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Kenji Mizoguchi : Les Années 30

Le 05/10/2007 à 15:31
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Notre avis
8 10 Certains préféreront sans doute ce Kenji Mizoguchi à celui, plus connu, de ses derniers films : tout en ayant la même exigence formelle tout au long de sa carrière, le cinéaste s'autorisait durant les années 30 à élaborer des cadrages baroques et visuellement plus évocateurs, en un mot moins "rigides".

Critique Kenji Mizoguchi : Les Années 30 Parallèlement à la sortie à l'unité des Soeurs de Gion, Calotta édite dans un coffret 2DVD trois films de Kenji Mizoguchi, moins connus des cinéphiles.

Commençons par le plus vieux, La Cigogne en papie, troisième adaptation par Mizoguchi d'un roman de l'écrivain populaire Kyoka Izumi, le cinéaste jetant cette fois-ci son dévolu sur Baishoku Kamonanban que Tatsunosuke Takashima a adapté sous forme de scénario. Mais La Cigogne en papier, c'est aussi le dernier film muet du cinéaste, le passage du muet au parlant s'étant déroulé dans la douleur au Pays du Soleil Levant. En effet, à cette époque, les spectateurs étaient pour une grande majorité illettrés et le rôle de commentateur des benshis (littéralement : hommes parlant) était donc primordial. De même, ceux-ci avaient acquis à travers les années une certaine renommée, certains étant même plus connus que les acteurs eux-mêmes. Le parlant remettait alors en cause leur statut, si l'installation de ce procédé révolutionnaire signait l'arrêt de mort de leur profession. Certains cinéastes tels que Mizoguchi ou Yasujiro Ozu étaient eux aussi très réticents au passage au parlant. Très influencés à cette époque par le cinéma américain, ils mettaient un point d'honneur à soigner l'image et les mouvements de caméra. Ce langage très visuel était pour eux incompatible avec le parlant, techniquement trop lourd à gérer.

Critique Kenji Mizoguchi : Les Années 30La Cigogne en papier

La Cigogne en papier est sans doute le film le plus lyrique du coffret. Devant sa mise en scène moderne, son audace du montage et du cadrage, on constate (si l'on en doutait) que Kenji Mizoguchi maîtrise parfaitement l'art cinématographique. Les deux séquences les plus remarquables étant sans aucun doute l'ouverture et la clôture du métrage. Ouvrant sur un quai de gare, de nuit et sous la pluie, Mizoguchi nous plonge dans les souvenirs de deux personnages, leur rencontre dans une forêt non loin de là. Ambiance proche du fantastique étonnante de la part du cinéaste qui s'efforcera plus tard d'imprimer sur pellicule les injustices dont fait l'objet la femme japonaise. La fin, mélodramatique au possible, confirmera cette première impression.

Adaptation plutôt fidèle de la nouvelle de Guy de Maupassant Boule de suif par Matsutaro Kawaguchi et Tatsunosuke Takashima (encore lui), Oyuki la vierge (Maria no Oyuki) nous plonge dans le Japon des années 1870 à l'époque de la guerre de Seinan. On y suit Oyuki et Okin, deux prostituées fuyant l'armée impériale à bord d'un fiacre, accompagnées de nobles méprisants. Lorsqu'ils arrivent à Yashiro, un membre de l'armée Saigo, présent sous un déguisement, est démasqué et exécuté...
Dans ce premier film parlant, Kenji Mizoguchi retrouve une nouvelle fois Isuzu Yamada, l'une des plus grandes actrices de la Nikkatsu, et Komako Hara qu'il avait déjà dirigée dans Le Col de l'amour et de la haine (Aizo toge, 1934). Loin de la rigueur formelle qui sclérosera sa mise en scène plus tard, Mizoguchi ose dans Oyuki la vierge les variations des axes et des échelles de plans. Il n'a pas non plus peur de la profusion de plans au sein même de son cadre, ni même qu'un élément situé au premier plan du décor "parasite" tout son cadre.


Aux côtés de Oyuki la vierge et La Cigogne en papier, Les Coquelicots fait plutôt pâle figure. Non que le film soit mauvais (le scénario est tout de même écrit par Daisuke Itô et Haruo Takayanagi d'après un roman écrit en 1907 par Sôseki Natsume), mais ce mélodrame bourgeois sur l'habituelle confrontation pour le coeur d'un homme entre une femme moderne et une femme respectant la tradition nous laisse quelque peu de marbre. A noter que, Isuzu Yamada étant enceinte à l'époque du tournage, Kenji Mizoguchi confia le rôle principal à la jeune Kuniko Miyake. Leurs chemins se recroiseront d'ailleurs plus tard à l'occasion de La Flamme de mon amour (Waga koi wa moenu, 1949).






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