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Interview de Samuel Benchetrit

Le 02/10/2008 à 17:11
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Interview de Samuel Benchetrit Artiste touche-à-tout refusant catégoriquement de se laisser enfermer dans de petites cases, Samuel Benchetrit nous avait offert en début d'année avec son second film J'ai toujours rêvé d'être un gangster une comédie singulière filmée en noir et blanc et au format carré, très loin des gaudrioles que peut nous offrir la production française. A l'occasion de la sortie DVD de son film chez Wild Side Video, nous avons pu nous entretenir avec le cinéaste qui se livre sans langue de bois sur ses envies de cinéaste et sur ce qu'il pense du cinéma français, des Tontons Flingueurs, de TF1, Drew Barrymore et Jean-Luc Godard.

Interview de Samuel Benchetrit
La première question inévitable est : comment passe-t-on d'un film en scope et en couleurs à un film en noir et blanc au format carré ?

C'était une envie, un rêve de cinéma. Les deux d'ailleurs, parce que le scope c'est quelque chose de très cinématographique. Mais aussi le cinéma a été inventé en noir et blanc et en 1.37. Filmer en noir et blanc est très compliqué, enfin surtout de tourner en pellicule noir et blanc. Déjà on abandonne toute idée de financement et puis la pellicule n'est plus fabriquée. Donc on a dû se fournir au Nouveau Mexique. Ca c'est d'un point de vue logistique. Mais c'est surtout le découragement qui est surprenant aussi bien des financiers parce qu'ils redoutent beaucoup le public qui en fait n'est pourtant pas contre le noir et blanc. Mais au-delà du noir et blanc c'est surtout le cadre qui force parce que le 1.37 est un cadre qui donne beaucoup de hauteur. Si on fait un plan d'un personnage, c'est une autre façon de cadrer, ça force le cadre, ce que je trouve intéressant. Comme un film d'époque. Souvent les films d'époque sont plutôt assez bien cadrés. Et parce qu'il y a énormément de handicaps (il y a des antennes, des toits etc...), il faut s'appliquer. Du point de vue formel, le noir et blanc et le 1.37 collaient bien à ce film à sketch. J'ai voulu aussi trouver un procédé qui lie vraiment tous les épisodes, qu'il n'y ait aucun doute entre le premier et le dernier, que l'image soit forte. Le noir et blanc est très esthétique, c'est en ça qu'il est plus intéressant.

Et donc les chaînes de télévision ne vous ont pas suivis...
Non, je n'ai pas eu de chaînes de télé. Mais ça c'est pas trop mal passé. Ils (NDLR : Wild Bunch, les producteurs du film) voulaient faire 60 000 entrées. Ils auraient été contents avec ça. Et là je crois que le film est à 260 000-270 000 entrées. C'est pas non plus des millions mais pour ce type de film c'est super bien !

Est-ce que vous voulez continuer à faire des films de cette façon ?
Je ne sais pas trop. Moi je veux faire des films. Mais après je n'ai pas de plans prédéfinis. J'aime tellement de cinémas différents. Celui-là c'est un film instinctif, je l'ai fait très vite en me disant : "voilà c'est un film sur les gangsters, sur les gens, sur le cinéma". Là je voulais faire un autre film que je n'arrive pas à monter par exemple. Pourtant c'est une comédie avec José Garcia, tout ce qu'il y a de... (il hésite) Mais bon, le scénario est un peu particulier. Je n'y arrive pas. On change beaucoup quand on travaille. Un artiste traverse beaucoup de changements dans sa vie. Il emprunte des chemins différents, des tunnels. Et là moi je sens que j'en ai peut-être emprunté un nouveau avec ce film. Je n'ai pas encore écris depuis, ce scénario étant un scénario que j'avais écris il y a quelques temps. J'ai surtout hâte de voir ce qui va arriver maintenant en fait.

Vous n'avez pas d'autres contraintes en tête que vous voudriez vous fixer pour votre prochain film ?
Ce n'étaient pas des contraintes pour moi, c'étaient des choses merveilleuses. (il hésite) Enfin si, par exemple le projet que je suis en en train de développer est un film muet, sans dialogues ! Enfin il doit peut-être y en avoir trois ... Il y avait un film muet de Mel Brooks, je sais plus le nom...

