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Test DVD : L'Argent

Le 25/04/2008 à 17:32
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Test DVD L'Argent L'éditeur Carlotta nous livre une fois de plus un chef d'oeuvre issu de son prestigieux catalogue. L'Argent de Marcel L'Herbier est disponible dans les bacs depuis le 24 Avril dans une édition double DVD de toute beauté incluant un portfolio de 32 pages. Si l'éditeur soigne comme toujours son contenu riche en suppléments et en trouvailles inédites, il confie cette fois-ci l'accompagnement musical au compositeur et pianiste français Jean-François Zygel spécialiste de l'improvisation qui pour l'occasion nous livre une partition musicale des plus impressionnante. On vous laisse découvrir les trésors qui se cachent dans cette superbe édition avec le test dvd complet qui suit. Decouvrez le Test DVD de L'Argent.


Test DVD L'Argent





Image : 8/20

Bénéficiant d'un nouveau master restauré par les archives françaises du film du Centre National de la Cinématographie (et du Ministère de la Culture) à l'occasion du 80ème anniversaire du film, L'Argent accuse encore de nombreux défauts de pellicule. L'image a d'abord du mal à se stabiliser dans les premières scènes, puis, après l'arrêt de ces tremblements, on constate de nombreuses griffures, troubles, points noirs et granulation, poussières diverses. Il n'empêche que Carlotta présente sans nul doute la plus belle copie à ce jour remontant probablement... à la première du film ! Chapeau bas pour l'éditeur qui a dû utiliser le marteau et le burin afin de proposer ce master aux contrastes et à la luminosité étonnants. Le format 1.33 est respecté, un vrai régal pour les cinéphiles d'autant plus que le mixage 5.0 critiqué ci-dessous les plongera véritablement à la fin des années 20.


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Son : 7/20

Pour l'occasion, le pianiste Jean-François Zygel (voir les suppléments pour en savoir un peu plus) improvise un accompagnement au film de Marcel L'Herbier. Encodé en Dolby Digital 5.0, cette composition se révèle enivrante et marquée de splendides envolées. Bon d'accord, les arrières ne servent que de chambre d'écho et c'est surtout grâce aux enceintes avants que le spectateur sera immédiatement immergé dans ce qui se rapproche le plus d'une acoustique du type cinéma muet. Dans la scène d'introduction, le spectateur aura la surprise d'être plongé au milieu des agents de change. L'accompagnement musical débute vers 2min25 pour ne plus s'arrêter pendant près de 2h45. Si l'équilibre est satisfaisant entre la balance droite et la balance gauche, c'est surtout sur la centrale que repose la création de Zygel, remplaçant judicieusement l'enceinte habituellement préposée aux dialogues, créant ainsi la « voix » de L'Argent. En ce qui concerne la piste 2.0, même si elle paraît moins vivante que la 5.0, elle réserve pourtant de superbes moments énergiques et percutants. Pour info, l'enregistrement s'est déroulé le 27 février 2008.


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Bonus : 9/20
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Petit bémol en ce qui concerne la navigation : on ne sait jamais vraiment où se trouve le curseur pour faire son choix sur le menu principal... ce qui entraîne parfois des erreurs. L'ensemble étant principalement gris, le curseur se fond dans le menu, perdant le spectateur dans le choix des sous-menus.


DVD 1


Présentation par Jean-François Zygel (2min45)

Professeur d'écriture et d'improvisation au Conservatoire de Paris, Zygel a remporté en 2006 une Victoire de la Musique Classique. Pianiste et compositeur, il improvise depuis une quinzaine d'années régulièrement en concert, pour le cinéma muet (une centaine de films à son actif), le théâtre ou la danse, la radio et la télévision, dans la France entière, dans les grandes salles comme dans les plus petites. Il est aujourd'hui reconnu dans le monde entier comme étant l'un des meilleurs spécialistes de l'accompagnement en concert de films muets. Il est donc naturel de le retrouver en introduction du film de Marcel L'Herbier car le spectateur va voyager en sa compagnie durant 2h45. Zygel nous confie sa passion pour L'Argent, un des plus grands films du cinéma muet et se penche un peu plus sur sa réalisation, sa modernité, la splendeur des décors et des costumes et les mouvements de caméra inédits. Ensuite, il fait un petit tour rapide sur la personne de Marcel L'Herbier, l'histoire du film et les personnages. Pour conclure, il nous informe qu'il va improviser en direct, tout en regardant les images grâce à un écran LCD posé sur son piano, afin de donner un « moteur rythmique au film ».


