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Chung Kuo - La Chine

Le 08/04/2009 à 07:59
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Notre avis
6 10

Entre deux films américains, Michelangelo Antonioni part en Chine afin d'entreprendre le tournage d'un long documentaire sur la réalité du pays. Chung Kuo- La Chine demeure aujourd'hui un recueil d'observations filmé où le regard fasciné et plein d'amour d'Antonioni pour ce pays transpire à chaque plan. A l'instar des Carnet de notes pour une Orestie africaine de Pier Paolo Pasolini, Michelangelo Antonioni retrouve la technique du documentaire de ses débuts, la caméra devenant les yeux du cinéaste alors extasié, fasciné et étonné. Dommage que le film-fleuve ne tienne finalement pas toutes ses promesses et que l'ennui s'installe progressivement, les scènes fortes étant notamment concentrées dans la première partie.


Critique Chung Kuo - La Chine

En 1972, au plus fort de la Révolution culturelle maoïste, le gouvernement chinois invite Michelangelo Antonioni à réaliser un documentaire sur la Nouvelle Chine. Le cinéaste se rend pendant huit semaines avec une équipe de tournage à Pékin, Nankin, Suzhou, Shanghai, et dans la province du Henan. Il en résulte un documentaire monumental de trois heures et demie parcourant les villes et campagnes à un moment clé du vingtième siècle.

 

Alors qu'il vient de terminer Zabriskie Point entièrement tourné en Californie, Michelangelo Antonioni voudrait se pencher sur un autre film américain baptisé « Techniquement douce ». Malheureusement, le producteur Carlo Ponti retire ses billes du projet qui tombe finalement à l'eau. La Rai propose alors au cinéaste de réaliser un documentaire sur la Chine en invitant des intellectuels de tous bords afin de venir admirer le renouveau du pays. Légèrement frustré mais acceptant tout de même l'aventure, Michelangelo Antonioni part avec une équipe réduite tourner 80 plans par jour durant quatre semaines en suivant un planning très ferme, établi par les autorités chinoises. Le cinéaste filme la Chine en temps réel et choque le dirigeant de la République Populaire Mao Zedong et sa femme, Jiang Qing. Victime d'une campagne virulente l'accusant de crimes antirévolutionnaires et antichinois, le réalisateur et son documentaire se voient censurés et le film sera interdit en Chine durant trois décennies.

 

Critique Critique Chung Kuo - La Chine

 

Michelangelo Antonioni s'intéresse avant tout aux habitants, à leurs visages, loin de la modernité que souhaiterait mettre en valeur le parti maoïste. La caméra devient les yeux du réalisateur dont la voix-off illustre les images durant plus de trois heures. Une des séquences les plus extraordinaires du film (et du cinéma d'Antonioni en général) demeure un accouchement par césarienne réalisé à l'acupuncture. Ames sensibles s'abstenir, le cinéaste filme en plan-séquence l'introduction d'aiguilles de trente centimètres de long dans le ventre d'une jeune femme détendue et sereine puis de l'incision pratiquée jusqu'à l'avènement du bébé.

 

Michelangelo Antonioni s'intéresse aux communautés rurales et dresse un bilan où la pauvreté austère prend largement le dessus quand on fait la comparaison avec le « nouveau » Pékin à travers une mémorable séquence de cuisine.

Les visages hantent son film. Les gestes, les coutumes, les pauses et les silences sont pour ainsi dire capturés par le metteur en scène qui use de la caméra à l'épaule ou de lents travellings contrastant avec la vivacité et l'agitation des rues de Pékin. Ce ne sont pas les portraits de Marx et Engels ou ceux de Lénine et Staline trônant sur la Place Tien an men qui captivent le réalisateur mais les petites rues et les habitations où l'ancien côtoie le moderne, où la discipline est présente à chaque coin de rue avec une journée d'école qui démarre par une séance de sport en plein air ou bien des séances de Tai-chi qui fascinent Michelangelo Antonioni. Une harmonie et un équilibre des forces naturelles qui s'accordent en tous points avec la mise en scène du maître italien.

 

Critique Critique Chung Kuo - La Chine

 

La Chine pour Antonioni c'est également la Grande Muraille (« la plus grande et la plus inutile construction militaire de tous les temps » dixit le cinéaste), ses fermes les plus reculées, ses marchés traditionnels où la caméra cachée derrière les étalages vole de magnifiques instants de vie. C'est également l'envoûtement de la Cité interdite ou un spectacle de marionnettes à Pékin réalisé sous les yeux ébahis des petits et des grands. Métaphorique, le film l'est également et il n'est pas absurde de penser que le formidable spectacle de marionnettes à la fin de la première partie symbolise la situation de l'ensemble de la population, pantins de guides proclamés dont la vie ne tient qu'à un simple fil.

 

Divisé en trois parties, Chung Kuo - La Chine voit son intérêt décroître au fur et à mesure, comme si pressé d'en finir, Michelangelo Antonioni se contentait d'aligner les vignettes sans véritable but, notamment dans la dernière partie. Il est clair que nous nous souviendrons plus fortement des séquences de la première partie (l'accouchement, le tai-chi...) que de la section la plus courte.

Pour finir nous laisserons la parole à Michelangelo Antonioni lui-même qui s'exprime alors sur le pourquoi du film : "Je suis allé en Chine avant tout parce que cela m'intéressait de connaître ce pays qu'on présente absolument nouveau, tant du point de vue de sa structure politico-sociale que de son histoire. Nous n'expliquons pas la Chine, nous la montrons. Nous voulons juste observer ce grand répertoire de gestes, de visages et d'habitudes. Venant d'Europe nous pensions escalader des montagnes et traverser des déserts. Mais la Chine reste en grande partie inaccessible, interdite. Même si les Chinois nous ont ouvert des portes et qu'ils jouent au ping-pong politique, nos accompagnateurs avec une souriante fermeté ne nous ont fait parcourir que des itinéraires délimités. La Chine que j'ai vue n'est pas de légende. C'est le paysage humain, si différent du nôtre, mais si concret et moderne, ce sont les visages qui ont envahi l'écran».

 

Critique Critique Chung Kuo - La Chine








Chung Kuo - La Chine

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