La Dernière Folie de Mel Brooks (Silent Movie, 1976)
C'est ça ! Où le seul dialogue c'était le Mime Marceau qui disait : "silence". Je trouve ça merveilleux comme idée ! C'est très difficile parce que je suis pile dans la case de ce qui ne se monte plus là. Je ne suis pas assez intello pour demander de l'argent à Arte et pas assez grosse comédie pour demander de l'argent à TF1 ou aux autres chaînes. Donc il va falloir que je me réorganise.

Malgré José Garcia ?!
Oui ! Et pourtant ce ne sont pas des films chers. Janis et John aujourd'hui je ne pourrais plus le faire. ça a changé très vite.

Passons à autre chose : j'aimerai avoir vos réactions à partir de quelques photos.
Ok !

Interview de Interview de Samuel BenchetritLes Tontons Flingueurs de Georges Lautner

Les Tontons Flingueurs... Ce n'est pas un film que j'aime beaucoup. Et pourtant sur le DVD ils ont marqué : "un film drôle comme Les Tontons Flingueurs". Je comprends qu'on aime mais je trouve ce film très "mâle", très masculin, et ça ne me fascine pas. Ca me fout un peu le blues cette époque. Je ne suis pas un dingue de Jean Gabin, ou de Lino Ventura : ce sont de bons acteurs, mais je préfère ceux avec beaucoup plus de féminité. Par exemple Depardieu a une carrure de montagne mais possède une féminité extraordinaire. Il y a aussi une anecdote qui est marrante sur ce film : ils l'ont colorisé pour le passer à la télé, et lorsqu'ils l'ont diffusé ça a bien moins marché. Donc il l'ont remis en noir et blanc. Et ça marche à nouveau très fort ! Comme quoi, le noir et blanc...

Vous dîtes que vous vouliez plus vous approcher de Blier que de Audiard.
Je pense que Blier est quelque part un héritier de Audiard mais il y a apporté toute son ambiguïté et sa féminité. Ca me fait marrer quand je le vois mais ce n'est pas ma référence absolue. Il se trouve que dans mon film il y a cinq vieux mais je trouve qu'ils sont pas vraiment tonton flingueurs mais hyper paumés. Ce sont cinq solitudes terribles.

Interview de Interview de Samuel BenchetritL'Homme sans passé de Aki Kaurismäki

C'est un film que j'adore ! On dit que le rythme propre de Kaurismäki est nordique. Je ne sais pas si ça l'est, je ne connais pas la Finlande, mais lui il a un rythme qui est extraordinaire. Il en a rien à foutre. Il avait reçu un prix à Cannes pour L'Homme sans passé (NDLR : le Grand Prix du Jury) et il était monté sur scène pour dire : "Merci... merci moi !" Et puis il est reparti. Il y a deux trois ans il a présenté son dernier film à Cannes (NDLR : Les Lumières du faubourg), sous la présidence de Wong Kar-Wai. Un journaliste lui demande : "Vous êtes triste que Wong Kar-wai n'ai pas primé votre film ?" Il répond : "Non, un Chinois ne peut pas comprendre un Finlandais. D'ailleurs moi je comprends rien aux films de Wong Kar-wai. Et je ne lui descernerais pas de prix quand je serais à Cannes !". Le journaliste : "Comment avez-vous eu l'idée du film ?" Kaurismäki :"au foot !" (rires) Je trouve que c'est génial ! (rires) Je trouve qu'il a quelque chose de très poétique dans sa réaction, qui renvoie évidemment à ses films. Kaurismäki aime les gens qui ratent : c'est tellement plus intéressant que les gens qui réussissent. C'est mieux de réussir dans la vie, mais au cinéma les gens qui ratent sont plus intéressants. Et c'est un sujet magnifique un mec qui n'a plus de mémoire. C'est comme de capturer une jeune suicidaire. Ce sont des sujets en or. Après on en fait ce qu'on veut. Mais ça permet de vraiment travailler sur l'humanité.

