près : La conclusion. Ayant astucieusement compris qu'une réalité était forcément inférieure au fantasme, les scénaristes embrassent rapidement une piste mystique -finalement d'une banalité affligeante- par définition inexprimable dans sa globalité. C'est un choix comme un autre après tout. Cependant, ce n'est pas le fond de la conclusion proposée qui pose véritablement problème, c'est bel et bien sa forme terriblement manichéenne. Lost saison 6 ou quand une des meilleures séries de la dernière décennie enfile ses gros sabots de paysan...
Synopsis.
Juliet fait exploser la bombe. Sur le vol Oceanic 815 au départ de Sydney et à destination de Los Angeles, un médecin rapatrie le corps de son père, une détenue est extradée aux Etats-Unis et une ex-star du groupe Drive Shaft manque de s'étouffer avec un sachet d'héroïne. Le vol se passe sans incident majeur, la vie reprend son cours (presque) normal...
Juliet fait exploser la bombe. Toute l'opération de la bombe semble un échec puisque le petit groupe coincé en 1977 voyage dans le temps pour revenir (à priori) à leur époque d'origine. Mais entre le coup d'état organisé par l'antagoniste de Jacob et l'intervention d'un mystérieux groupe résidant près du temple, l'île n'a pas encore livré tous ses secrets...
Une saison comme une autre ?
Une corde La qui sonne à vide, de la romance mais pas trop, des révélations qui ne font qu'apporter d'autres questions et enfin des personnages charismatiques (ou énervants, c'est selon) plongés dans une situation qui les dépasse... Depuis le début la formule de Lost est la même et est d'ailleurs très bien maîtrisée. Alors ne tournons pas autour du pot plus longtemps, si vous avez aimé les cinq premières saisons de Lost, vous aimerez la sixième, très classique sur le fond, même si le final risque d'en laisser perplexe plus d'un. En revanche, si les déboires de ces naufragés tournant en rond sans rien comprendre à ce qu'ils font vous exaspèrent, ce ne sont certainement pas ces 18 épisodes qui vous réconcilieront avec la série. La construction même de la saison ressemble à un copié/collé de ce qui avait été fait précédemment avec un début décousu qui n'hésite pas à paumer volontairement le spectateur, un milieu au rythme mou avant une accélération des événements jusqu'à l'apothéose du final. Certes, ce n'est pas très original et les fans qui attendaient une saison révolutionnaire radicalement différente de ce qui se faisait jusque là en sont pour leurs frais, mais l'ensemble est bien rodé et se révèle efficace. Nous jetterons en revanche un voile pudique sur les raccords hasardeux (il fait jour, la seconde d'après il fait nuit), les quelques incohérences (sérieux les gars, réparer un avion avec du scotch ?) et les passages inutiles (mention spéciale pour le pauvre Hiroyuki Sanada ). Après tout, ces problèmes ont toujours fait partie intégrante de Lost.
L'art de poser les questions, la maladresse d'y répondre.
Complexes, épiques et mystérieuses ! C'est ainsi que nous pourrions décrire les différentes storylines de Lost qui a toujours été beaucoup plus forte dans l'art de poser les questions que dans celui d'y répondre. Souvenez-vous à la fin de la saison 1, tout le mystère de la trappe ! En fait, c'était juste un écossait dépressif en train de manger des boîtes de conserve Dharma. Et "les autres" ? Simplement une bande de paumés qui suivaient aveuglément un chef qui ne savait pas trop ce qu'il faisait. Parce que le fantasme est toujours supérieur que la réalité, parce qu'extrapoler la réponse est toujours plus excitant que de la découvrir, Lost a souvent péché dans la résolution de ses énigmes. Mais peut-on reprocher au show de faire joujou avec notre imagination ? C'est un débat et avant tout une affaire de goûts. Cependant, cette saison 6 s'efforce tout de même de fournir des réponses cohérentes à plusieurs mystères qui taraudent les fans depuis plusieurs années. Ainsi, la nature du Smoke Monster est rapidement éludée, l'origine des nombres maudits également, l'apparente résurrection de Christian Shephard (littéralement "Le berger chrétien"), l'opposition entre Jacob et son antagoniste ou encore la présence du Black Rock trouvent aussi leurs explications. L'effort est réel pour satisfaire la curiosité du fan mais la qualité des réponses proposées varie grandement d'un mystère à l'autre. Si l'on sent bien de la solidité sur des sujets maturés depuis longtemps, certains fleurent bon la totale improvisation : "Pourquoi nous ?", la réponse qui tue "Euuuuuuuuh, parce que.". Ah ? C'est tout ? Ok. Signalons également que les spectateurs doivent faire l'impasse sur un nombre conséquent de mystères secondaires dont le pourquoi des 108 minutes avec hiéroglyphes égyptiens et les supers pouvoirs de Walt par exemple, les deux sujets formant le corps de la saison 2.
