La Cité Interdite : Portrait Jay Chou
Le 22/10/2007 à 07:46Par Elodie Leroy
Superstar sur le continent asiatique, Jay Chou (en chinois, Zhou Jielun) incarne le fils aîné de l'Impératrice (Gong Li) dans La Cité Interdite, grosse production tragico-épique de Zhang Yimou. Mais avant de devenir acteur en driftant dans Initial D et de signer son premier long métrage avec Secret, Jay Chou s'impose avant tout comme chanteur à succès et musicien hors pair sur la scène musicale asiatique. A 28 ans, il est déjà chanteur, compositeur, producteur, acteur, réalisateur et monteur. Retour sur l'ascension impressionnante d'un artiste aux multiples talents et au style révolutionnaire, à l'occasion du test DVD de La Cité Interdite que vous pourrez retrouver en suivant ce lien.
Les débuts : une vie vouée à la musique
Né en 1979 à Taipei d'une mère enseignante aux Beaux Arts et d'un père professeur de biologie, Jay Chou débute le piano dès l'âge de trois ans sous l'initiative de sa mère qui détecte déjà chez lui une forte sensibilité artistique. Au cours de sa scolarité, Jay ne brille pas dans les matières principales mais développe déjà un univers intérieur foisonnant. Devenu très introverti à l'âge de quatorze ans suite au divorce de ses parents, il se réfugie dans la musique et se lance dans la composition. C'est ainsi qu'à la fin de ses années lycée, une de ses camarades de classe qui s'est inscrite à un concours de chant lui demande de l'accompagner au piano. Il est immédiatement remarqué par Jacky Wu, producteur, agent artistique et animateur de show TV très influent à Taïwan qui l'introduit dans ses studios en 1998. Les débuts s'avèrent cependant quelque peu laborieux. Son physique n'étant pas considéré comme suffisamment glamour, le jeune artiste en herbe doit se contenter de composer les chansons de plusieurs stars de la pop, parmi lesquelles Vivian Hsu et Jody Chiang. Cette position a l'avantage de lui permettre de se former à d'autres disciplines comme la production et le mixage. Il faut attendre la fin de l'année 2000 pour que Jacky Wu ne se décide à investir sur lui. Sortant de l'ombre, Jay Chou signe un premier album, Jay, qui remporte l'adhésion immédiate du public comme de la critique.
Avec son second album Fantasy sorti en 2001, Jay remporte déjà de nombreux prix - cinq Golden Melody Awards, prix musicaux très prestigieux à Taïwan - et entame pour la première fois une tournée en Asie, le Fantasy Tour. Sur la scène, il innove en accompagnant lui-même ses chansons au piano ou au violoncelle. Mais c'est surtout avec Eight Dimensions, sorti en 2002, qu'il atteint le firmament puisque ce troisième album se vend à près de 3 millions d'exemplaires. Son statut de star asiatique la plus populaire du moment se confirme en 2003 avec son quatrième album Ye Hui Mei (il s'agit du nom de sa mère) qui se vend une fois encore par millions. Toujours accompagné de son parolier Vincent Fang et de son manager Yang Jun Rong, Chou poursuit son ascension avec Qi Li Xiang, dont le triomphe le mène jusqu'à Los Angeles où il donne en 2005 un concert pour la communauté chinoise dans le cadre de la tournée Incomparable To Jay.
Une approche novatrice de la musique
Sur tout le continent asiatique, on parle du "Chou Style" pour désigner le son reconnaissable entre tous de ce jeune artiste non-conformiste. Cette approche très personnelle de la musique fusionne les genres d'inspiration occidentale, tels que le R&B et le Rock, avec les emprunts à la musique classique mais aussi à la musique traditionnelle chinoise, à travers l'utilisation d'instruments tels que le dizi (flûte traversière chinoise), le erhu (violon chinois) ou encore la pipa (mandoline chinoise). Virtuose du piano, Jay Chou maîtrise aussi le violoncelle, la guitare, le dizi ou encore le tambour de Jazz. Les paroles de ses chansons sont majoritairement écrites par Vincent Fang et intègrent parfois des éléments de poésie exprimés en chinois ancien. En plus des incontournables titres à caractère romantique, il arrive que ses chansons explorent des thématiques touchant à la culture chinoise (arts martiaux, légendes folkloriques) mais aussi aux fléaux de la société actuelle (la drogue dans Coward, la violence domestique dans Dad, I'm Back). Lorsque les critiques lui reprochent l'absence d'évolution de son style, Jay Chou fait valoir son besoin de conserver à tout prix son authenticité artistique.
A partir de 2005, le rythme d'un album par an auquel Chou avait habitué son public semble ralentir. Intitulé November's Chopin - en hommage à son compositeur fétiche -, son sixième album n'arrive dans les bacs qu'en 2006. L'explication est simple : Jay Chou se lance parallèlement dans le cinéma. On relevait déjà dans certains de ses clips un goût prononcé pour des univers visuels très cinématographiques et culturellement variés. Au point que certaines vidéos s'apparentent à des petits films à part entière. Pour exemple, on citera Double Blade, titre aux relents à la fois rock et R&B dont le clip nous plonge en Amérique du Sud, pour une scène de combat musclée entre lui-même (au bâton puis à l'épée double) et une sympathique galerie de mafieux. Citons aussi le clip de Attack From All Four Sides qui plante son décor à Venise pour une petite intrigue d'espionnage en compagnie de la comédienne Zhou Xun.
