Afterschool
Le 02/09/2008 à 10:14Par Michèle Bori
Afterschool apparaît comme un film à voir plutôt pour les perspectives que pourrait offrir son metteur en scène en particulier que pour son intérêt général. Une belle promesse pour l'avenir donc, à condition toutefois que le jeune cinéaste ne décide pas de s'enfoncer un peu plus encore dans des expérimentations formelles et thématiques qui rendent déjà son Afterschool un peu difficile à avaler.
Présenté dans la sélection « Un certain regard » lors du dernier festival de Cannes, Afterschool est le premier long métrage du très jeune réalisateur Antonio Campos (tout juste 24 ans), déjà multi récompensé aux quatre coins du globe pour ses nombreux courts-métrages. Des œuvres souvent hermétiques, mais qui trahissaient toujours d'une obsession de la part du metteur en scène pour les troubles adolescents, une constante dans sa filmographie. Et de troubles adolescents il est donc encore une fois question ici, avec cette histoire d'un jeune garçon filmant par inadvertance la mort de deux de ses camarades de classe.
A la fois réflexion sur le pouvoir des images et portrait trouble d'un esprit obnubilé par la recherche d'une « véracité » sensorielle, Afterschool est une œuvre fort complexe, aussi bien dans sa forme que dans son fond, puisque entre questionnements existentialistes et descriptions quasi-psychanalytiques, le film de Campos se pose comme une véritable œuvre auteurisante, à la limite parfois du cinéma d'art et essai. Très difficile d'accès, pas évident à cerner ni à suivre, Afterschool n'est donc pas un film à mettre devant tous les yeux. Son rythme lent, sa mise en scène extrême, composée quasi intégralement de plans-séquences fixes, laissant les comédiens s'exprimer dans des périmètres aux frontières floues, sa thématique déroutante, sa démarche auto-analytique et sa conclusion abstraite en laisseront certainement plus d'un sur la touche. Dommage, car dès qu'il laisse de côté ses dogmes abscons de mise en scène, Campos nous offre quelques beaux moments d'immersion, grâce notamment à quelques fulgurances formelles nous faisant ressentir l'extrême solitude d'un personnage perdu dans un monde qui ne le comprend pas.
Un film austère donc, qui demande patience et réflexion pour pouvoir être apprécié dans sa globalité, mais qui démontre d'indéniables qualités de mise en scène et une véritable vision du monde de la part de son jeune réalisateur. On reste encore bluffé par la capacité de Campos à plonger certaines de ses scènes dans un climat d'érotisme extrême, où ses jeunes comédiens se livrent corps et âmes dans des rôles semble-t-il bien compliqués à appréhender pour des acteurs de leur âge. Mais Campos semble conscient de sa démarche, en témoigne une scène d'autocritique assez pertinente (quoique peut-être un brin nombriliste), dans laquelle un professeur fait une critique assez acerbe du travail du héros. « Je ne suis pas spécialiste, mais c'est le film le plus mauvais que j'ai jamais vu... il n'y a même pas de musique ! ». Prise de conscience de l'artiste ou geste naturel d'autodéfense face aux éventuels détracteurs de son cinéma ? Seul Campos pourrait répondre de la signification profonde de cette mise en abymes. Mais pour le moment, une chose est certaine : le garçon a beaucoup de choses intéressantes à dire.
Nota : après plusieurs critiques survenues après la projection du film lors du festival de Cannes et jugeant le film trop long, Antonio Campos a décidé de remonter Afterschool pour retirer une dizaine de minutes. La version qui sera présentée dans quelques semaines au Festival du film de Deauville sera donc légèrement raccourcie et ne durera environ que 1h45.