Mai Mai Miracle
Le 25/08/2010 à 15:59Par Frédéric Frot
Mai Mai Miracle est le dernier film en date de Sunao Katabuchi qui nous avait fait rêver avec son poétique et fantastique Princesse Arete. Cette fois-ci, le cinéaste adapte un roman autobiographique qui nous plonge au cœur des années 50, époque où le Japon commence à atteindre une ère de prospérité après les heures sombres de la Seconde Guerre Mondiale. Graphiquement très abouti, Mai Mai Miracle n'est pas un film d'enfants mais un film sur l'enfance et s'adresse à tous les publics. Une oeuvre poétique et touchante qui trouvera sans mal le chemin du cœur de chacun grâce à une touche de nostalgie et de bonheur bien agréable en ces temps moroses.
Mai Mai Miracle, ou Mai et la magie millénaire. Sous ce titre énigmatique se cache un film attendrissant et poétique. Sunao Katabuchi nous fait découvrir l'univers décrit par Nabuko Takagi dans son roman autobiographique. Situé dans la région de Hofû des années cinquante, les décors provinciaux du Japon retranscrivent le caractère encore très rural de l'époque même si les usines commencent à y faire leur apparition. Il ne s'agit pourtant pas d'une peinture sociale d'une époque révolue puisque l'on peut y voir une société en pleine mutation qui se dirige vers le modèle moderne de la consommation. Si le récit se déroule aux antipodes de la France, l'histoire demeure universelle et Mai Mai Miracle s'imprègne très vite d'une dimension très familiale.
Les principaux protagonistes restent les enfants, en particulier Shinko Aoki et son amie Kiiko Shimazu. Les deux fillettes ne sont pas issues du même milieu social. Shinko est petite fille d'agriculteur et son père souvent absent est chercheur à l'université. Kiiko vient quant à elle de déménager avec son père médecin embauché à l'usine de la région. L'opposition ne tient pas seulement à la condition sociale des deux fillettes mais également à leur mode de vie, traduit notamment par leur habitation respective. Shinko habite avec ses parents, sa petite soeur et ses grands-parents dans une maison traditionnelle avec un confort tout relatif. Kiiko, orpheline de sa mère, vit dans une maison de fonction fournie par l'usine, une demeure à la mode occidentale avec lit, réfrigérateur au gaz et autre confort moderne. Pourtant, en dépit de ces différences, les deux fillettes ont beaucoup de points communs.
Espiègle et imaginative, Shinko utilise les récits de son grand-père contant la vie de cette ville à la période de Heian (794 à 1185) pour se créer un monde à part entière. Les séquences se déroulant dans le passé s'appuient sur des vérités historiques puisque l'on doit à Sei Shônagon, dont il est question dans le film, les « Notes de chevet », des écrits descriptifs de son époque comme l'est « Le dit de Genji ». A l'époque, elle vivait au même âge que Shinko dans la ville de Hofû, cité phare de l'ère Heian. L'autre héroïne, Kiiko shimizu, est nettement plus timide et solitaire. Au contact de Shinko, sa personnalité va se déployer pour lui permettre de s'intégrer aux enfants du village. Si l'on relèvera parfois quelques longueurs, elles sont vite contrebalancées par la fraîcheur des personnages, doublés par des seiyuu (acteurs de doublage japonais) très habités. Détail amusant qui échappera au public français, le casting a été fait au sein même de la région de Hofû, ce qui à permis d'apporter aux personnages un accent authentique. A travers une narration fluide, la mise en parallèle de deux époques distantes de mille ans nous montre que les préoccupations de l'enfance restent les mêmes et que les sentiments qui se développent à cet âge sont universels. Certains sauts temporels, inévitables pour un tel récit, nous troublent, laissant une impression de faille dans l'Histoire, mais ils n'entravent en rien la force du récit, captivés que nous sommes par la vie et les aventures de Shinko et Kiiko.
Avec ce film très personnel sublimé par une animation fluide et une mise en images de toute beauté, Sunao Katabuchi délivre des instants de poésie précieux. On ne peut s'empêcher d'être touché par les images et des moments de pure fraîcheur qui nous renvoient à eux seuls aux joies et aux peines de notre propre enfance. Le parallèle avec l'œuvre de Hayao Miyazaki est presque inévitable - les deux réalisateurs ont d'ailleurs travaillé conjointement sur la série Sherlock Holmes et le long métrage Kiki la petite Sorcière - et l'on pense tout particulièrement au superbe Mon voisin Totoro. A quelques années près, ces deux films se déroulent a la même période, c'est-à-dire au milieu des années 50, époque où la prospérité commence à toucher un Japon en pleine mutation. Toutefois le traitement de l'enfance n'est pas le même. Miyasaki se base sur l'imaginaire et le fantastique tandis que Katabuchi opte pour une approche plus réaliste en explorant la relation entre les enfants et le monde adulte.. Mai Mai Miracle n'est pas un film enfantin mais un film sur l'enfance ou chacun pourra sans mal se retrouver.
Alors qu'il destinait initialement son film à un jeune public, Sunao Katabuchi fut surpris de constater que son métrage avait particulièrement touché la tranche d'âge des trentenaires. Un groupe de soutien s'est même constitué dans l'archipel pour promouvoir l'histoire de Shinko et de ses amis.De notre côté, nous ne pourrons que que regretter que ce bijou ne sorte qu'en DVD et dans les salles obscures comme sa qualité le prédestinait. La date de sortie est fixée au 25 aout prochain chez l'editeur Kaze
Date de première publication : 23 juin 2010 à 10h03