Critique : Tokyo Demon Campus - Episodes 1 à 14
Le 14/01/2009 à 08:55Par Caroline Leroy
A l'instar de Gungrave ou Devil May Cry, Tokyo Demon Campus (ou Tokyo Majin Gakuen en VO) est l'adaptation d'un jeu vidéo, exercice périlleux s'il en est, ne serait-ce que d'un point de vue scénaristique. Les supports ne sont pas les mêmes et ne sont par conséquent pas porteurs des mêmes exigences. Gungrave relevait quasiment du miracle, soit de coller à l'univers du jeu tout en livrant une intrigue complexe qui reposait sur un superbe équilibre entre action, drame et psychologie, le tout baignant dans un contexte judicieusement référentiel - celui des grands films mafieux, en l'occurrence. Tokyo Demon Campus lorgne un peu du côté de ce type de cocktail nuancé, avec un peu moins de bonheur toutefois. Quoiqu'il en soit, l'effort est flagrant de la part du réalisateur Shinji Ishihara d'élever le matériau de départ vers quelque chose de plus subtil, de plus alambiqué, et force est de constater qu'il y parvient à plus d'une reprise.
Le tout avec Tokyo Demon Campus est de ne pas se fier uniquement au premier épisode. Cette introduction orientée vers le tout action semble uniquement destinée à prouver le savoir-faire du studio AIC Spirits (Girls Bravo) en matière d'animation. Sous cet angle, l'effet est réussi : Tokyo Demon Campus en jette tout au long de ces vingt-deux minutes endiablées, rythmés par des combats fluides aux accélérations fulgurantes. La mise en scène et les cadrages ultra dynamiques de Shinji Ishihara font merveille à tout moment, même dans les scènes de dialogues entre les personnages, nettement moins statiques que la moyenne des séries d'animation. On connaît le réalisateur Ishihara pour son travail sur Ichi the Killer - Episode 0, prequel animé tordu et extrêmement violent au film de Takashi Miike. Le retrouver sur Tokyo Demon Campus n'est donc pas si surprenant, la série réservant un certain nombre de plans gore qui, sans posséder la puissance et la précision clinique de ceux d'un Shigurui, par exemple, restent relativement inhabituels là encore dans le tout venant de l'animation. Un premier épisode efficace, donc, qui nous permet de faire connaissance avec la bande de lycéens aux super-pouvoirs qui défient les forces obscures dans un Tokyo gangrené par le mal, et dont le seul défaut consiste peut-être à ne pas totalement donner le ton de la série : de l'action, il y en aura encore beaucoup, mais la série ne saurait se résumer à ça.
Revenons sur nos héros. Kyôichi Hôraiji semble s'imposer comme le leader du petit groupe, mais son autorité est mise à mal par l'arrivée d'un petit nouveau du nom de Tatsuma Hiyû, qui ne tarde pas à gagner l'estime du gros dur Yûya Daigo, de la frêle Aoi Misato et de la volcanique Komaki Sakurai. Un peu à l'écart de la team de choc, se tient le taciturne Hisui Kisaragi qui paraît entretenir une relation particulière avec Aoi Misato. Boudée par Kyôchi Hôraiji durant les premiers épisodes en raison de son évident manque de talent au combat, cette dernière prend du galon à mesure que l'on progresse dans l'intrigue (les épisodes se suivent). Tout en nous épargnant fort heureusement le fan service, le réalisateur et scénariste Ishihara opte pour une surenchère d'action et de gore durant les premiers épisodes de Tokyo Demon Campus afin, visiblement, de fidéliser un certain public. La suite s'avère ainsi plus intéressante en ce qu'elle balance mieux l'horreur, les affrontements divers et variés et les tourments intérieurs de chacun des personnages. Chacun se voit consacrer au moins un épisode ou deux, ce qui donne l'occasion à la série de se hisser plus haut que le simple animé de baston. Mais ce parti-pris qui consiste à garder malgré tout coûte que coûte les faveurs des jeunes spectateurs finit malgré tout par desservir la série.
Si l'on considère le contenu visuel, le degré de violence et la qualité de la réalisation comme de l'animation, celle-ci a tout d'une œuvre seinen, soit destinée aux jeunes adultes. Pourtant, elle donne à la longue l'impression de ne pas s'assumer comme telle en laissant s'immiscer des thématiques typiquement shônen dans sa caractérisation des personnages, au moment même où l'on attend l'esquisse d'une résolution adulte de leurs introspections douloureuses. Les derniers épisodes débordent de répliques pompeuses sur le devoir de protection d'autrui (chacun déclame solennellement son intention de protéger untel, qui lui-même fait le serment de protéger unetelle, et ainsi de suite) et autres stigmates un peu niais propres aux fictions pour adolescents. On est loin de la maturité et du cynisme intelligent d'un Gantz, série elle aussi gorgée de scènes gore et de combats particulièrement violents.
C'est là la principale déception réservée par Tokyo Demon Campus, par ailleurs très fun et sophistiquée dans l'horreur, avec son lot de créatures (les "diables") peu ragoûtantes et de rituels de magie noire sympathiques. Les personnages, qui sont plutôt attachants dans l'ensemble, auraient gagnés à se voir traiter avec davantage de profondeur au moment décisif. L'un de ceux qui s'en sort paradoxalement le mieux n'est autre que le grand méchant de cette première saison, Tendô Kozonu, sinistre individu au look clownesque trompeur. On attend tout de même tranquillement de découvrir la suite, en espérant que celle-ci se montre plus adulte.