Comme l'indique un carton d'introduction, le nouveau master restauré de Chung Kuo - La Chine a été réalisé à partir d'un élément 35 mm issu du négatif original du film. Malgré un travail de restauration complet, il n'a pas été possible pour l'équipe technique de corriger tous les défauts présents sur le master d'origine. Au démarrage de chacune des trois parties, ne vous étonnez donc pas des griffures (voir une de nos captures) et de l'abondance des scories qui émaillent l'écran. Même si elle a tendance à s'adoucir très légèrement par la suite, la granulation demeure omniprésente. Pas étonnant que les contrastes soient donc peu affûtés et les couleurs ternes, même si la luminosité reste acceptable. Les défauts et déséquilibres prolifèrent notamment dans la première bobine des trois parties, les poussières sur les bords du cadre n'ont pas été gommées et ce sont finalement les plans larges qui s'en sortent définitivement le mieux. Prenez comme exemple la bobine suivant celle de l'accouchement par césarienne (partie 1 à 20min50) où un foisonnement de résidus parsème l'écran. Il en va de même pour toutes les parties du film et on note également plus de troubles et de fourmillements dans la dernière partie durant la séquence à Shanghai. Saluons tout de même le travail de restauration qui n'a sûrement pas été de tout repos et qui nous permet malgré tout de (re)découvrir le film de Michelangelo Antonioni.
Bien que l'on note quelques effets de saturation plus particulièrement au moment des divers chants traditionnels, la piste en Italien Dolby Mono 2.0 de Chung Kuo - La Chine s'avère convenable et la voix-off de Michelangelo Antonioni est agréablement mise en valeur mais flanquée en revanche d'un souffle chronique peu perturbant. Il n'est pas rare que durant les 3h27 du film, certaines sautes et petits craquements se fassent entendre et que le son direct soit momentanément plus bas au cours d'une même séquence. Les ambiances de rues sont sympathiques et permettent au spectateur de bien s'immerger dans le film. L'ensemble reste toutefois assez minimaliste mais suffisant pour la projection.
Le Regard imposé (24min12)
Carlo di Carlo, cinéaste et ami intime de Michelangelo Antonioni, avait été choisi par ce dernier pour la première projection de Chung Kuo - La Chine devant un public chinois en 2004. Recevant chez lui au milieu d'une armada de livres portant entre autres sur le cinéaste, notre interlocuteur revient sur les péripéties de Michelangelo Antonioni face à l'administration chinoise, du tournage à la sortie du film. Cette analyse poussée permet également d'en savoir plus sur les liens tissés avec le cinéaste de 1961 à la mort de ce dernier en juillet 2007. De la genèse du projet en passant par les relations de l'Italie et de la Chine jusqu'au tournage proprement dit et sa sortie houleuse, Carlo di Carlo réalise un véritable exposé sans jamais oublier un élément indispensable afin d'éclairer la lanterne du cinéphile le plus averti.
La Chine de Mao (26min34)
Ancien correspondant de Libération à Pékin et co-fondateur de Rue89, un site d'information et de débat sur l'actualité, Pierre Haski nous expose dans ce segment la situation politique, économique et sociale de la Chine contemporaine de Michelangelo Antonioni et celle d'aujourd'hui. Dans un premier temps, le journaliste se souvient de son arrivée à Pékin en 2000 et de son désappointement quant à la rupture nette entre la Chine où il débarquait et celle qu'il connaissait à travers le film d'Antonioni. Dans un deuxième temps, la réalisation est passée au peigne fin ainsi que le procédé adopté par le cinéaste afin de rendre compte de son émotion et de son observation aux spectateurs. Enfin, ce brillant exposé se clôt par l'accueil polémique du film par les autorités chinoises ainsi que sur un véritable cours d'histoire sur la Révolution Culturelle chinoise, débutée en 1966 et terminée à la mort de Mao Zedong en 1976.
Est inclus un livret de 36 pages intitulé « Retours sur Antonioni, mao et l'influence des images » comprenant plusieurs analyses et essais :
- un extrait de Sur la photographie par Susan Sontag (1977)
- « Est-il encore possible de tourner un documentaire ? » par Michelangelo Antonioni en 1974
- La Remise en scène (extrait d'une critique du film par Serge Daney publiée dans Les Cahiers du cinéma en 1975)
- « La critique du film antichinois de Michelangelo Antonioni » paru dans Le Quotidien du Peuple en 1974 et sous-titré « Intention perverse et truquages méprisables »... écrite par un auteur anonyme et dont les verbes insulter, nier, s'opposer, salir, oublier, mépriser, calomnier, vilipender, mentir et simuler parsèment l'article.
- « Un acte d'amour » par Carlo di Carlo (2004), extrait du catalogue de la rétrospective Antonioni pour l'institut Culturel Italien et l'école de cinéma de Pékin à la Bejing Film Academy.