De la scène au grand écran
Comme toutes les stars asiatiques de la musique, Jay Chou ne tarde pas à être courtisé par les producteurs. Sa première apparition sur le grand écran se résume cependant à une caméo, dans le Hidden Track de Oi Wah Lam (scénariste de Perhaps Love) avec Eason Chan, Daniel Wu et Shawn Yue, un film pour lequel il compose deux chansons. Il faut attendre 2005 pour que son nom apparaisse enfin en tête d'affiche. Réalisé par Andrew Lau et Alan Mak, l'objet n'est autre que Initial D, adaptation du manga éponyme de Shuichi Shigeno, qui a déjà donné lieu à la série TV fleuve que l'on connaît. Côtoyant l'incontournable Anthony Wong - c'est à cette époque qu'une complicité s'établit entre eux - et quelques uns des plus fidèles représentants de la nouvelle génération (Edison Chen, Shawn Yue), Jay Chou incarne Takumi Fujiwara, un lycéen taciturne qui se découvre un peu par hasard une passion et un talent particulier pour le drift. Si le film est loin d'être une totale réussite, pêchant par une mise en scène par trop clipesque dans les scènes d'action, il faut admettre que le rôle de Takumi lui va comme un gant. Chaleureusement accueilli par le public (HK$ 15 millions de recettes rien que le premier week-end), Initial D marque un nouveau tournant dans sa carrière. Sa prestation mais aussi l'excellent titre Piao Yi lui valent plusieurs citations aux Golden Horse Awards et aux Hong Kong Awards.
Il n'en fallait pas plus à Zhang Yimou pour le repérer et lui proposer l'un des rôles principaux de La Cité Interdite, tragédie épique dans laquelle Chou partage la vedette avec Gong Li et Chow Yun-Fat. Méconnaissable dans sa somptueuse armure, il se révèle très convaincant dans les scènes de drame, qu'il interprète avec une sobriété et une dignité remarquable, et se donne à fond dans les chorégraphies de Ching Siu-Tung, concrétisant ainsi son souhait manifeste d'apparaître dans des séquences martiales.
Jay Chou réalisateur
Réputé pour son caractère entreprenant, Jay Chou ne pouvait se contenter de se laisser diriger par d'autres, même s'il ne cache pas son enthousiasme de tourner avec un maître tel que Zhang Yimou. Dès l'année 2004, il s'essayait déjà à la réalisation à travers le clip du titre Home, du groupe Nan Quan Mama qu'il a lui-même lancé et dont il produit les albums. Mais devant l'ampleur de l'investissement qu'implique le métier de réalisateur, sa maison de disque le décourage de persister dans cette voie. Ce n'est que parti remise : en 2005, il signe quatre des onze clips accompagnant l'album November's Chopin. L'année d'après, il est crédité à la réalisation de tous les clips de son nouvel album, Still Fantasy. Mieux, il est présent presque à chaque étape de la production puisqu'il réalise aussi le storyboard et le montage. L'une de ses plus belles réussites n'est autre que le clip du Maître d'Armes, film de Ronny Yu avec Jet Li dans le rôle de Maître Huo Yuan Jia. Pour l'anecdote, Jay Chou est un fan inconditionnel de Jet Li depuis son enfance et a lui-même démarché la star et la production du film pour assurer la chanson du générique. Visuellement très riche, le clip alterne les extraits de séquences de combat du film avec des images de Jay Chou et ses danseurs effectuant des chorégraphies à la sauce hip-hop. Intitulée Huo Yuan Jia, la chanson mêle habilement le rap avec des instruments traditionnels chinois (erhu, dizi...), une fusion très caractéristique du style du chanteur qui s'exprime aussi à travers le superbe design des costumes des danseurs.
En 2007, Jay Chou signe son premier long métrage, Secret, une coproduction Taïwan/Hong Kong. Sorti dans les salles obscures hongkongaises le 2 août dernier, Secret remporte un joli petit succès avec plus de HK$ 13 millions de recettes, soit presque US$ 2 millions. Plus malin qu'il n'y paraît, le scénario s'inspire tout d'abord des premières amours de Jay Chou avant de basculer au moyen d'un twist surprenant dans une intrigue fantastique fort bien menée. Chou met à profit son univers personnel en accordant une grande place à la musique classique à travers de multiples scènes au piano. De Chopin à Rachmaninov en passant par Saint-Saëns, les morceaux donnent lieu à de très belles séquences musicales qui ne sont en rien démonstratives puisqu'elles servent habilement l'histoire. Sublimé par la direction de la photographie de Mark Lee Bing Ban (After This, Our Exile), Secret exploite joliment le décor de la mystérieuse salle de piano ornée d'un portrait de Chopin (évidemment!), notamment à travers une scène à effets spéciaux très poétique. En plus d'être le réalisateur, le compositeur de la bande originale et l'un des scénaristes de l'œuvre, Jay Chou apparaît devant la caméra dans le rôle principal, aux côtés de la comédienne Kwai Lun Mei et de l'acteur Anthony Wong, interprète de son père comme dans Initial D.
Après avoir conquis l'industrie de la musique, Jay Chou est en bonne voie de conquérir aussi le septième art. Jusqu'où ira-t-il ? Il est évident que seul l'avenir le dira. Mais on peut d'ores et déjà parier qu'il deviendra une figure importante du cinéma asiatique de demain. En attendant, La Cité Interdite dont le DVD arrive dans les bacs le 24 octobre permet de découvrir tout son potentiel d'acteur dans un rôle tragique qu'il incarne avec beaucoup de profondeur.