Interview de Interview de Samuel Benchetrit
J'ai plutôt bien aimé Bienvenue chez les ch'tis. Enfin, plus précisément je détestais ce que la comédie devenait : Camping, Les Bronzés 3... Je trouvais ça dur. Bienvenue chez les ch'tis à l'inverse est dans la tradition d'un cinéma qui ne se moque pas des gens. Dany Boon ne se moque pas des gens. Ils sont bien habillés par exemple pas comme l'autre là qui joue dans Camping...

Frank Dubosc ?
Dubosc oui. Il est ridicule avec son string. Et il est censé être habillé comme quinze millions de personnes ! Il pense qu'il y a quinze millions de gens ridicules ?! Les Bronzés 3 se foutait aussi vraiment de notre gueule. A l'inverse, j'ai trouvé que dans Bienvenue chez les ch'tis, Dany Boon aimait plutôt les gens. En tout cas le film ne pas énervé, je l'ai trouvé sympa. Il m'a même plutôt fait marrer. D'ailleurs c'est mon chef op' Pierre Aïm qui l'a éclairé, et pour le coup, le film n'est pas trop mal éclairé pour une comédie.

Interview de Interview de Samuel Benchetrit
Chez TF1, on ne m'aime pas. Ils avaient refusé que je fasse de la promo pour J'ai toujours rêvé d'être un gangster parce que j'avais dit du mal d'eux. (il marque une pause) Je vais pas me faire des copains mais je trouve que TF1 aujourd'hui c'est une vitrine assez triste du monde et de la France. Tout est en couleur, tout est accéléré. Ca parle de séduction de façon catastrophique, des femmes de façon catastrophique, des gens qui n'ont que des problèmes d'argent alors que la plupart des gens qui regardent la télévision n'ont pas beaucoup d'argent. Ils jouent sur la fatigue de ceux qui rentrent du travail. Ils sont sûrs d'avoir raison parce qu'ils font la plus grande part de marché alors que c'est surtout parce qu'ils sont la première chaîne. Même le générique du journal de 20h me fait peur. J'ai l'impression qu'ils me méprisent. C'est comme la Foire du Trône : c'est cher et on gagne une peluche de merde. Et même si on gagne, ce sera toujours une sous-marque, un truc bidon. Et puis ils diffusent le film coupé en quatre par des pubs et avec un générique de fin à 200km/h. Pourquoi mettre le générique alors, c'est hypocrite ! Enlevez-le carrément ! Pourquoi ils le passent ? Parce que c'est contractuel. C'est honteux je trouve.

La suppression de la publicité sur France Télévision ne changera rien à votre avis ?
Le fait d'enlever des pubs c'est une stratégie. On va se retrouver comme en Italie lorsque Berlusconi a débarqué et que le cinéma est mort. France Télévision devait d'ailleurs produire mon prochain film mais ils se sont rétractés parce qu'il ne peuvent pas mettre d'argent dedans.

Interview de Interview de Samuel BenchetritLe premier sketch du film s'intitule "Drew Barrymore ressemble à un hamburger"

J'aime bien Drew Barrymore mais il faut avouer qu'elle fait penser à un hamburger. Les Américains font penser à des hamburger. On est ce qu'on mange non ? (rires) En plus elle a une vie plutôt marrante. Mes personnages en parlent mais j'aurais très bien pu mettre Kim Bassinger à sa place. En fait c'est plus la phrase qui me faisait rire. Son côté lyrique. J'ai lu une interview dans Libé de Britney Spears, qui me fait plutôt rire depuis qu'elle a le crâne rasé et est complètement défoncée. Le journaliste lui demandait : "pouvez-vous citer un artiste français ?" Zéro. Pas un seul artiste français ! Un sondage avait aussi été fait auprès des Américains dans lequel on leur demandait de situer la Belgique sur une carte. Je veux pas dire de connerie, mais je crois que plus de la moitié des sondés ne savait pas où c'était, ni même ce que c'était ! Non, je n'ai rien contre Drew Barrymore, c'est juste une façon de dire qu'on nous en parle trop. On nous parle trop des trucs américains. Carla Bruni aussi on nous en parle trop.

