Doute
Le 13/02/2009 à 17:24Par Elodie Leroy
On n'avait pas entendu parler du réalisateur John Patrick Shanley depuis 18 ans, époque à laquelle il réalisait Joe contre le Volcan. Depuis, le metteur en scène s'est essentiellement consacré au théâtre et c'est d'ailleurs de l'une de ses pièces que s'inspire Doute, son second long métrage pour le cinéma. Plantant son décor dans une école religieuse, Doute adopte le canevas classique du huis clos et s'articule autour de la confrontation entre deux personnages charismatiques, Soeur Aloysius (Meryl Streep) et le Père Flynn (Philip Seymour Hoffman), la première ayant l'intime conviction que le second s'est rendu coupable de pédophilie envers un élève. La source de sa certitude provient de faits suspects rapportés par Soeur James (Amy Adams), une religieuse timide et émotive qui n'est cependant pas tout à fait sûre de l'interprétation à donner sur ce qu'elle croit avoir vu. En adoptant le point de vue de l'accusatrice, Doute confronte ses personnages à de véritables dilemmes moraux et développe avec intelligence un propos particulièrement pertinent sur la manière dont les certitudes peuvent en venir à biaiser le jugement de chacun. Le cas de conscience est énorme puisque pour prouver la culpabilité du suspect, Soeur Aloysius va être amenée à commettre des actions de plus en plus irréparables.
La présence d'une pointure telle que Meryl Streep dans le rôle principal représente l'assurance pour John Patrick Shanley d'atteindre son but, à savoir amener le spectateur à questionner ses propres convictions morales. Changeant radicalement de registre après nous avoir communiqué sa joie de vivre dans Mamma Mia !, Meryl Streep délivre une fois de plus une prestation magistrale dans le rôle de cette soeur austère et conservatrice, emplie d'amertume vis-à-vis de l'évolution de la société, à l'inverse du Père Flynn qui incarne le mouvement progressiste des années 60 dans toute sa splendeur. Philip Seymour Hoffman donne magnifiquement le change à la comédienne, dans un face-à-face qui constitue sans conteste le principal attrait du film, atteignant son apogée lors d'un climax dialogué particulièrement flamboyant. On admirera à ce titre la maîtrise avec laquelle les dialogues jouent sur ce qui est verbalisé et ce qui reste dans le non-dit.
Toutefois, si la qualité d'écriture est indéniable, Doute s'avère au bout du compte un peu trop démonstratif pour susciter un réel enthousiasme. Sa conclusion, notamment, adopte un ton didactique certes approprié sur une scène de théâtre mais qui ne fonctionne qu'à moitié au cinéma. La réalisation de John Patrick Shanley n'est quant à elle pas dénuée de quelques maladresses. Son point fort réside dans la direction d'acteurs qui accorde une importance minutieuse au moindre geste de chacun. Sur ce plan, tout est si bien pensé que le spectateur s'amusera instinctivement à décrypter chaque expression, chaque mouvement trahissant la tension psychologique entre Soeur Aloysius et le Père Flynn lors de leurs impressionnantes joutes verbales. Sur le plan du filmage pur, en revanche, le scepticisme est de mise sur la présence maladroite de cadrages en travers au beau milieu des séquences les plus fortes, dans un film par ailleurs alourdi par un rythme trop académique et une esthétique qui sous-exploite le décor. Malgré tout, à défaut d'être complètement maîtrisé, Doute vaut pour son propos intelligent et ses prestations d'acteurs de haute volée, ce qui est déjà beaucoup.