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Surveillance : interview Jennifer Lynch

Le 24/07/2008 à 06:45
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Surveillance : interview Jennifer Lynch

La fille de David Lynch n'est peut-être pas aussi connue que son père, mais Jennifer Chambers Lynch (son nom complet) s'est déjà fait remarquer il y a quinze ans avec Boxing Helena, film certes peu glorieux. Elle est de retour cette année avec Surveillance, son second film, d'un tout autre acabit puisque cette histoire policière mélange les genres, brouille les pistes et nous propose une galerie de personnages psychopathes à la fois dangereux et amusants. Jennifer Lynch quant à elle est une personne pleine de vie, exubérante, ravie d'être à Paris pour présenter son film aux journalistes, mais un peu fatiguée par la nuit passée à terminer son nouveau scénario....

 

Votre précédent film date d'il y a 15 ans ! Que vous est-il arrivé entre temps ?

Je vais vous montrer (elle sort son téléphone et nous montre son fond d'écran représentant une photo de sa fille). Voilà ce qui m'est arrivé ! J'ai eu une fille, ma relation avec son père ne pouvait pas marcher et j'ai donc dû l'éduquer toute seule. Je ne voulais pas être une de ces mères qui confient 24h/24 leur enfant à une nounou. Rajoutons à ça que j'ai eu trois opérations de la colonne vertébrale, avec des greffes de broches de titanium et donc une très longue rééducation, et vous obtenez 15 années difficiles à surtout m'occuper de ma vie personnelle !

 

Vous avez donc cessé toute activité dans le cinéma ?

Non, j'ai quand même produit. Mais il a fallu que mon dos aille mieux et que ma fille soit assez âgée pour que je retourne vraiment derrière une caméra...

 

Surveillance : interview Jennifer Lynch

 

Comment vous est venu l'idée de Surveillance ?

Je suis très fascinée par le cycle de la violence, par cette vérité que toute personne violente a été violenté dans son passé. Personne n'est vraiment dangereux à moins d'avoir peur et la plupart des criminels ont été auparavant des victimes. Le seul personnage qui ne ment pas dans mon film, c'est l'enfant. Mais comment va-t-elle réagir après ces évènements ? Va-t-elle évoluer vers le bien ou le mal avec la vision qu'elle a eu de l'âme humaine ? Même les pires criminels ont été des enfants un jour. Et cet enfant vie toujours quelque part en eux. Voilà ce que je voulais explorer.

 

La narration du film se construit à partir des points de vue des personnages...

J'adore ça ! J'ai toujours aimé explorer une histoire à travers différents points de vue. Par exemple, si vous êtes à un dîner avec dix amis, ces dix personnes auront vécu le même évènement et pourtant, si vous leur demandez de raconter leur soirée, vous obtiendrez dix versions différentes ! J'aime beaucoup cette façon d'aborder une histoire : c'est très cinématographique, ça renvoie directement à notre métier de réalisateur qui consiste en raconter des évènements à notre manière. J'adorerais par exemple produire cinq ou dix films basés mot pour mot sur le même scénario mais racontés par dix réalisateurs différents. On verrait là toute la différence de points de vue qui les séparent.

 

Surveillance : interview Jennifer Lynch

 

Vous songez vraiment à concrétiser ce projet ?

C'est un projet. Mais je n'ai ni l'histoire, ni l'argent, ni les réalisateurs pour le moment. Je m'y attellerais certainement un jour... En tant que spectateur, ce serait un superbe exercice d'apprentissage sur le cinéma. Sans compter que beaucoup ne réalisent pas qu'il y a un réalisateur qui décide de tout, des personnages, de ce qu'ils portent, de ce qu'ils font, de comment ils disent leurs textes, etc. C'est un puzzle passionnant et ce même si vous n'aimez pas le film en question !

 

L'humour dans votre film est en totale opposition à votre mise en scène très sérieuse. Un personnage explose dans une gerbe de sang qui asperge un autre et ça paraît parfaitement naturel.

(rires) Je ne voulais pas filmer les blagues comme des blagues. Lorsque quelqu'un marche dans la rue et se casse la figure, c'est super drôle et pourtant  vous ne voulez pas qu'il vous voit rire. Mais attention ! Ce ne serait pas drôle si on savait qu'il allait tomber ! Le mécanisme du rire implique que vous soyez pris par surprise et que vous vous sentiez coupable de rire. Donc je ne voulais pas qu'on s'attende aux gags du film. Je voulais que les spectateurs s'exclament "Oh merde... oh putain c'est un truc de malade !" (en anglais : "Oh shitt... oh duuude.. oh that's fucked up !" (rires)). Je voulais provoquer un rire nerveux chez le spectateur.

 

Surveillance : interview Jennifer Lynch

 

Vous n'insistez pas non plus sur le passé des personnages. Vous restez très sobre et sous-entendez juste le nécessaire.

S'il y a une règle que j'ai appris dans mon métier c'est bien "Montre. N'explique pas". Il n'y a rien de pire qu'un réalisateur qui vous explique avec des mots inutiles ce qu'il aurait juste pu vous montrer. Il y a toujours un moyen de faire comprendre ce qui se passe ou ce qu'on veut dire, sans assommer le spectateur ! Par exemple pour expliquer le passé d'un personnage, un flashback suffit. On n'a pas besoin  n'a pas à raconter une seconde fois ce qui lui est arrivé. Beaucoup de scénarios expliquent et ré-expliquent pour être sûr que tout le monde ait compris. En tant que spectatrice, j'ai l'impression d'être prise pour une idiote ! Je déteste ça ! Les spectateurs sont IN-TE-LLI-GENTS ! Quand est-ce que les studios comprendront ça ?

 

Et comment gérez vous ça avec les acteurs ? Chaque personnage est très spécifique ... notamment celui de Bill Pullman, qu'on n'a jamais vu comme ça !

Ils comprennent. J'ai donné comme directive aux acteurs de célébrer leurs personnages.

 

"Célébrer" ?

Oui. C'est comme Halloween ! Beaucoup d'acteurs sont plus confortables à l'idée de se mettre totalement dans la peau de quelqu'un d'autre. C'est la marque des grands acteurs. Je leur demandais à tous sur le plateau d'y aller à fond : qu'ils jouent des sales flics complètement détraqués, des psychopathes, des drogués, etc. Je veux qu'ils se libèrent complètement pour atteindre le point où ils sentent devenir leurs personnages.


Surveillance : interview Jennifer Lynch

 

Quel est votre prochain projet ?

Ca s'appelle "Nagin : The Snake Woman". C'est une comédie musicale Bollywoodienne, avec des créatures, de l'action et une histoire d'amour.

 

Ca fait beaucoup ! Vous en êtes où sur ce projet ?

J'ai fini d'écrire le script cette nuit, je n'ai pas dormi. Et je commence à tourner le 1er Août... On m'a proposé le projet il y a quelques semaines : ça m'a intrigué donc j'ai demandé à voir le scénario. On m'a répondu "Il n'y en a pas, c'est à vous de l'écrire" ! J'ai donc écrit le film tous les soirs pendant la promotion de Surveillance. Il y a 1500 figurants, des effets spéciaux, des animaux... C'est une expérience inédite pour moi ! J'aime bien les défis, donc j'ai accepté.

 

Vous tournez en anglais ?

Non, en hindou...

 

Ca ne vous fait pas peur un tel projet ???

Si... Mais ma vraie peur c'est de me retrouver sans travail !

 

Vous avez déjà un distributeur américain ?

Non. Juste un indien et un en Afrique.

 

... Bonne chance !

(rires) Merci !

 

 







Surveillance

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