On aura donc droit à "Carla Bruni ressemble à une asperge" dans votre prochain film ?
On nous en parle trop par rapport à ce qu'elle représente. Le pire, c'est qu'on ne peut pas l'éviter !

Interview de Interview de Samuel Benchetrit
La bande annonce de J'ai toujours rêvé d'être un gangster est un hommage à celles de Jean-Luc Godard...
Oui, c'est vrai. Godard faisait des bandes annonces dans le même genre dans lesquels en général il parlait de lui. Je savais qu'on allait être très peu exposé, donc il fallait que nous ayons une bande annonce qui soit visible et déconnectée du film. J'aime beaucoup le personnage Godard, plus que ses films, même s'il a fait des chef d'oeuvres absolus. Il a un esprit ailleurs... et une formidable façon de parler !

C'est amusant ce que vous dîtes. D'habitude on entend plutôt l'inverse : "j'aime beaucoup ses films mais pas le personnage".
J'aime moins ce qu'il fait maintenant, je trouve ses films un peu chiant. Mais j'adore ce qu'il représente. Une petite anecdote : il n'y a pas un an je marchais dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés et je l'ai croisé assis devant l'église sur un de ces bancs doubles. Alors je me suis assis à côté de lui sur le banc et je suis resté 15-20 minutes, juste pour être à côté de lui, être à côté de Godard vingt minutes. Il fumait une clope, regardait les gens passer et se marrait. J'aurais pu lui parler mais je ne l'ai pas fait. (il marque une pause) Plein de gens m'ont dit qu'il était désagréable. Mais il est peut-être simplement exigeant...


C'est un film remarquable, comme son précédent Ultranova ! Bouli c'est quelqu'un de très grande qualité, un acteur magnifique. Bouli dès qu'il est là, il se passe quelque chose. On nous a beaucoup dit que l'esprit de nos films était proche. Je pense surtout que c'est moi qui suis plus aller piquer l'esprit belge. Parce que lui, il l'est. Comme moi, il a beaucoup de mal à faire ses films. Il a prit de la maturité aussi : à un moment il pouvait se perdre, maintenant il refuse. Il est très exigeant avec lui-même. Il a vraiment envie de devenir un vrai réalisateur de films et pas un simple acteur qui fait Astérix pour gagner un peu d'argent. J'ai hâte de voir ce qu'il a fait avec de Kervern et Delépine, je pense que ça aussi ça va être pas mal du tout. Déjà le titre : Louise Michel ! Alors que le film ne parle pas du tout de Louise Michel !

Interview de Interview de Samuel Benchetrit
Quel regard portez-vous sur l'éclosion d'un cinéma de genre à France ?

Personnellment, j'aimerai beaucoup faire un film d'horreur. Le soucis à mon sens est que le cinéma de genre ne fait pas parti de la culture française. J'ai vu La Colline à des yeux du fils d'Alexandre Arcadi (NDLR : Alexandre Aja) que j'ai trouvé vachement bien. Alors que l'original de Wes Craven, fallait aussi oser. (rires) On m'a dit en revanche que le nouveau était moins bien... Il n'y a pas longtemps, on m'a proposé un sujet de film de genre, une série Z que j'ai vraiment envie de faire : un jour tous les Jean-Pierre de France se révoltent et se mettent à tuer les autres. Et les seules personnes qui pourront se révolter sont les Amaury. Jean-Pierre, c'est le prénom le plus répandu de France, alors que des Amaury il ne doit y en avoir que trois en France. (rires) Donc c'est une petite bande de Amaury contre huit millions de Jean-Pierre ! Un sujet vraiment con mais en même temps tellement drôle. Il y avait aussi une histoire avec des dinosaures dans une cave... Mais bon après on ne peux pas faire un film avec des Jean-Pierre avec un budet de trente millions de dollars. Enfin, ça m'inspire autant que l'adaptation d'un bouquin de Cormac McCarthy (NDLR: l'auteur du roman à l'origine du No Country for old men des frères Coen) qu'on m'a proposé il n'y a pas longtemps. Les deux m'amusent !

Propos recueillis par Yann Rutledge
Remerciements à Benjamin Gaessler






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