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DVD 2


A noter que l'ensemble des segments a été restauré.


Autour de L'Argent (40min)

Making of d'époque réalisé et commenté par Jean Dréville pendant le tournage du film, puis sonorisé en 1971. Il s'agit d'un précieux et extraordinaire témoignage historique sur les expérimentations avant-gardistes de Marcel L'Herbier. La copie est peut-être un peu abîmée mais quel plaisir !

 

Le film muet vit ses dernières années. Comme l'explique Dréville, L'Herbier délaisse la recherche pure et entame sa première superproduction dite commerciale au budget de 5 millions de francs (1928), une fortune. Dréville avec une audace propre à la jeunesse avait proposé au cinéaste de se munir d'une petite caméra et de filmer le tournage de L'Argent. L'Herbier accepte à condition qu'il se fonde dans le décor. Le jeune photographe amateur qu'était Dréville ne connaissait pas grand chose au montage et à la réalisation mais certain de l'intérêt de son entreprise réalise sans le savoir le tout premier making-of de l'Histoire du cinéma du premier au dernier jour de tournage.


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Cette mine d'or s'ouvre sur les éclairagistes qui s'affairent à plusieurs mètres au dessus du sol. Une fois les pieds sur terre, Dréville arrive au moment des premiers tours de manivelle et se promène dans les décors aussi splendides que grandioses. Marcel L'Herbier passe devant sa caméra jusqu'à ses acteurs, devant lesquels il mime les scènes et les expressions qu'il désire voir à l'écran. Plus tard, Dréville remonte dans les passerelles et décrit les moyens techniques nécessaires à un fondu d'images enchaînées. Mais le jeune homme n'est pas le seul à avoir les pieds en l'air, pour preuve le système D à la Marcel L'Herbier perchant un caméraman sur un plateau suspendu sur des rails afin d'obtenir les fameux plans mobiles et aériens durant la scène de la soirée mondaine.

Dréville se rend ensuite dans les studios où les artisans s'affairent à la construction des décors. S'ensuit alors un cours magistral et richement illustré des modes divers de prises de vues réalisées par L'Herbier. Petite leçon de montage accéléré alors souvent utilisé au cinéma muet afin de marquer le paroxysme d'une séquence. Puis l'art de l'usage de la caméra multiple : 3 caméras étaient souvent utilisées en même temps durant une prise de vue. Un travail fastidieux pour l'éclairage mais dont le but primaire était d'obtenir un double voire un triple négatif pour une même scène, ceci afin de faire des économies de laboratoire dû à la duplication du négatif.

Au même titre que le plateau suspendu, Dréville nous informe sur l'ancêtre de la steady-cam avec l'usage d'une caméra portative dont le poids était en réalité supporté par un câble métallique relié à un rail aérien.


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Les expériences techniques s'enchaînent pour le bonheur des cinéphiles et sont passés en revue l'escamotage des meubles au passage de la caméra, la création d'un travelling (d'un genre nouveau à l'époque) circulaire où le caméraman se trouve perché sur un trépied roulant lui permettant ainsi de contrôler son cadre tout en se déplaçant ; une caméra glissant sur un câble suspendu à travers toute la Corbeille renvoyant finalement certaines prises de vue de Bourne Ultimatum à l'âge de pierre. Le plus impressionnant demeure sans conteste la caméra, encore une fois suspendue mais tournoyant sur elle-même et plongeant littéralement sur le centre de la Bourse afin de faire un parallèle génial des agents de change avec des fourmis qui s'affairent en tous sens.

L'Herbier profite du week-end prolongé de Pâques pour investir la véritable bourse de Paris, muni d'une dizaine de caméras et à l'aide de 2000 figurants, avec parmi eux de véritables agents de change. Des prises de vue s'étalant sur trois jours au cours desquels le réalisateur capte l'activité incessante en étant lui-même plongé au milieu de toute la figuration armé de son porte-voix.

