Avec ce master restauré Haute Définition Carlotta frappe fort, d’autant plus qu’il s’agit d’une véritable exclusivité mondiale. Alors certes le grain est parfois très prononcé (le film vient de fêter ses quarante bougies quand même !), surtout sur les séquences sombres (les scènes d’audition), mais la clarté HD est évidente, le relief fort appréciable, la copie très propre et la compression AVC consolide les contrastes pendant 1h30. A l’instar de l’image découverte dans les salles lors de la ressortie du film en copie neuve en juillet 2010, ce transfert respecte les partis-pris d’origine avec des couleurs relativement atténuées même si la définition se révèle aléatoire en fonction des conditions de prise de vue originales, tournées en intérieur ou à l’arrache en pleine rue. Le piqué n’est certes pas aussi affûté qu’espéré mais les détails sur les gros plans sont souvent étonnants, les fourmillements sont heureusement limités et les arrière-plans relativement stables. Alors oui la copie n’est pas irréprochable mais les conditions de visionnage sont suffisamment remplies pour apprécier dignement le premier film de Milos Forman.
Si la version originale est plus marquée par un souffle chronique que son homologue française, cette piste est évidemment à privilégier et se révèle nettement plus naturelle en terme d’ardeur et d’effets. Ces deux versions PCM mono s’en tirent fort honorablement et c’est surtout les séquences musicales qui profitent de la restauration effectuée sur la bande-son. Les dialogues ne manquent pas de punch et demeurent claires tout du long mais la version française (au doublage exécrable) se montre nettement plus aigue, axée principalement sur les voix au détriment des ambiances annexes (les bruits de la circulation sont par exemple très atténués par rapport à la vo) et ce sans aucune commune mesure avec la version originale nettement plus fluide et évitant toute saturation.
Préface de Luc Lagier (6"23 min)
C’est fou tout ce qu’on peut apprendre en 6 minutes ! Cette préface exhaustive en dit long sur la genèse difficile de Taking off marquée par les évènements politiques, sociaux et internationaux de la fin des années 60 (l’assassinat de Martin Luther King, la guerre du Vietnam, mai 68, la répression soviétique du printemps de Prague en 1968), qui ont obligé Milos Forman et Jean-Claude Carrière a repousser l’écriture de leur film durant 4 ans. Luc Lagier, critique de cinéma, évoque rapidement les 3 longs métrages réalisés par Milos Forman en Tchécoslovaquie dans les années 60 marquées par un régime totalitaire. Ensuite, notre interlocuteur parle de la venue aux Etats-Unis en 1967 de celui qui allait devenir le chef de file de la nouvelle vague tchèque, ses rencontres déterminantes (Jean-Claude Carrière) et sa curiosité grandissante pour le mouvement hippie qui allait être le point de départ de Taking off. Rapidement, se trouvant dans une impasse scénaristique, Milos Forman et Jean-Claude Carrière décident alors d’adopter le point de vue des parents de cette jeunesse prise dans un contexte économique et social en plein bouleversement. Evidemment, comme le choix du spectateur se portera instantanément vers ce premier module, certains propos entendus ici lui seront redondants dans les modules suivants.
Avant Taking off : Milos Forman en route pour l’Amérique (29min46)
Ce module datant de 2000 donne la parole à Milos Forman qui se souvient avec émotion de ses premiers films réalisés dans la Tchécoslovaquie soviétique. Illustré par quelques photos et archives personnelles, cet entretien passionnant éclaire sur le parcours d’un cinéaste aidé par ses amis et confrères (Claude Berri, François Truffaut, Jean-Claude Carrière) jusqu’à son arrivée aux Etats-Unis en 1967. De ses 5 ans où il décide qu’il travaillera dans le show business jusqu’à son école de cinéma où il se passionne pour la littérature française grâce à son professeur Milan Kundera à peine plus âgé que lui, et ses premiers films amateurs, Milos Forman captive tout au long de cette demi-heure passée en sa compagnie. Fourmillant d’anecdotes sur la situation politique de son pays, sur ses premiers succès, ses films sélectionnés dans les festivals des pays européens dont le célèbre Festival de Cannes annulé de 1968 où il concourait avec Au feu les pompiers (il se retire volontairement de la compétition pour soutenir ses amis cinéastes), ce module fera le bonheur des cinéphiles. Dans la dernière partie, Milos Forman parle de la genèse, l’écriture et la réalisation de Taking off en reprenant globalement les mêmes anecdotes que celles déjà entendues dans la préface de Luc Lagier même si le réalisateur ajoute quelques souvenirs liés à la mise en scène ainsi qu’à l’interprétation du film.
Deux européens à New York (16"16 min)
Ami et complice de Milos Forman avec qui il a collaboré sur Taking off, Valmont et Les Fantômes de Goya, Jean-Claude Carrière est également le scénariste des plus grands films de Pierre Etaix, Luis Bunuel, Jacques Deray et de Jean-Paul Rappeneau. Réalisé à l’occasion de la sortie en DVD et Blu-ray de Taking off, cet entretien complète parfaitement le précédent même si encore une fois certains propos n’évitent pas la redondance. En effet, Jean-Claude Carrière évoque à son tour la phase d’écriture mouvementée de Taking off ainsi que les recherches faites sur le mouvement hippie dans le but de nourrir leur histoire qui tournait au préalable sur les "enfants fugueurs". Comme nous l’avons déjà appris précédemment, Milos Forman et Jean-Claude Carrière décident de changer leur fusil d’épaule en se focalisant sur les parents de ces enfants fugueurs qu’ils trouvent plus proches d’eux et en évitant ainsi toute usurpation. Notre interlocuteur clôt cette interview en parlant du casting du film, son échec commercial ainsi que le succès mondial et oscarisé de Vol au-dessus d’un nid de coucou réalisé 4 ans plus tard et qui a complètement changé la vie de Milos Forman.