Babylon A.D
Le 20/08/2008 à 12:44Par La Rédaction
Projet porté par Kassovitz depuis des années, Babylon A.D. aura été une arlésienne de longue haleine. Après plusieurs mois de retard (dû à de graves problèmes sur le tournage), le bébé de Kasso nous a été présenté ce matin au cours d'une projection où toute la presse parisienne était rassemblée. Une projection qui commença d'ailleurs - pour l'anecdote - par un joli coup d'éclat hilarant, où le réalisateur Gustave Kervern (célèbre pour Groland) se leva devant tout le monde et demanda si un des journalistes de Libération (que nous ne nommerons pas) était présent dans la salle parce qu'il voulait lui casser la gueule. Ce dernier aurait en effet démoli son prochain film (Louise-Michel, attendu le 24 Décembre prochain) purement gratuitement et longuement en avance. Après une altercation avec une journaliste de Femme Actuelle, ce sera finalement Mathieu Kassovitz himself, apparu au fond de la salle, producteur du dit Louise-Michel, qui hurlera "Ta gueule et assieds toi !". La salle, aussi étonnée que hilare et conquise par ce numéro, était déjà bien dans l'ambiance.
Mais qu'importe : parlons de ce qui nous intéresse aujourd'hui puisque nous sommes en mesure maintenant de donner nos avis - à chaud - sur Babylon A.D. C'est parti !
N.B. Comme il nous a été confirmé, il y aura deux montages du film : un américain et l'autre pour les autres pays dont la France, celui que veut vraiment Kassovitz. C'est bien sûr ce dernier qui nous a été montré (d'une durée de 1h41).
Avis à chaud par Kevin Prin
La production de Babylon A.D. rentre à coup sûr dans les annales des pires odyssées qu'un réalisateur peut vivre. Une quasi "catastrophe annoncée" contredite par les premières images. Malgré des décors très gris, faits de béton et de métal, Kassovitz a su imposer dès le départ une ambiance absolument prenante. Sur un générique opposant une grosse musique de hip hop américain à des images au ralenti d'un pays de l'est au futur chaotique, le ton est donné. On reconnaît tout de suite la patte du réalisateur qui propose quelque chose d'unique et de léché. Le film est ponctué de ces moments réussis, comme la découverte d'un New York similaire à celui d'aujourd'hui mais encore plus bouffé par les pubs (sorte de croisement entre Blade Runner et les décors urbains du jeu Einhänder - pour ceux qui connaissent - mais au ton propre à lui), de milliers de réfugiés cherchant à survivre ou embarquer dans un sous-marin, ou encore les prestations de Vin Diesel (faussement lisse) ou de Mélanie Thierry. Même les plus grosses excentricités sont maîtrisées, notamment en ce qui concerne les personnages secondaires "hénaurmes" de Gérard Depardieu, Charlotte Rampling ou Lambert Wilson.
Néanmoins le résultat n'est pas parfait et en contraste de ces réussites indéniables, beaucoup de scènes sont expédiées trop rapidement : les combats (soudainement très découpés et filmés de très près et donc illisibles) ou beaucoup de passages scénaristiques dont une fin arrivant trop brutalement. Le discours est intéressant (avec une déconstruction de la religion pleine de promesses), la dramaturgie l'est aussi, mais on garde cette impression de mélange de scènes inspirées avec d'autres qui ne le sont pas ou qui en tout cas ont été trop vite expédiées. Babylon A.D. vaut largement le coup mais, de par ses faiblesses, reste trop anodin.
Des années de labeur, d'investissement personnel comme professionnel (puisqu'il aura tout de même fait un truc pour Dark Castle) n'auront pas eu raison de Matthieu Kassovitz puisque son grand projet, son énorme projet prend enfin vie. Le hic, c'est que l'enthousiasme ou même le simple intérêt pour le spectateur n'aura pas une durée de vie aussi époustouflante puisque malgré toutes ses ambitions affichées, Babylon A.D. ne se retiendra que comme un consommable hollywoodien parmi tant d'autres, oubliable et déjà oublié à quelques heures de la projection de presse. Ca castagne un peu, ça tire un peu plus, ça explose pas mal et ça s'emmêle un peu les pinceaux dans les allégories propres au bondieuseries de boulevard que les américains nous rabâchent déjà à longueur d'années. Rien de concrètement détestable dans ce produit parfaitement anodin et quelconque. Kasso s'est en tout cas fait plaisir et a joué avec de belles références SF, mais c'est tout... Au suivant.
