Harcelés

Certes, les précédents longs métrages de Neil LaBute n'ont pas toujours convaincu et l'on se souviendra longtemps des séquences involontairement hilarantes de The Wicker Man qui ont circulé sur la toile. Toutefois, le réalisateur prouve avec Harcelés (présenté à Deauville sous le titre Lakeview Terrace) qu'il est tout de même capable de faire un peu mieux. Et s'il fallait le comparer aux récentes tentatives du genre dont il se réclame, à savoir le thriller ancré dans le quotidien, Harcelés se situerait indéniablement dans le haut du panier. Pourtant, le pitch de départ est simple comme bonjour : dans un quartier chic de Los Angeles, ce genre de quartier où il ne se passe habituellement rien, un couple fraîchement installé dans un superbe pavillon avec piscine va vivre un véritable enfer à cause de son voisin, un policier rigide qui aime user du pouvoir de son uniforme. Ca commence par des insinuations désagréables ou par des nuisances toutes simples, comme de laisser la nuit un éclairage extérieur donnant directement dans la chambre à coucher de la maison d'en face. Et puis bien sûr, quelques maladresses aidant de la part des nouveaux venus, le dialogue devient très vite impossible et l'escalade commence, prenant rapidement de telles proportions que le conflit tourne à l'obsession pour les deux parties. Si l'on ajoute à cela un incendie incontrôlable qui fait des ravages aux alentours et touche des habitations de plus en plus proches, le terrain devient décidément favorable aux comportements les plus violents.

Harcelés fait partie de ces films obéissant à un schéma que tout bon faiseur de films hollywoodiens se doit de maîtriser. Mais s'il n'innove en rien dans la forme, Neil LaBute a le bon goût de ne pas céder aux dérives du sensationnalisme puisque la montée de tension entre Abel Turner (Samuel L. Jackson) et le couple formé par Lisa et Chris Mattson (Kerry Washington et Patrick Wilson) repose sur un enchaînement de situations crédibles du début à la fin. Quel habitant de pavillon ne s'est jamais fritté avec son voisin pour une branche d'arbre qui dépasse sur le jardin d'à côté ? Qui n'a jamais cru devenir fou en raison d'un tapage nocturne intervenant comme par hasard au beau milieu de la semaine ? Dans ce conflit pour le moins universel intervient un autre ingrédient : le racisme. Une thématique qui, reliée à celle du territoire, se voit abordée ici sous un angle intéressant en plus d'être envisagée sous le point de vue de l'agresseur comme de ses victimes. Car si Samuel L. Jackson met de côté son habituelle coolitude et apparaît sous les traits d'un homme inquiétant à souhait, il parvient à imprimer une réelle complexité à son personnage, et ce même si ses relations avec ses enfants restent un peu trop survolées. De son côté, Patrick Wilson (Hard Candy) se montre lui aussi très convaincant dans le rôle du monsieur tout-le-monde qui n'a rien demandé à personne mais qui va révéler des facettes peu reluisantes au contact de son harceleur. A l'arrivée, on se doute un peu comment toute cette affaire va se terminer mais Harcelés n'en est pas moins un thriller efficace et pas si bête que ça.