Arthur et la vengeance de Maltazard
Le 27/11/2009 à 13:36Par Michèle Bori
Pour faire simple, Arthur et la vengeance de Maltazard est au dessin animé ce que Taxi et ses suites furent aux buddy-movie Hollywoodiens. En creux, une tentative pas forcément blâmable d'offrir au public français un produit local ambitieux, qui cherche certes à se montrer à la hauteur techniquement de ce qui peut se faire Outre-Atlantique, mais qui ne parvient pas à rattraper ses trois trains de retard. Car quoiqu'on en dise, il existe autant d'écart entre cet Arthur-là et un Pixar, qu'entre les films de Gérard Krawczyk et l'Arme Fatale.
Découvrez ci-dessous la critique de Arthur et la vengeance de Maltazard
La ritournelle est toujours la même. Lorsqu'il nous arrive de voir un film d'animation qui ne nous emballe guère, ce sont toujours les mêmes phrases qui fusent. Du grand classique "Mais c'est pour les enfants", au très direct "vous n'êtes pas la cible", en passant par le surprenant "ça se voit que vous n'êtes pas parent, car les miens ils ont adoré et ça suffit à mon bonheur", le débat ne vole jamais très haut et les camps restent souvent sur leurs positions. Que faire alors dans ces cas-là ? Envoyer des enfants voir les films et prendre leur réactions à la sortie de la salle en guise de critique ? Y aller en mettant de côté tous nos critères de jugement, créant alors un manque de partialité entre les films ? Ou enfin dire ce que l'on pense, au risque de passer pour des sans-cœurs ayant perdu leur âme d'enfant ? Le dilemme risque de perdurer. Il est vrai que d'un côté, si un dessin-animé laisse un enfant avec le sourire aux lèvres et des images plein les yeux, difficile de dire qu'il n'a pas atteint son but. D'un autre côté, des sociétés comme Pixar, Aardman ou encore Studio Ghibli ont prouvé qu'un film d'animation pouvait s'adresser à la fois aux adultes et aux enfants, devenant par là même des maitres étalons dans leurs domaines. Chez Filmsactu, nous avons fait le choix il y a bien longtemps de traiter les films d'animations de la même manière que n'importe quels films. Qu'elles soient pour enfants, pour ados, pour adultes, pour les hommes ou pour les femmes, les œuvres qui nous sont présentées sont soumises aux mêmes critères de jugement, bien entendu subjectifs, qui émanent de nos sensibilités propres. Bref, jamais nous ne critiquerons un film en nous mettant "dans la tête" d'un certain public peut-être conquis d'avance, bannissant donc l'idée de pouvoir conclure un de nos textes par "les fans apprécieront" ou autres catchlines dédaigneuses du genre.
Tant pis pour nous... peut-être. En l'occurrence, tant pis pour Arthur et la vengeance de Maltazard.
On a beau avoir encore un peu d'affection pour Luc Besson, qui reste quoiqu'on en dise un réalisateur important dans l'histoire du cinéma hexagonal et un des rares producteurs actuels à se donner les moyens de ses ambitions, on a beau également avouer que les productions Europa se montrent aujourd'hui bien meilleures qu'elles ne l'étaient il y a quelques années, force est de constater que cet Arthur 2 regroupe ce que ces deux entités peuvent offrir de pire. L'humour populiste et daté, le prétexte naïf et éculé, les intentions creuses, la direction artistique surchargée ... autant de points noirs récurrents dans la filmographie de la société qui constituent les tares venant gâcher le plaisir devant cet Arthur et la vengeance de Maltazard, épisode bouche-trou au potentiel pourtant énorme. Des gags ringards du "monde réel" (qui est autant "réel" que peut l'être celui d'un Jean-Pierre Jeunet), aux clins d'œil estampillés Europa du monde des Minimoys (où les "racailles" se font des checks interminables, où l'on se moque de l'uniforme, où les cuisiniers parlent avec un accent italien et ressemblent à Mario, bref, où les poncifs n'ont pas peur de s'afficher), on ne comptera pas les fautes de goûts qui viendront constamment pointer le bout de leur nez.
Et de défauts, la liste est longue ! Les acteurs (pauvre Penny Balfour et Robert Stanton) semblent en free-ride du début à la fin et éreintent le film de leur sur-jeu constant. Les enjeux narratifs s'avèrent de leur côté inconsistants, puisque dans cet épisode charnière (dont le but ne semble être qu'un lien entre le premier et le troisième épisode), la quête d'Arthur sera uniquement de se rendre de sa maison au village des Minimoys, donnant donc au film des allures de simple level de jeu vidéo. Visuellement, c'est certes mieux que le premier opus, mais on est encore bien loin des standards américains actuels, la 3D étant ici à peine digne d'un film Dreamworks Animation. Hélas, si quelques efforts ont été fait sur le plan de la direction artistique, la mise en image toute en courtes focales de Besson ne met jamais grand-chose en valeur et finit bien vite par nous donner la migraine, à force de bouger dans tous les sens et d'inonder l'écran de couleurs flashy ignobles. Encore une fois, nous sommes là plus proche du jeu vidéo sur Wii que du 7e Art.
Le sous-texte (si on peut appeler cela un sous-texte) ne vole pas plus haut que les quelques clichés écolo factices ("nous sommes tous des enfants de la nature" ... on se croirait dans "Yann Arthus et les Minimoys") et se voit souligné en permanence par des dialogues didactiques au possible. Et nous ne dirons rien sur cet apathique climax, à peine digne d'un nanar de série Z, où le pauvre Maltazard passe 10 minutes à expliquer ce que l'on avait facilement compris tout seul. Enfin, preuve ultime de la démarche purement mercantile du produit : un générique de fin balancé sur Poker Face de Lady Gaga, repris par le "Minimoys Band", dont le CD - qui nous rappelle avec effroi quelques compilations Schtroumpf Party - est en vente depuis quelques semaines et propose des reprises d'Elmut Fritz, de Grégoire, de Christophe Maé ou encore des Black Eyed Peas. Nous qui pensions naïvement que les covers sous hélium d'Alvin et les Chipmunks ne faisaient plus rire personne...
Bref, pour quiconque aurait un peu la fibre cinéphile, ce métrage se pose comme une accumulation de tout ce que l'on aimerait ne plus voir. Pire, si le premier opus s'adressait clairement au 8-10 ans, cherchant à privilégier l'action et le fun au détriment de l'histoire, ce volet-là semble viser un public encore plus jeune, plus proche de l'école puéricultrice que du passage au collège. Alors là, oui, on l'admet : on n'est clairement pas la cible ... et on en est fier !