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Tarantino de Jerome Charyn : le livre ultime sur QT ?

Le 12/10/2009 à 12:44
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Critique du livre Tarantino de Jerome Charyn publié aux éditions Denoël Quentin Tarantino a beau avoir été l'une des révélations les plus éclatantes du cinéma US des années 90, peu d'ouvrage sérieux et complet lui sont consacrés, leurs auteurs ayant visiblement préférés suivre la directive du journaliste de L’homme qui tua Liberty Valance ("quand la légende rejoint les faits, imprimez la légende"), c'est bien plus commode et qui plus est le bonhomme est charismatique, que de l'approcher avec un oeil nouveau, délivré des oeillères offertes par cette confortable success-story. Et nous n'évoquerons pas des livres qui voudraient analyser le postmodernisme de ses films pour le plus souvent ne finir qu'à recenser les influences du cinéaste sans apporter de réelles analyses esthétiques ou thématiques.

Profitant de la sortie en salle de Inglourious Basterds, les éditions Denoël publie Tarantino (sorti sous le titre Raised by Wolves : The Turbulent Art and Times of Quentin Tarantino aux Etats-Unis) du romancier franco-américain Jerome Charyn, un livre à l'approche assez inédite. L'auteur se fend d'un ouvrage composite entre biographie, essai sur la structure narrative et observations purement spectatorielles des films, soit trois approches d'un auteur et de son oeuvre qui semblent difficilement cohabitables au sein d'un même ouvrage. Un biographe ne doit en effet s'intéresser aux faits et rien qu'aux faits (soutenus par la parole des interviewés), de l'autre l'essayiste se prête à une réflexion personnelle toujours soutenue par un argumentaire solide, tandis que le spectateur mettra avant tout en exergue le plaisir cinématographique (j'aime/j'aime pas).

Critique du livre Tarantino de Jerome Charyn publié aux éditions Denoël
Le cul entre deux (voire trois) chaises, Jerome Charyn ne parvient ainsi tout au long de ces 180 pages pas à satisfaire sur aucune des trois approches. Il peine dans un premier temps a véritablement dévoiler la personnalité hypersensible et égocentrique de QT (du cinéphage averti au cinéaste présomptueux) qu'avaient dépeint avant lui Peter Biskind et Sharon Waxman respectivement dans Sexe, mensonges et Hollywood et Les Six Samouraïs, fruits d'entretients avec les proches collaborateurs et anciens amis du cinéaste. Charyn passe par exemple rapidement sur la vente contrainte par Roger Avary de son scénario sur les mésaventures d'un boxeur à la recherche de sa montre léguée par son père mort pendant la guerre... qui deviendra plus tard un des segments de Pulp Fiction fièrement proclamé sur le carton de fin "écrit et réalisé par Quentin Tarantino". Une anecdote qui en dit pourtant long sur ce personnage au désir (parfois déraisonné) de reconnaissance en tant qu'Auteur complet (réalisateur de ses propres scénarios). Du parcours du cinéaste, Charyn a uniquement retenu que, gamin, QT bouffait du cinéma, qu'il a une culture a faire rougir les plus grands cinéphiles et que c'est cette fascination pour le septième art qui l'a poussé à faire des films. Une approche biographique simpliste donc ne gardant que les grandes lignes que tout le monde connaît et qui ne nécessitait pas forcément un chapitre entier pour le rappeler.

Même constat en ce qui concerne les analyses, qui s'apparentent plus à de simples descriptions de ce qui se déroule à l'écran accompagnées de commentaires louangeurs lorsque Charyn admire les films - Reservoir Dogs et Pulp Fiction - et dépréciateurs sur les autres - de Jackie Brown (qu'il juge trop lent, trop chiant) à Kill Bill 2 ("insupportable" à ses yeux). Qui plus est, Charyn ne fait pas état ni du Boulevard de la mort ni de Inglourious Basterds (trois lignes maximum pour ce dernier), et pour cause, le livre fut publié en 2006 de l'autre côté de l'Atlantique avant donc que le premier coup de manivelle du projet Grindhouse ait été donné. On regrettera à cet égard que la publication française soit si tardive...

