Kick-Ass
Le 21/04/2010 à 00:01Par Arnaud Mangin
Sans vouloir l'être réellement, Kick-Ass fait pourtant partie des rares bons films récents traitant du mythe du super-héros avec intelligence et de la culture populaire geek avec lucidité. Sorte de The Dark Knight en pleine crise d'adolescence, mettant le paquet dans l'immaturité revendicative, le film de Matthew Vaughn est surtout un divertissement d'une facture délirante, bourrine, pourtant doté d'une mise en scène aussi élégante que percutante. Un truc terriblement fun qui se serait perdu quelque part entre Batman et Les Beaux gosses !
Découvrez ci-dessous la critique de Kick-Ass...
critique Kick-Ass
Alors que les studios sont en train de se tirer la bourre de tous les côtés pour savoir comment conserver leurs franchises et cultiver les brouzoufs en jachère sans le moindre état d'âme (cf les multiples reboot annoncés), Kick-Ass arrive à point nommé et se pose comme une bonne nouvelle dont le genre avait effectivement besoin. Dans le genre "divertissement over-décontracté qui garde le cap" (et son identité) en sachant comment faire plaisir à son spectateur, on ne fait clairement pas mieux en ce moment. D'abord parce que le film possède un vrai sujet de fond maquillé en vrai faux-pastiche, qui nous rappelle le tout aussi revigorant Hot Fuzz, sur le rapport entre les œuvres de divertissement et la façon dont leurs fans les absorbent jusqu'à s'y confondre personnellement. Ensuite parce le spectacle atteint un niveau de jubilation, à des années lumières des gimmicks moraux et de la mode des produits mainstream actuels. N'ayant pas peur de tutoyer le mauvais gout dans la force de certaines images (comme il l'avait déjà fait sur Stardust) en transformant une gamine de 11 ans en dangereuse meurtrière, Matthew Vaughn glisse d'autant mieux la ficelle dans la tête de l'aiguille pour livrer un discours d'une grande lucidité (comme dans Stardust aussi). Et dire qu'on l'a chassé de X-men 3 pour lui préférer Brett Ratner.
Le passé, c'est le passé... Le présent, c'est Kick-Ass ! Et tant mieux. Avec son histoire d'adolescents esseulés par l'absence de super-héros dans le monde réel et s'essayant eux-mêmes à l'exercice puisque personne d'autre ne daigne se prendre pour Superman, le film de Vaugh s'impose immédiatement comme une sorte d'anti-Spider-man (et surtout anti Spider-man 3). C'est-à-dire qu'il se couvre un propos lucide et responsable sur la notion de justice, d'héroïsme (une chose souvent irréfléchie et stupide) mais surtout qu'il ne cherche pas faire avaler des couleuvres sur la progression formelle du jeune homme qui doit devenir un homme. Les paraboles grossières et processus d'identifications stupides sont donc écartés. En ce sens, on rejoint Wanted, également décliné d'une bande dessinée de Mark Millar, qui expliquait déjà que si l'on n'est pas un grand homme ou un héros aux actes révolutionnaires, on n'est pas un looser pour autant. Une ode saine à la normalité, finalement, aux gens simples et à tous ceux qui savent s'abreuver de la culture populaire sans basculer dans la schizophrénie Marvelièsque.
Une analyse du mouvement geek qui ne plaira sans doute pas à certains d'entre eux mais qui se fait sans jérémiades poussives (prend ça dans les dents l'araignée), sans bluette dégoulinante (prend ça aussi) et qui explique que l'on peut avoir envie - sans le subir - d'être un super héros, juste parce que ça doit être cool et pas forcément suite à un traumatisme cataclysmico-geignard pioché dans un mauvais soap. Non seulement ce n'est pas idiot, mais c'est bidouillé encore moins idiotement. Vaughn signe un pastiche, certes, mais avec une véritable passion pour l'univers qu'il détourne sans jamais tomber dans le foutage de gueule condescendant. Prenant même le sujet avec un sérieux parfois troublant, on est clairement plus proche de The Dark Knight dans certains éléments dramatiques que de n'importe quel Super-Heros Movie où des débiles glisseraient sur des peaux de banane. C'est en cela que le personnage de Nicolas Cage, en mode vigilante, justicier masqué pour de mauvaises raisons (et bon en plus, ça devient rare) apporte une touche de maturité supplémentaire sur le recul à prendre sur certaines œuvres.
Mais après tout, on est là pour s'éclater. Et comme la démarche est respectueuse, on accepte de jouer le jeu à fond les ballons, en absorbant tout le côté outrancier de cette comédie d'action particulièrement jouissive. On évoquait un peu plus haut le cinéma d'Edgar Wright (Shaun Of The Dead et Hot Fuzz, donc) et, même si les styles sont très différents, ils abordent la même progression immersive de la comédie qui joue avec les clichés d'un certain type de film pour finalement en devenir un exemplaire à part entière. Entre le pastiche de bon goût et le grand guignol bigger and louder, il n'y a qu'un pas que le spectacle franchit de quelques bonds en délivrant son lot de séquences clairement kiffantes et des personnages délirants. En particulier l'une des héroïnes, Hit Girl, sorte d'Uma Thurman courte sur pattes qui déchiquète et découpe à tour de bras dans une profusion d'inventivité qui n'oublie pas ses sources : le cinéma d'action, la bande dessinée et même le jeu vidéo (via une fusillade en mode FPS). Même topo pour Mark Strong, méchant hystérique bien loin de ce qu'il nous avait déjà fourni dans Sherlock Holmes et qui nous renvoie même un peu au Durant de Darkman. Plein de choses, en somme, qui font de Kick-Ass une véritable cour de récréation sur pellicule brute de décoffrage et totalement inattendue.