Hitchcock avec Anthony Hopkins
Le 11/12/2012 à 13:34Par Jonathan Deladerriere
Hitchcock : Critique (2013)
Premier long métrage du scénariste Sacha Gervasi (Le Terminal), Hitchcock, le bien nommé, situe son action lors du tournage du mètre étalon du « maitre du suspense », à savoir le mythique Psychose. Inutilement "remaké" en 1998 par Gus Van Sant et objet de trois suites souffrant toutes la comparaison et la critique, le chef d’œuvre culte demeure aujourd’hui encore, dans l’imaginaire collectif, l’un des moments les plus terrifiants de l’histoire du septième art. Alors quid de cette peinture d’une pointure se frottant au genre horrifique ?
Adaptation à l’écran du livre Alfred Hitchcock and the Making of Psycho de Stephen Rebello (Psycho en est une du roman éponyme), le film de Gervasi se veut avant tout un tour de force d’équilibriste. Oscillant entre romance contrariée, bras de fer avec les comités de censure américains ou les difficultés de production, le film prend de multiples directions. D’une jalousie fort à propos (parfaite partition d’Helen Mirren) à une célébrité saupoudrée d’obsession sordide, le personnage incarné par Hopkins transpire la mise en péril de son couple, de sa santé mentale, ou de ses impératifs artistiques. La fascination qu’entretient ce réalisateur magnifié de tous bords pour le tueur en série Ed Gein fait froid dans le dos. Réussissant presque à faire oublier au spectateur omniscient qu’il connaît la suite de l’histoire (oui Psychose sera un succès, oui Hitchcock inventera un marketing d’avant garde), Sacha Gervasi, avec toute la révérence policée attendue, soigne son office et délivre un produit (peut-être un peu trop?) calibré.
D’une reconstitution magnifique à de nombreux clins d'œil enclins à flatter l’ego cinéphile, la mise en scène manque toutefois de prise de risques. Souvent lisse, parfois effacée (à l’image du score de Danny Elfman), la réalisation privilégie souvent la boulimie ou l’affection de Sir Alfred pour ses chères blondes quand on attendait une certaine folie formelle. Ainsi, bien qu’Anthony Hopkins, un poil trop cabotin, trouve ici un rôle à sa (dé)mesure, on regrette l'éparpillement de son intrigue en autant de mises en lumières parfois regrettables. Impossible en effet d’oublier que sous les traits de Vera Miles ou Janet Leigh, se dissimulent les magnifiques Jessica Biel ou Scarlett Johansson. On retiendra, toutefois, l’excellent jeu de la toujours juste Toni Collette, et surtout l’impeccable James D’Arcy en Anthony Perkins.
De ce casting quatre étoiles en passant par ces égarements illusoires (on pense aux scènes de dialogues entre Hitchcock et Ed Gein), ou de ces multiples mises en abîmes (Voyeurisme, pulsions), que subsiste-t-il donc une fois la dernière bobine entamée ?
C’est précisément à ce moment, sa responsabilité digérée et son humilité assumée, que Sacha Gervasi laisse éclater son talent. Conscient d’un propos ambitieux qui dépasserait sans nul doute nombre de metteurs en scènes contemporains, le réalisateur prend enfin du plaisir dans ses scénettes, nous convie au voyage, et donne au public ce qu’il attend : un hommage non emprunté. Lucide sur notre désir caché : celui de voir une nouvelle œuvre du créateur des Oiseaux, n’est qu’un leurre, il livre alors tout ce qu’il a dans le ventre. Plaisir coupable on ne peut plus jouissif, le spectateur entend enfin les cris stridents du compositeur Bernard Herrmann, devine une silhouette à l’embonpoint unique se dissimulant derrière les projecteurs, et tire ce fameux rideau de douche avec toute la fureur qu’elle suppose. Les frissons sont désormais le plaisir, et tous les amoureux du septième art, enfin rassasiés, acclament.