 

Voici peut-être l'un des making of les plus époustouflants de l'histoire du DVD. Ce film à part entière est absolument inouï et s'impose comme étant l'une des références incontournables de l'histoire du support.


Marcel L'Herbier, poète de l'art silencieux (54min07)

Documentaire consacré à la figure artistique de Marcel L'Herbier réalisé par Laurent Véray, enseignant et président de l'AFRHC, Association Française de Recherche sur l'Histoire du Cinéma. Rencontre de Frédéric Pierrot (vu récemment dans Il y a longtemps que je t'aime) avec Jean-Louis Cot, responsable et spécialiste de l'œuvre du cinéaste au sein des "Archives françaises du film". Ce documentaire est ponctué d'interviews de la fille du réalisateur, Marie-Ange L'Herbier, des historiens du cinéma François Albera, Christophe Gauthier, Noël Burch, Dimitri Vezyroglou et Alain Carou. Raisonnablement illustré d'extraits de films réalisés par Marcel L'Herbier (Le Carnaval des Vérités, 1919 - L'Inhumaine, 1924), de photos et d'extraits d'interviews de Marcel L'Herbier datant de 1969, ce segment aurait gagné à faire l'impasse sur les inserts de Pierrot lisant quelques critiques et autres documents concernant L'Herbier, trop théâtrals et cassant le rythme.


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Les recherches au sein des Archives françaises du film sont quotidiennes et servent à rétablir les œuvres intégrales de cinéastes, entre autre celles de Marcel L'Herbier. Constamment à la recherche de scènes perdues ou coupées, les AFF remettent le film en forme telle que pensée initialement par leur créateur si celui-ci avait dû remettre en cause son projet en raison de problèmes financiers par exemple. C'est le cas pour L'Homme du large (1920), où L'Herbier désirait à l'époque insérer les intertitres superposés à l'image de son film pour rompre avec l'insert classique. En 1990, les Archives retrouvent quelques indications d'époque où L'Herbier indiquait qu'il souhaitait teinter le film en bleu. La copie N&B est ainsi retravaillée plus de 80 ans après sa conception afin de respecter les volontés de l'auteur.

 

L'intérêt principal de ce document est sans conteste l'interview retrouvée de Marcel L'Herbier en 1969 alors âgé de 79 ans. Il raconte brièvement comment il est arrivé dans le milieu du cinéma. Décrié par son milieu bourgeois, le cinéma était considéré comme un « art » forain, une stupide fantaisie faite pour le cirque et qui n'apportait rien. C'est à l'armée que L'Herbier découvre véritablement la matière technique, la pellicule quand un commissaire de la propagande lui confie la réalisation d'un petit film Rose France, destiné à redonner le courage à la France en 1918. C'est un échec commercial mais la critique l'encense. « J'ai essayé » dit L'Herbier, « j'ai pu pour la première fois m'imprégner de la pellicule, toucher le matériel, découvrir le mystère de la caméra afin de traduire ce que j'avais dans le cœur ».


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Les historiens du cinéma dressent ensuite un tableau de Marcel L'Herbier, un homme qui s'est rapidement battu pour la légitimation du cinéma en tant qu'art, qui imposait de nouvelles techniques et expérimentait comme le faisait Méliès aux débuts du Cinématographe.

 

Dans la dernière partie de ce segment, les interlocuteurs s'arrêtent sur L'Argent en multipliant les anecdotes et souvenirs de tournage, en particulier la rivalité de L'Herbier avec le producteur Jean Sapene, qui selon le cinéaste intervenait trop fortement dans le processus de création (du choix des décors au montage). Les échecs divers de Cinégraphic, la société de production de L'Herbier, l'avaient empêché de produire L'Argent et il a dû se résoudre à faire équipe avec Sapene. Rivalité qui n'a pas empêché L'Herbier de dépasser le budget initialement fixé à 3 millions de francs de 2 millions ! Une somme inconcevable pour 1928.