Mystique et boule de gomme
Sans en dévoiler davantage, citons que plus que jamais la série sombre dans le mysticisme. En soit, ce n'est pas vraiment un problème et après tout cette solution se révèle bien pratique - facile même- pour maintenir sous une cloche de mystère un certain nombre d'énigmes irrésolues. En revanche, la série n'hésite pas à sacrifier sur cet autel l'ambition qui était la sienne les saisons précédentes. Alors que les scénaristes nous avaient jusque là relativement épargné des symboliques faciles, la saison 6 se plaît à les multiplier jusqu'à la nausée : Le bien contre le mal, le noir contre le blanc, le blond contre le brun, les tomates piétinées... que c'est pataud. Adieu à toute l'ambiguïté qui faisait le charme des saisons précédentes, ici tout n'est qu'une question de gentils contre méchants. La symbolique de cette mystique d'une banalité affligeante trouve son apogée dans le chiotte géant -vous comprendrez en le voyant- où au-dessus c'est bien, en dessous c'est caca. Véridique. Ce qui fâche encore davantage c'est le côté kitsch que prennent alors certaines scènes sensées êtres profondes mais qui prêtent davantage à rire qu'autre chose par leur aspect caricatural. Et dire que la série était au-dessus de ça jusqu'ici...
Et nos héros dans tout ça ?
Malheureusement, nos héros payent le prix fort de ce combat du bien contre le mal et là encore les scénaristes abandonnent l'ambivalence qui les rendait attachants ou détestables, bref charismatiques. Alors que tous les éléments étaient réunis pour des luttes fratricides épiques et des dilemmes moraux cornéliens, les scénaristes font marche arrière et réfutent leur propre logique. Tout le monde est sympa en fait, même Ben, et un héros reste un héros au merveilleux royaume de l'entertainment. Tant mieux pour la happy end, tant pis pour la tragédie. Dans ce contexte, il n'est guère étonnant de voir les Jack, Kate et autres Sawyer faire exactement ce que l'on attend d'eux alors qu'ils pouvaient réagir de manière plus erratique voire totalement égoïste les saisons précédentes. Encore plus dommage, alors que toute la saison tourne autour de la nature transcendantale et donc supérieure de l'île, la narration s'achève en replaçant tous ces personnages, insignifiants à l'échelle de cette terre mystérieuse, au centre. Jamais les destins des héros n'ont la décence de s'effacer derrière les enjeux réels, comme si il était plus important de savoir que tout le monde termine en couple plutôt que de sauver le monde de la destruction.
Notons par ailleurs que les deux meilleurs épisodes de la saison sont centrés sur des personnages secondaires, Desmond (Henry Ian Cusick) et l'énigmatique Richard (Nestor Carbonell) qui prend une dimension concrète au cours de cette saison 6 sans rien perdre de son charisme dingue. Un véritable tour de force qui mérite d'être souligné.
En conclusion
Nous aurions adoré vous annoncer que la saison 6 de Lost concluait en beauté cette série culte, que le grand final retournait le cerveau et que toutes les réponses allaient faire bouillir votre cerveau. Mais non. En multipliant les symboles faciles, cette saison 6 de Lost s'enferme dans un mysticisme manichéen, simplet même, alors que jusque là la série évitait de sombrer dans la facilité. Carlton Cuse et Damon Lindelof avaient annoncé un final qui ferait parler les fans pendant des années. Sur ce point ils avaient raison mais peut-être pas de la manière escomptée: Le débat portera surtout sur le fait de savoir si Lost était génial, une supercherie longue de six ans ou alors -comme nous le pensons mais nous n'avons pas vocation à porter la sainte parole- une excellente série à la sortie bancale pour avoir sacrifié au dernier instant son ambition par manque de courage. Le mieux étant encore de voir cette saison 6 pour se forger son propre avis et être dans le coup lors des barbecues de cet été...