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L'Autre

Le 28/01/2009 à 14:41
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Notre avis
8 10 Absents des écrans depuis 2003 et leur OFNI simili-autobiographique Dancing, Patrick Mario-Bernard et Pierre Trividi proposent avec L'Autre une descente aux enfers vertigineuse, un voyage nauséeux dans les tréfonds les plus noirs de l'âme humaine. Reposant littéralement sur les seules épaules de Dominique Blanc, L'Autre dessine devant nos yeux terrifiés un inquiétant portrait de femme au bord de l'hystérie. Le plus inquiétant ? L'autre, c'est moi.


Critique du film L'Autre Critique du film L'Autre
Il nous arrive parfois lorsque la lumière s'éteint et que les premiers plans nous apparaissent de savoir si un film nous plaira ou non. Le plan séquence magique du soleil qui se lève dans le Lumière Silencieuse de Carlos Reygadas est de ceux-là. Tout comme Indiana Jones et ses lamentables marmottes digitales. L'Autre. Séquence 1. Intérieur nuit. Dans sa salle de bain, une femme d'une quarantaine d'années face à son miroir. Marteau à la main, elle tente de détruire son reflet. Pour ensuite le tourner vers elle et se donner un coup sur la tête. Un geste troublant, dérangeant, inexplicable. En quelques minutes, on sait d'emblée que l'on va assister à quelque chose de radicalement autre.

Anne-Marie se sépare d'Alex. Il veut vivre une vraie vie conjugale. Elle veut garder sa liberté. Ils se séparent sans heurt et continuent à se voir. Pourtant, lorsqu'elle apprend qu'Alex a une nouvelle maîtresse, du même âge qu'elle, Anne-Marie devient folle de jalousie. Enfermée dans son obsession, elle cherchera par tous les moyens à découvrir qui est cette autre femme, ce double qui lui ressemble étrangement...

Critique du film L'Autre
Derrière la caméra, Patrick Mario-Bernard et Pierre Trividi ne nous avaient pas habitués à autre chose. Dancing, leur premier long métrage, déroutait tout autant le spectateur. Co-réalisé à six mains avec Xavier Brillat, Dancing avait un petit quelque chose de Mautpassant dans la capacité des deux plasticiens d'inscrire leur univers à la lisière du drame intimiste et du fantastique, de la matérialité et du fantasme. Un univers familier d'où surgit insidieusement l'inquiétant qui nous ressemble. Pour leur second long-métrage, plutôt que de se mettre une nouvelle fois en scène, le duo contacte exclusivement Dominique Blanc en lui proposant le rôle principal de l'adaptation de L'occupation, roman autobiographique d'Annie Ernaux. Un rôle écrit pour et rien que pour elle. Un rôle qui permet à la comédienne de littéralement se transcender (on ne l'avait jamais filmée ainsi depuis Transit) et qui lui vaut de repartir légitimement récompensée du prix d'interprétation à la dernière Mostra de Venise.

Rien (ou peu) a changé depuis Dancing. Les décors, la lumière, le cadre, tout est toujours aussi froid, spleenesque, distant en apparence, le tandem Trividi/Mario-Bernard insistant subtilement sur la solitude d'Anne-Marie, toute aussi en détresse que les personnes qu'elle tente d'aider au quotidien (elle est assistante sociale). Ce qui sera interprété par certains comme une mise en scène manquant de relief (ou pire celle d'un téléfilm) est pourtant le plus à même de faire état de la frontière poreuse entre les fantasmes parano-identitaires de cette femme et son quotidien le plus banal. Ou comment l'ennuyeux train-train journalier (boulot, métro, dodo) devient le théâtre d'une inquiétante étrangeté. Les lieux les plus familiers devenant des taules anxiogènes intenables. Un reflet, une porte qui bat, une alarme... les détails les plus anodins deviennent ainsi sources de divagations mentales destructrices. On pensera irrémédiablement au glaçant Dans ma peau de Marina de Van : malgré leur différence de sujet - ce dernier esquissant le portrait d'une femme découvrant par la douleur son corps et ses limites - les deux films révèlent sans tambour ni trompette le parasitage d'une psychose sur la réalité.

Critique du film L'Autre
Dans cette dérive inexplicable, Patrick Mario-Bernard et Pierre Trividi sèment pourtant tout du long un semblant de pistes pouvant en partie justifier ce dérapage. Est-ce une simple hystérie freudienne ou la manifestation de la peur de la solitude, ou même la résultante de pressions extérieures (le culte de la jeunesse imposé par la société de consommation, les délires ultra-sécuritaires menant à une constante surveillance électronique) ? Et puis finalement on se contrefiche pas mal de ce qui cause cette démence, l'important étant de constater à quel point un simple déclic aussi insignifiant soit-il peut faire perdre la raison à un être a priori psychologiquement solide. Et c'est en cela que le film devient lourd et pesant. Cet être effrayant, le regard perdu qui se fixe dans son miroir, nous ressemble étrangement...




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