Filatures
Le 14/12/2007 à 10:55Par Elodie Leroy
Ce premier film de Yau Nai Hoi reprend à la lettre le format imposé par la MilkyWay et tient globalement ses promesses en termes d'efficacité en dépit d'une mise en scène peu inspirée. Dommage que le scénario reste anecdotique et n'explore que superficiellement son sujet et ses personnages. On retiendra en somme de Filatures un divertissement honnête mais sans saveur.
Disciple de Johnnie To, Yau Nai Hoi a occupé le poste de scénariste sur quelques monuments tels que The Mission, Election 1 et 2 ou encore The Longest Nite. Il signe à présent son tout premier long métrage, Filatures, un polar aussi connu sous le titre Eye in the Sky. Si le film respecte les standards de la MilkyWay et tient globalement ses promesses en termes d'efficacité, il ne dépasse pas le niveau du pur produit formaté et ses qualités ne suffisent pas à pallier son manque de personnalité.
Filatures avait pourtant plus d'un atout de son côté, à commencer par un sujet riche en possibilités, que ce soit en termes de thématiques ou tout simplement de suspense. Nouvelle recrue d'une brigade spéciale, Piggy doit s'adapter aux exigences rigoureuses du métier. Celui-ci consiste exclusivement à mener des filatures sophistiquées dans les rues de Hong Kong. La première séquence du métrage met ainsi en parallèle les déambulations suspectes de plusieurs individus, certains se révélant être des criminels qui s'apprêtent à commettre un hold-up, tandis que les autres s'avèrent participer à un examen de recrutement. Une entrée en matière percutante qui a pour double avantage d'amorcer le principe du jeu du chat et de la souris qui constituera le cœur de l'action, mais aussi de permettre de cerner les différents protagonistes qui occuperont le devant de la scène. Cependant, si le montage ultra rythmé ne laisse place à aucune baisse de régime, on perçoit rapidement les limites d'un scénario très mécanique qui n'exploite que partiellement son concept de départ. Ainsi, le film met en avant les moyens technologiques déments dont dispose la brigade sans pour autant porter un regard critique sur la surveillance permanente que les forces policières exercent sur la population. Les plans insistants sur les buildings semblent pourtant témoigner d'une volonté de faire de la ville un personnage du film, une tentative qui aurait pu fonctionner si seulement Yau Nai Hoi avait su imprimer à l'oeuvre une quelconque atmosphère visuelle. On n'ira pas reprocher au réalisateur de ne pas céder à une stylisation excessive, mais force est d'admettre que l'ambiance techno distillée par la bande son paraît étrangement décalée avec le manque de soin criant accordé à l'image. En outre, voir des poursuites dans les rues filmées caméra à l'épaule ou encore des zooms sur des voitures arrivant à pleine vitesse n'a rien de bien nouveau dans le cinéma hongkongais.
Aux reproches concernant le manque d'ambition du scénario, on pourra bien sûr répliquer que Yau Nai Hoi centre résolument son intrigue sur le parcours de l'héroïne. Mais le problème est que le traitement de celle-ci s'en tient à des enjeux très basiques. On ne restera pas insensible au dilemme humain auquel Piggy se retrouve rapidement confrontée - ne jamais intervenir, y compris lorsqu'un crime est commis - mais là encore, on était en droit d'espérer une exploration plus en profondeur de l'impact psychologique de cet aspect du métier. Le choix d'une héroïne mérite toutefois d'être souligné puisque l'univers du polar hongkongais se caractérise par une sous représentation de la gent féminine, une spécificité qui a son rôle à jouer dans la difficulté du genre à se renouveler. Yau Nai Hoi serait-il mû par une volonté progressiste de faire bouger les choses? Pas vraiment, si l'on en croit le portrait misogyne de la patronne venu bien évidemment contrebalancer la présence d'une l'héroïne. On appréciera cependant l'interprétation très sobre et introvertie de Kate Tsui, inconnue au bataillon, dont les traits enfantins collent parfaitement à un personnage destiné à perdre son innocence. A ce titre, si l'opposition flics/gangsters reste très manichéenne, le point fort du film réside dans la relation touchante entre Piggy et son mentor, le Capitaine Huang, incarné avec décontraction par l'incontournable Simon Yam (SPL, Election). En dépit d'un moment de gloire un peu too much, Huang apporte un peu d'humour et même d'émotion à Filatures - justement, le film manquait cruellement d'âme.
Au final, Filatures aurait pu gagner en envergure si seulement il avait bénéficié d'une écriture plus fouillée et d'une mise en scène plus inspirée. Comparé aux récents Flash Point de Wilson Yip et Dragon Squad de Daniel Lee, deux films qui affirment un style très maîtrisé et apportent un véritable coup de fouet à l'action made in Hong Kong, Filatures se laisse agréablement regarder mais fait bien pâle figure.