Avis à chaud par Elodie Leroy
Pari audacieux en France que de réaliser un film de science-fiction, genre traditionnellement méprisé dans notre beau pays par une certaine presse, genre dans lequel le cinéma français est avouons-le quelque peu à la traîne. Avec Babylon A.D., Matthieu Kassovitz prend le risque de mettre en place un projet ambitieux pour flirter avec les classiques des années 70-80 que sont New York 1997, Blade Runner ou encore les Mad Max. Pari à moitié réussi seulement. L'intention est louable et le plaisir réel durant les deux premiers tiers du métrage grâce à un univers plutôt bien mis en place, une galerie de héros solidement campés et surtout des scènes d'action mouvementées bien que manquant de lisibilité. Là où le bât blesse, c'est lorsque Babylon A.D. tente maladroitement de révéler les enjeux réels de cette histoire qui peut-être aurait dû savoir rester simple. En quelques séquences d'explications, le mystère s'effondre et le film sombre dans les méandres de la banalité. C'était donc ça ! se désole-t-on face aux enjeux mystiques reliés au personnage de Mélanie Thierry et qui renouent avec une vieille tradition machiste dont on se serait bien passé. Et si l'on ne reste au final pas insensible au sort des personnages, on quitte Babylon A.D. avec une furieuse envie de revoir un autre film, formellement plus maîtrisé et bien plus novateur dans des thématiques voisines : Les Fils de l'Homme d'Alfonso Cuaron.
Avis à chaud par Caroline Leroy
Avec Babylon A.D., Mathieu Kassovitz s'essaie à la science-fiction et le moins que l'on puisse dire est qu'il y prend un plaisir manifeste. Un plaisir que l'on partage durant une bonne partie de ce long métrage rythmé, mené tambour battant par un Vin Diesel parfaitement à sa place, plutôt bien entouré par Michelle Yeoh et Mélanie Thierry. Outre la présence de Diesel, l'un des points forts du film est incontestablement son ambiance et plus précisément son emballage visuel soigné, tant du point de vue des décors que de la belle photographie de Thierry Arbogast. Là où l'on tique un peu toutefois, dès les premières scènes, c'est en ce qui concerne les scènes d'action, particulièrement illisibles tant elles sont filmées en plans serrés, sans aucun souffle – dommage pour Michelle Yeoh, et pour les autres acrobates invités à participer à la fête. Soit. Babylon A.D. est agrémentée de quelques bons moments qui aident à faire passer la pilule, jusqu'à un certain point en tout cas. Car c'est lorsque l'on réalise de quoi parle réellement ce film qui se présentait jusqu'ici comme un aimable divertissement que l'enthousiasme s'émousse de manière vertigineuse. Le dernier quart d'heure, qui explicite à vitesse grand V le désastreux pot aux roses, est si bâclé, à la fois mal raconté et mal monté, qu'il annihile tout le potentiel de ce long métrage imparfait mais sympathique en un minimum de temps. C'est bien dommage.
Avis à chaud par Yann Rutledge
Certes pas la catastrophe annoncée, le très brouillon Babylon A.D. s'avère finalement être l'occasion idéale pour faire le point sur le départ vers cette Terre Promise qu'est Hollywood de la jeune vague ambitieuse de réalisateurs français. Une traversée de l'Atlantique qui devait être synonyme de liberté artistique et financière leur permettant de mettre en scène des oeuvres ambitieuses que la France n'était pas en mesure de produire (ou tout simplement même n'en avait pas envie). A l'inverse du brave Ulysse qui avait réussi face au Syrènes l'exploit de ne pas flancher à leur doux chant, ces frenchies ont pour la plupart accouché d'une oeuvre boursouflée si ce n'est honteuse. Certains ont certes réussi leur coup tels Jean-Pierre Jeunet, Florent Emilio Siri ou Alexandre Aja qui ont su garder un certain contrôle sur leur film (Alien 4, Otage et La Colline a des yeux), mais on retiendra surtout les gros ratages que sont Catwoman de Pitof, One Missed Call de Eric Valette, Hitman de Xavier Gens ou The Eye de David Moreau et Xavier Palud, sombres navets calibrés pour la Mme Michu texane. Même Julien Maury et Alexandre Bustillo à qui on avait ouvert grand les portes pour leur Hellraiser se sont vu remercier car trop désireux de liberté...
Mathieu Kassovitz donc, après sa "carte de visite" Gothika qui devait lui permettre d'adapter plus facilement ce Babylon Babies qui lui tenait à cœur, nous offre un film brouillon, fourmillant d'idées certes mais qui laissent finalement un gros goût d'inachevé dans la bouche du spectateur. Une montagne accouchant d'une souris quand on sait depuis combien de longues et dures années le réalisateur porte son bébé.
A l'instar de John Woo qui est enfin revenu en Chine, il serait peut-être temps que ces réalisateurs se décident à revenir courageusement en France pour y monter des projets qui leurs ressemblent. Cette grande famille qu'est le Cinéma n'est certes pas encore prête à applaudir des films ambitieux et impertinents (pire, iconoclastes), mais il y aura incontestablement toujours d'une façon ou d'une autre un moyen pour que les financiers retrouvent leurs billes aussi bien grâce aux ventes internationales que vidéo. Oui, vous pouvez me traiter de naïf...
Première mise en ligne de ces textes : 4 Juin 2008