Dante 01 : La critique
Le 20/12/2007 à 10:05Par Caroline Leroy
Il émane de Dante 01, projet manifestement ambitieux, une vraie atmosphère débilitante à souhait qui ne laissera pas indifférents les amateurs de science-fiction. Il est dommage que les thématiques et les personnages ne se voient pas accorder le même soin, le film péchant par une certaine maladresse qui le prive d'atteindre le grandiose auquel il aspire, et ce malgré un final pour le moins étonnant.
Dante 01 marque le retour de Marc Caro sur le grand écran après douze ans d'absence, soit depuis La Cité des Enfants Perdus, qu'il co-réalisait en 1995 avec Jean-Pierre Jeunet. Un come back d'autant plus attendu que le réalisateur ne choisit pas la facilité en abordant un domaine tristement boudé depuis toujours par le cinéma français : la science-fiction. Il s'adjoint pour ce faire les talents de conteur de Pierre Bordage, grand romancier de SF connu pour la richesse et la complexité et de ses œuvres. Citons au hasard Les Guerriers du Silence, Wang et surtout Abzalon, autant de témoignages de la pertinence de la présence de l'auteur sur un projet de ce type. Mais, en dépit de bonnes idées et d'une évidente volonté de bien faire, Dante 01 n'est malheureusement pas à la hauteur de ce qu'une telle association de talents laissait augurer.
Si l'on passe outre le désagrément d'une voix off pesante et assez inutile en ouverture, Dante 01 ne s'annonce pas mal du tout lorsque défilent les premiers plans de l'intérieur sombre et glauque de cette station spatiale perdue au milieu de nulle part. Marc Caro a de toute évidence accordé une attention toute particulière au travail sur les ambiances, visuelle et sonore, une qualité non négligeable lorsque l'on se frotte à la science-fiction. La photographie est dominée par des teintes très froides et contrastées qui traduisent le sentiment d'abandon ressenti par ces personnages, geôliers comme détenus. La similitude de leurs situations respectives apparaît dès le début du film, au cours duquel sont filmées en parallèle l'arrivée sur les lieux de la jeune bio-généticienne Elisa (Linh-Dan Pham) et celle d'un nouveau prisonnier du nom de Saint Georges (Lambert Wilson). A l'instar de celui d'Abzalon, le monde de Dante 01 est séparé en deux groupes qui s'opposent en tous points et sont séparés par un sas : d'un côté, les scientifiques et de l'autre, les criminels qu'ils sont chargés de surveiller. De la même façon que l'esthétique très affirmée de Dante 01 s'accorde avec les états d'âme des protagonistes, le design sonore répond à cette même volonté expressionniste qui installe plus que jamais le décor de la station Dante 01 comme le prolongement de leur univers mental. Le personnage de Lambert Wilson ne se déplace jamais sans que nous soit assenée une véritable cacophonie, associée de surcroît à des contre-plongées déformantes. La première partie du film parvient donc à créer une atmosphère oppressante - à défaut d'être angoissante -, du moins tant que les dons de guérison de Saint Georges ne trouvent pas d'explication.
Les choses se gâtent dès lors que le réalisateur tente de plaquer une portée pseudo-mystique sur ce qui aurait dû ne rester qu'un huis clos un peu tordu, dans la lignée d'épisodes de séries telles que The New Outer Limits ou, pourquoi pas, d'un film comme Cube. Le titre du film parlait pourtant de lui-même, de même que les noms des personnages étaient explicites (Saint Georges, Perséphone, César, Lazare, Bouddha...). Mais si les allusions à la Divine Comédie de Dante, qui jalonnent toute l'intrigue, sont cohérentes de bout en bout, elles sont amenées sans finesse et ont déjà perdu de leur impact lorsque survient le dénouement spectaculaire. Pire, les personnages semblent plus que jamais désincarnés, simples rouages d'une intrigue qui, à force de parler de déshumanisation, a oublié de leur donner vie.
La direction des acteurs n'est peut-être pas étrangère au peu d'attachement que l'on ressent pour les différents protagonistes. Certains dialogues donnent même parfois l'impression d'être maladroitement déclamés. Cela est d'autant plus dommage que le scénario offrait plusieurs occasions de donner de l'épaisseur à ces figures voulues comme archétypales, notamment quand monte la confusion d'un côté comme de l'autre du sas. Lambert Wilson, muet durant tout le film ou presque, est sans doute celui qui ressort le mieux. De son côté, Simona Maicanescu interprète avec une sobriété bienvenue le personnage le plus intéressant de tous, bien que son combat contre Elisa, adepte des nanotechnologies, ne brille pas par la subtilité de son message (l'éternel conflit de l'humain et de la technologie).
Au bout du compte, il manque à Dante 01 un socle véritablement solide, tant du point de vue du contexte que des personnages, pour que ses prétentions philosophiques fassent mouche. Le film n'en demeure pas moins une vraie curiosité, dans un genre plutôt rare dans notre cinéma.