Critique du livre Tarantino de Jerome Charyn publié aux éditions Denoël
Il devient évident de page en page que le romancier ne suit plus Tarantino dans son trip hommage au cinéma populaire d'antan (blaxploitation, wu xia pian, western...), regrettant devant les dialogues (qu'il considère) vains de Jackie Brown ceux de Reservoir Dogs ainsi que le "parcours acrobatique de Pulp Fiction" face à Kill Bill et sa "fusillade au Mexique prévisible à des kilomètres de distance". N'apportant aucune réelle analyse sur ce qui ne fonctionne pas dans ce dernier diptyque (et pourtant il y a objectivement matière à), Charyn finit par utiliser la première personne du singulier afin de marquer son agacement devant l'extravagance visuelle et narrative de cette histoire de vengeance. L'auteur n'a que peu d'argument et finit par s'appuyer sur le dossier de presse (bien entendu promotionnel, mais il semble le découvrir) pour marquer son opinion...

Le dernier chapitre s'essaye quant à lui à théoriser ce que représente Quentin Tarantino dans le media cinéma depuis Reservoir Dogs : un gamin qui avec ses jouets de formes humaines raconte comme personne des histoires aux autres gamins, des histoires palpitantes, bigger than life, aux influences postmodernistes sortant tout droit des comics. Ce que représente pleinement Kill Bill que pourtant Jerome Charyn avoue quelques pages plus tôt trouver sans intérêt, ne croyant pas aux personnages hauts en couleurs qui gesticulent devant ses yeux. Un chapitre en forme d'entourloupe qui contredit ce que l'auteur a jusqu'ici exposé. Le livre refermé, on se prend alors à s'interroger sur les intentions qui ont poussées Charyn à son écriture...

Critique du livre Tarantino de Jerome Charyn publié aux éditions Denoël
Plutôt que cet ouvrage déceptif, nous conseillons la lecture des Six Samouraïs de Sharon Waxman (Calmann-Lévy, 2007) ainsi que Sexe, mensonges et Hollywood de Peter Biskind (Le Cherche Midi, 2006) quand bien même ceux-ci ne sont pas exclusivement consacrés à Quentin Tarantino. On cause Soderbergh, Fincher, Jonze, Paul Thomas Anderson ainsi que de David O. Russel dans le premier, tandis que l'écurie Miramax est le sujet du second, mais ces deux livres - bien qu'admiratif de son oeuvre et de sa carrière - démystifient le génie cinéaste et lèvent le voile sur la facette peu glorieuse du personnage. Deux lectures nécessaires à la compréhension non seulement de l'homme derrière l'artiste mais également de l'évolution de son cinéma. Quant à ceux intéressés à l'aspect purement narratif et formel de ses films (les enjeux, la mise en place, la philosophie), ils devront encore attendre qu'un chercheur/théoricien de la trempe de David Bordwell s'y penche.

PS : A noter que la personne qui a rédigé la quatrième de couverture n'a visiblement pas lu le même livre que nous (ou n'a lu que le dernier chapitre) puisqu'elle écrit en conclusion : "on se laisse transporter par les talents de conteur de Jerome Charyn avant de refermer le livre, heureux et impatient de filer dans les salles obscures voir ou revoir un Tarantino"...


Tarantino de Jerome Charyn
Titre original : Raised by Wolves : The Turbulent Art and Times of Quentin Tarantino
Edité par Denoël
Date de parution : Août 2009
ISBN : 978-2-207-25709-8
Format : 14 x 20,5 cm
Nombre de pages : 192
Prix : 10,50 euros

Critique du livre Tarantino de Jerome Charyn publié aux éditions DenoëlCritique du livre Tarantino de Jerome Charyn publié aux éditions Denoël





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