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Mise à part deux ou trois éléments, ce segment est d'autant plus indispensable qu'il donne réellement envie de se pencher encore plus sur la carrière de cet immense cinéaste.


L'Arrivée à Paris de Brigitte Helm pour le tournage de L'Argent (1min09)

Filmée par Jean Dréville, la vedette allemande de Metropolis de Fritz Lang arrive à la gare où elle est reçue en grande pompe.


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Essais des acteurs (17min05)

Document muet présentant les essais passés par Alice Cocéa, Madeleine Renaud, Gaby Morlay, Samson Fainsilber, Kissa Kouprine, Jules Berry, Yvette Guilbert et Pierre Alcover. Evidemment, le film muet entraînait des essais multiples pour les acteurs, alors filmés sous tous les angles, avec des maquillages divers et des expressions variées. A noter que certains des acteurs n'ont pas été retenus.


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L'Accompagnement musical


1) Accompagner le cinéma muet (7min18)

Jean-François Zygel évoque l'accompagnement musical du film muet au début du siècle jusqu'au cinéma parlant de la fin des années 20, et comment il le conçoit aujourd'hui. Pour les néophytes, Zygel explique qu'un film muet n'était pas toujours forcément accompagné musicalement que par un piano. Cet accompagnement qui pouvait parfois piller le répertoire classique était nommé musique accidentelle, renforçant et soulignant l'action. Beaucoup de cinémas possédaient un catalogue dans lequel le directeur musical devait fouiner afin de trouver l'accompagnement adéquat au film qui allait être projeté. Venaient ensuite les répétitions de l'orchestre souvent réalisées l'après-midi avant la projection. La musique écrite spécialement pour un film était rare à l'époque. Un long métrage circulant dans les petites villes de province n'était la plupart du temps pas accompagné d'un orchestre. Zygel nous fait ensuite une démonstration passionnante des différents choix possibles quand un pianiste décide d'accompagner un film muet. La première solution est de créer un décor sonore, dans ce cas la musique ne souligne pas la psychologie des personnages. La deuxième solution est justement de participer à cette psychologie en créant des thèmes sur la jalousie, l'amour, l'affrontement physique. Enfin, un pianiste peut jouer les situations, compléter le film en servant de moteur à l'image. Une même situation peut-être interprétée de façon différente selon le musicien et la scène à illustrer.


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Les propos de Zygel renvoient à ceux de Lawrence Lehérissey, arrière-arrière petit-fils de George Méliès dans la sublime édition DVD critiquée dans nos colonnes, à savoir que le cinéma muet permet plusieurs interprétations, propositions et lectures selon l'émotion et le point de vue du musicien. Ce cinéma demeure « ouvert » par opposition au cinéma parlant qui est inamovible.


2) Remerciements

Deux pages écrites constituent la biographie succincte de Jean-François Zygel qui en profite à son tour pour congratuler Christian Belaygue, ancien directeur du Festival International Cinémémoire qui lui a fait découvrir le cinéma muet et plus particulièrement Marcel L'Herbier, un de ses réalisateurs préférés, et l'ayant guidé dans l'art de l'accompagner au piano.


Scène de la bourse, avec et sans bruitages d'époque (3min35)

Marcel L'Herbier avait fait réaliser deux enregistrements sur disques 78 tours des sons de foule et d'avions. Ceux-ci devaient être utilisés lors de la séquence centrale du film avec le montage parallèle de l'effervescence et la cohue des agents de change à la bourse, avec le décollage de l'aviateur Hamelin. Ce dispositif fut essentiellement utilisé en salle dans les grandes villes qui disposaient alors du matériel nécessaire à cet essai de synchronisation du son au milieu de la partition musicale. Devant cet exemple, on se rend compte de l'importance du son au moment d'un climax, moins percutant lorsque le film est entièrement muet. On se souvient de l'exemple souvent cité de la scène de la douche dans Psychose d'Alfred Hitchcock où la musique de Bernard Hermann structurait plus la scène qu'elle ne l'illustrait.

 

Carlotta inclut à cette superbe édition un portfolio de 32 pages qui ne l'est pas moins.

 

 


L'Argent
L'Argent
Sortie : 24 Avril 2008
Éditeur : Carlotta

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