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Océans : Interview de l'équipe du film

Le 09/07/2010 à 17:11
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Océans : Interview de l'équipe du film

A l'occasion de la sortie de Océans en DVD et Blu-Ray cette semaine, nous avons rencontré le réalisateur Jacques Perrin qui a tenu à nous parler accompagné de deux de ses plus précieux collaborateurs sur le film. Tout d'abord, Stéphane Durand, ornithologue, et qui a déjà travaillé avec Perrin sur Le Peuple Migrateur, mais aussi François Sarano, océanographe, plongeur professionnel, ancien directeur de recherche du Programme Deep Ocean Odyssey.

 

Océans : Interview de l'équipe du film


Depuis quelques années il y a une résurgence des documentaires sur la nature au cinéma... que vous avez lancé vous avec Microcosmos en 1995 !
Jacques Perrin : C'est vrai, mais mon chemin date de bien avant cette mode, d'il y a une vingtaine d'années environ avec quelqu'un qui a laissé des traces, Gérard Vienne, réalisateur entre autres du Peuple Singe. J'avais été non seulement impressionné par ce type de film, mais aussi par la démarche. C'est cette démarche là qu'ont suivi Claude Nuridsany et Marie Pérennou avec Microcosmos. Avec Jacques Cluzaud, nous n'avons fait que suivre, avec Le Peuple Migrateur et Océans. C'est pour nous un moyen d'expression que l'on essaye d'approfondir, quelque soit le sujet. Très franchement, indépendamment de l'actualité du film documentaire, nous suivons notre propre chemin sans vraiment prendre égard à ce qui se passe à côté. Dans notre démarche, nous essayons de fabriquer des outils pour filmer ce qui se passe autour de nous : ce n'est pas en prenant exemple sur les autres que nous y parviendrons. Filmer des oiseaux en vol par dessus des reliefs, ça n'existait pas, tout comme filmer des espèces qui pourfendent la surface de la mer. Nous suivons tous des chemins complètement différents. Je pense que les autres films mettent aussi sept ans à se faire, chacun, ce qui représente une sacrée tranche de vie. On ne peut pas y aller "comme ça", en suivant un effet de mode. Ca demande une trop grande implication. D'ailleurs même si j'ai 100 ans quand on fini le prochain, je viendrais volontiers vous en parler ! Si vous êtes là... (rires)

 

Océans : Interview de l'équipe du filmOcéans : Interview de l'équipe du film

Océans a coûté pratiquement 60 millions d'euros ! Vous aviez conscience de ce coût ?
Jacques Perrin : Je l'ai vraiment réalisé quand nous avons fini le film. Si j'avais compris combien il coûterait avant de le faire, je ne l'aurais pas fait. Le coût, l'investissement, le risque,  sont compensés par le fait que nous soyons les seuls à relever ces défis. Nous cherchons de percevoir différemment des animaux qui ne sont pas ceux que nous avons l'habitude de voir tous les jours. Nous avons crée sept appareils pour les suivre, des plateformes avec giroscope pour filmer à la surface, des torpilles équipées de caméra pour aller à la vitesse des animaux, des petits hélicoptères. On ne travaille pas dans la technique pour travailler dans la technique, on cherche juste à être les plus proches possibles des animaux. Nous ne brevetons même pas nos inventions, je n'ai pas l'âme d'un commercial, j'espère juste qu'elles donneront envie à d'autres de continuer à expérimenter et approfondir ces machines.

Stéphane Durand : Je dirais que l'ampleur du chemin parcouru n'est mesurable qu'une fois terminé. On se retourne et tout à coup on réalise tout ce qui s'est passé. Au début, il n'y avait que le rêve de Jacques et un petit noyau de personnes motivées à l'idée de le partager avec lui. Et puis tout s'est fait petit à petit. On écrit, on tourne quelques images, on invente une première machine qui marche plus ou moins, on invente une seconde machine, ça prend des semaines, des mois, des années, ... Et au bout du compte le film existe mais on réalise qu'on est partis de rien, que ça a duré huit ans, qu'on a tourné tant d'images, et quel quel coût final cela a. Si on avait eu conscience une seconde de tout ça en 2002 quand nous avons commencé, je ne suis pas sûr que nous nous serions lancé dans l'aventure.

François Sarano : Moi qui ait beaucoup travaillé dans le domaine du documentaire, je n'ai jamais imaginé une seconde qu'assis pour la première fois dans la salle, je sois à ce point bouleversé par ce que je voyais. C'est un film qui approche les animaux d'une manière nouvelle, qui n'est ni analytique, descriptive, mais de près, de façon émotionnelle. Pour nous plongeurs, qui avons passé des milliers d'heures sous l'eau, pour la première fois nous avons ressenti la même chose que sous l'eau, ce que les créatures marines nous offrent comme émotions. J'en avais la gorge nouée. Quand on commence un projet comme ça, on ne peut pas imaginer ce que ça va nécessiter et on ne peut pas imaginer à quel point on arrivera à un tel résultat.

 

Océans : Interview de l'équipe du film


Des enfants m'ont demandé comment les animaux pouvaient se laisser filmer d'aussi près. C'est vrai que c'est une excellente question...
Jacques Perrin : La technique que nous avons mis au point à l'avantage de ne pas effrayer les animaux. C'est principalement dû aux sept opérateurs et caméramans qui ont des années si ce n'est des petites décennies d'expérience dans l'approche et le contact avec ces animaux. Evidemment, ils ne les approchaient pas en plongeant, sinon tout le monde fout le camp ! La technique pour approcher ces animaux provient simplement de l'attachement qu'ont ces opérateurs avec ces espèces. J'aime bien ce qu'a dit François juste avant : chaque plongeur que nous avons rencontré lors des projections du film, nous a dit avoir retrouvé sa mer à lui dans le film. Il a retrouvé ses émotions, ses sensations. On a réussit à la garder sur l'écran, ce qui était notre défi.
Donc effectivement les animaux n'ont pas eu peur parce que les opérateurs aiment ce milieu et le connaissent par coeur... et aussi parce que nous avions du temps ! Notre torpille "Jonas" par exemple a nécessité quatre années de fabrication, de rodâge... et de chance ! Quand elle s'est mise à marcher correctement, tous les plans que nous faisions étaient bleus : les poissons allaient dans un sens, la torpille dans un autre... Et à force d'artifices, d'odorants, de couleurs, et d'idées comme celle que les poissons seront attirés par l'appareil tractant la torpille, on a réussi à les suivre. Enfin.
En fait nous n'avions pas la réponse à la question de ces enfants ni la première ni la seconde année. Mais à partir de la troisième nous l'avions...

Stéphane Durand : La grande chance que nous a offret la mer, est que c'est le dernier territoire sauvage, comme le dit souvent François. Les animaux n'ont pas peur de l'homme là bas ! Vous pouvez nager avec des baleines, sans problème, ou avec des grands requins. Sur terre, vous ne pouvez pas faire de balades à côté d'un éléphant ou d'un lion. Si vous êtes en bateau au milieu d'un banc de 25.000 dauphins fonçant sur un banc de sardines, ils vous ignorent complètement !

François Sarano : L'impression qu'ont eu les spectateurs et les enfants est d'autant plus forte que nous avons tournés avec des objectifs grands angulaires, qui nécessitent d'être véritablement en contact. Il faut passer la barrière d'1m-1m50, la distance de respect, qui est naturellement imposée entre l'animal et le plongeur. Nos outils ont aussi servi à ça. Et l'outil principal, c'était le temps ! La nature ne se livre pas comme ça. Heureusement d'ailleurs ! Pour atteindre la Baleine Bleue que vous voyez dans le film, l'opérateur a patienté 28 semaines sur trois années consécutives. Il en faut des mises à l'eau, des centaines, tout ça pour avoir juste ce "moment" devant la caméra.

 

Océans : Interview de l'équipe du film
Quelle est la part d'improvisation par rapport à ce que vous aviez écrit ? Qu'avez vous dû changer en cours de tournage pendant ces huit années ?
Jacques Perrin : Sur ce film, nous avions fait un guide scénaristique : tout a donc été prévu de A à Z. Et ce grâce à des collaborateurs comme François ou Stéphane et leur expérience. Leurs observations antérieures nous ont été utiles. Le tournage est arrivé, toutes les directions étaient possibles, mais nous avons suivi le guide. Quelque fois évidemment, nous avons improvisés, parce que nous attendions un animal et que c'est un autre qui est arrivé par exemple. Mais même dans ces cas de figure, nous étions constamment préparés à tout. Des fois nous avons rencontré notre bonheur, mais parfois notre attente était différente du résultat, à cause des conditions climatiques, de l'état de la mer, des inter-relations entre les espèces. Notre guide scénaristique était d'une précision telle que parfois nous nous écartions d'un point pour en aborder un autre, qui lui aussi était prévu. Une fois le film terminé, on s'est rendu compte que malgré tous ces aléas, nous l'avions au final suivi à la lettre. Nous étions des explorateurs mais nous avions préparé minutieusement notre exploration ! Et parfois nous avons eu plus que ce que nous attendions, nous avons assistés à des spectacles inattendus. C'était dans ces moments là que nous étions éblouis.







 







Océans
Océans
Sortie : 7 Juillet 2010
Éditeur : Pathé Vidéo

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